THE ART OF SELF-DEFENSE

Knucklebunder / Lovingkindness
Knucklebunder, un trio californien qui avait sorti en 2020 un single avec un morceau de plus de douze minutes sur une face et un autre au-delà de treize de l'autre coté. C'était pas banal et c'était passé sous nos radars. Avec leur premier album Lovingkindness, Knucklebunder est revenu à des durées plus raisonnables, normales. Leur noise-rock reste cependant subtilement étrange et décalé sans pouvoir véritablement l'expliquer mais c'est là, ça flotte dans l'air et ça retourne la tête. Enregistré de main de maître par Scott Evans (Kowloon Walled City), Lovingkindness pratique un noise-rock très rythmique avec des joutes grandioses qui mettent de belles branlées (Ultimate Ultimate) en plus de la pression mais avec une articulation qui leur est propre. Ça semble complexe, tout intriqué mais pourtant ça rentre dans le lard. Et c'est mélodique aussi avec une guitare participant aussi à cette impression rythmique mais capable de délivrer de magnifiques arpèges, notamment sur les instrumentaux Star-Cross et Retreat March qui sont bien plus que des intermèdes ou de se mettre très souvent en mode slide pour mettre du liant dans tous ces rochers qui dévalent autant que pour rajouter de l'huile sur le feu. Huit compos qui vous explosent, trimballent dans tous les sens, laminent, illuminent et se terminent par le morceau le plus long, les presque sept minutes de Job's Daughters où Knucklebunder retrouve ses réflexes de 2020 avec une structure plus narrative, sous-tension, sans cesse sur le bord d'une implosion qui n'arrive jamais et c'est toujours aussi bien et unique. À découvrir d'urgence.
[publié le 27 février 2025]


Pnoom / Energy
Pnoom a publié son premier album en cassette et il s'appelle Energy. Parce que de l'énergie, oui, il y en a, une belle et bruyante, dense, grésillante, palpitante avec des contours mélodiques enveloppés par une grosse couche plus noisy que noise, la nuance est fine mais elle est là même si au final ça te bouchonne les oreilles dans les deux cas. Pnoom, un groupe canadien (Montréal) qui ne se fait pas déborder pour autant par l'énergie. Il la dompte, la pondère, la calme pour mieux la laisser éclater, voir tout griller dans des fins de titres très noisy (Borchardt Of Canada), inclue des interludes et reste sans cesse sur une vague qui se veut mélodique, un esprit shoegaze qui flotte dans un corps noise-rock, voir des traces d'un psychédélisme bien abrasif et lourd (Lock!, Kerenski) de la part d'un groupe qui peut subitement envoyer tout valdinguer comme sur Station Goran et une poignée d'autres moments bien énervés. Pnoom, retenez bien ce nom.
[publié le 21 février 2025]


The None / Care
The None n'a pas tardé pour donner une suite à Matter. Six mois plus tard, c'est Care qui débarque, à nouveau quatre titres et hélas toujours en version numérique seulement. Et ce qui ne change pas non plus, c'est l'incroyable inspiration dont le groupe londonien fait preuve pour faire briller son noise-rock dans de multiples directions et lui donner un relief ne se contentant pas des schémas connus. Entre la chanteuse bluffante et sa charismatique voix, la rudesse de la section rythmique et le jeu très affûté et inventif du guitariste, avec l'articulation qui en découle entre ces quatre là et la dynamique pleine de ressort et de cassure alternant sans qu'on la voit venir de méchants coups de butoir brutaux, des passages plus mélodiques et tout un tas de crochets alliant souplesse et subtilité, The None aligne quatre titres brûlants très habilement construits qui défoncent dans les règles de l'art. Convertissez vous à The None.
[publié le 14 février 2025]


Predeceased / Plague Trains
Nouveau single numérique pour le trio anglais Predeceased après celui paru en mai de l'année dernière. Le groupe de Manchester s'attaque aux trains pour dire tout le mal qu'il en pense avec Plague Trains, infusion détonante qui file sur les rails du noise-rock sans jamais dérailler. Si Predeceased cite Metz, non pas comme destination, mais comme influence de la part du groupe canadien, Predeceased y met les formes et la conviction, plus de secousses et d'abrasion aussi. Predeceased est sur la (très) bonne voie. L'autre compo est une reprise. Blood On Your Hands, un titre de Killing Joke en 2003. Avec un invité derrière le micro, Cal Francis, le chanteur de Ditz. Une cover à la propulsion impeccable qui montre encore plus de mordant que l'original, une basse carnassière et Wayne Adams derrière les manettes pour que l'enregistrement saigne pour de vrai.
[publié le 06 février 2025]


Meat Wave / Voicemail-Dehydrated
Des nouvelles de Meat Wave qui ne s'était pas manifesté depuis 2022 et Malign Hex. Le trio de Chicago revient avec deux inédits. Voicemail, c'est une grosse minute de ce indie-rock-punky-noise que Meat Wave semble pouvoir écrire à l'infini mais que ça fonctionne toujours parce que c'est hautement efficace et que c'est un vrai shoot d'adrénaline. Dehydrated visite la face plus mélancolique et mid-tempo du trio mais ça reste tendu, mélodique et accrocheur comme Meat Wave sait si bien le faire. Une recette qui a fait ses preuves et le trio compte bien le montrer encore cette année vu qu'il a promis more shows and music in the future.
[publié le 27 janvier 2025]


Despiser / Inferior Rituals
Furie noise-punk en provenance de Baltimore. Despiser déboule avec huit titres sous le coude qui ont pour nom Inferior Rituals et distribue mandale sur mandale. Metz peut aller se rhabiller. Et Tunic n'a qu'à bien se tenir. C'est très rocailleux et revêche, robuste et court sur pattes, ça mord sans relâche avec le chanteur dans le rôle du pitbull chef de meute et la fuite en avant comme seule solution. Il y aurait du Gerda dans Despiser, dans cette brutale frénésie marquée par des penchants hardcore et punk, cette urgence qui en veut à votre gorge, une intensité qui ne décompresse jamais et assez de souffle pour tenir vingt minutes sans problème, se prendre d'un bloc un enregistrement qui ne fait de toute façon pas dans l'hétérogénéité, tout fracasser autour de soi et reprendre ensuite le cours normal de sa vie.
[publié le 24 janvier 2025]


Youff / The Keepers
Vous reprendrez bien un bout de Youff ? The Keepers, une compo qui n'avait pas trouvé sa place sur Heydays et c'est bien dommage. Pourtant écrit et enregistré en même temps que ce fulgurant et grand disque de malade, le groupe belge soumet cet inédit à notre sagacité. Grand bien lui a pris. Cinq minutes trente de folie contagieuse qui montre que Youff n'est pas que le gardien du zoo pour qui these birds are an insult répété à s'arracher la mâchoire avant de mourir dans un long râle, il est aussi le gardien d'un noise-rock détraqué et créatif, absurde et furieusement cinglant. Youff, si vous avez d'autres inédits, n'hésitez surtout pas.
[publié le 19 janvier 2025]



Solderer / Normal Style

Beige Palace n'existe plus ? Qu'importe. On reprend exactement les trois mêmes, on rajoute Theo Gowans à la guitare qui a quitté Thank, contrairement à Freddy Vinehill-Cliffe qui passe à la basse chez Solderer alors que Kelly Bishop se concentre sur le chant et que Ant Bedford reste à la batterie. Pour évoquer Solderer, rien de plus simple que de regrouper l'équation Beige Palace + Thank en rajoutant encore plus de bizarreries (notamment la voix de Bishop très trafiquée et qui en devient asexuée), une guitare totalement vrillée qui joue pas un accord répertorié, un sens de l'absurde et du noise-rock qui ferait le bonheur de Skin Graft et touchant au sublime sur le long et erratique Going Mad In A Hotel. Huit titres de no-wave déglingué et acerbe qui existent en version cassette sur Discos Peroquébien.
[publié le 12 janvier 2025]


Eyesore & The Jinx / Marcel - A Career In Show Business
Un peu de rab avec deux inédits issus de la session d'enregistrement de
Jitterbug. Un album que j'espère vous avez tous si vous aimez Badgewearer et autres élasticités trépidantes et tourneries rebondissantes et effilées. Ce n'est pourtant pas le cas de Marcel épris de mélancolie et d'un pas mesuré mais c'est beau et touchant. Mettez du Eyesore & The Jinx dans votre vie, le trio de Liverpool la rendra plus légère.
[publié le 09 janvier 2025]


Makeshift Art Bar / Lackluster Writing Makes Fundamental Reading
Dans le sillage de Gilla Band, l'Irlande a le vent en poupe en matière de noise-rock, de dissonances sifflantes et de chaos savamment entraînant. On a eu par exemple Naked Lungs ou Gurriers. Makeshift Art Bar s'avance sur la liste. Un groupe de Belfast qui sort quatre titres après avoir déjà donné quelques belles sueurs chaudes en 2023 avec Inertia. Les palpitations se poursuivent avec le titre littéraire Lackluster Writing Makes Fundamental Reading. Mais il s'agit bien de musique ici, de noise-rock enlevé, échardé, syncopé, rempli d'éclats chaotiques qui sont autant cabossés que séduisants, avec deux guitares perçnates en barbelés, dans un territoire entre les premiers Gilla Band quand il s'appelait encore Girld Band et Birthday Party. Et ces derniers ne sont pas uniquement cités parce qu'un morceau se nomme comme l'ex-bande de Nick Cave (ça serait plutôt Sonic Shelf qui y ferait penser). Mais le champ lexical de Makeshift Art Bar pour faire du bruit reste large, les possibilités sont multiples à l'instar des sept minutes et quelques de l'épatant et tournoyant Notice Me ou le plus hargneux et acéré Bedwetter. Ce groupe devrait refaire parler de lui à plus grande échelle sans problème.
[publié le 07 janvier 2025]


Children / Aus Spitzen Knochen
Children, six garnements allemands qui jouent au noise-rock comme d'autres avec le feu. Après un premier EP quatre titres en 2022 (Counterfeit Fire) déjà très recommandable, le sextet de Berlin revient avec une cassette trois titres (sur Opus Lazuli records) nommée Aus Spitzen Knochen, une histoire de dentelles et d'os. Bassiste, batteur, chanteur, deux guitaristes et un saxo ténor. De quoi faire s'entrechoquer toutes sortes de bruits et lui faire de belles figures. Le faire mariner avec des effluves fortement rock'n'roll pour lui donner de la cuisse agressive et ardente, assaisonner avec des épices expérimentales pour dévier de la trajectoire du commun et mettre le thermostat à fond pour que ça vous chauffe le cul. Trois titres furieusement fracassants, secoués, jouissifs. Surveillez ce Children, il va nous en faire baver et on en redemandera.
[publié le 01 janvier 2025]


Le Massacre / On Sight
Le Massacre voit rouge. Tout le temps. Troisième EP et toujours ce rouge qui envahit la rétine. Un groupe de Besançon qui crache son venin en mode trio. Guitare/chant, batterie et machines. Un jus noire, noise, indus et tourmenté en découle. L'esprit est belliqueux, ça grêle dans les cordes, la rythmique s'abat salement, l'électronique est abrasive et retorse. Avec un arrière-goût d'acier froid et sinistre qui colle aux semelles. Ça me va très bien ces compos qui ont du coffre et de l'allant. Il faut attendre le dernier des quatre titres, Masse Acre, pour voir le trio scander sa rage de façon plus oblique et traînante mais ce n'est pas moins désespéré. Le Massacre a du bon. Affaire à suivre de près.
[publié le 24 décembre 2024]


Naked Objects / Blanks
Les sorties de Naked Objects se font désormais à un rythme moins assidu mais c'est toujours un réel plaisir de s'en reprendre une tranche. Trois nouveaux morceaux de post-punk toujours aussi classe, précis, avec la basse majestueuse aux accointances dub et un brin de mélancolie supplémentaire sur Nights malgré la rythmique soutenue et entraînante. On aimerait que Naked Obejcts sorte un véritable album, avec une vraie distribution et mise en lumière pour qu'il sorte de la confidentialité dans lequel ce projet évolue mais je crois qu'il va falloir en prendre son parti. Alors profitez sans retenue de cette nouvelle offrande avec Blanks qui comble un vide. Jusqu'à la prochaine sortie.
[publié le 20 décembre 2024]


Gláss / Local Man Dies
Cela faisait plus d'un an que Gláss publiait un par un des morceaux dont on ne connaissait pas la destination finale. Elle vient de se révéler à nous. Douze morceaux formant Local Man Dies, un troisième album qui voit le jour uniquement dans les méandres des internets mais encore une fois, c'est à se damner. J'espère que vous avez tous encore en mémoire Wilting In Mauve. Sinon une session de rattrapage est immédiatement obligatoire. Le trio américain revient quatre ans plus tard encore plus aventureux, ambitieux, unique et insensé. Presque une heure trente de musique qui ne se laisse jamais attraper facilement dans les filets des étiquettes. Art-punk ou art-rock pour faire large mais plus certainement, une propension inégalée pour mélanger mélodie, intensité, répétitivité, structures échevelées n'hésitant pas à aller taper dans les dix ou vingt minutes (Abrade et Gate), inventivité, liberté des formes, richesse des sonorités sans jamais que tout ça sonne trop chargé ou trop cérébral mais au contraire sans cesse tendu, nerveux, étrangement aérien, évolutif, narratif, barré, hypnotique, surprenant, avec plein de fracas, de dissonances et de fulgurances dedans, d'accalmies inquiétantes et d'un truc beau et impalpable. Il faudrait des heures pour en faire le tour et quand bien même, on n'y arriverait pas. Plongez dans Gláss sans plus attendre et espérons qu'un jour, ce groupe sorte de la confidentialité dans laquelle il navigue injustement depuis toutes ces années.
[publié le 17 décembre 2024]


Tenants / Error
Un tour en Grèce avec Tenants qui avait déjà sorti en toute discrétion un premier album, Stations, en 2019. Cette fois, c'est que du virtuel mais on ne va pas le rater ce coup-ci. Ça s'appelle Error mais le quartet d'Athènes n'en fait pas. Certes, Tenants ne prend pas énormément de risques mais les sept titres déroulent un noise-rock alléchant qui connaît les fondamentaux du genre avec un bon groove sanguinaire qui tranche dans le lard, une guitare
qui tronçonne des riffs pour réchauffer tout l'hiver pendant que l'autre dispense des arpèges plus retors quand c'est pas les deux qui envoient des parpaings avec gaillardise ou sèment le bordel (la fin de I Can't Think). Nothing sort un brin du lot avec une touche plus rock'n'roll mais en général, on sait d'avance l'aboutissant de Tenants, un noise-rock lourd et alerte dans le sillage de Cherubs, Unsane and co et ça passe sans forcer.
[publié le 13 décembre 2024]


Daughters Of Saint Crispin / Beauty Slips Away
Cela fait un moment que cette gazette voulait parler de Daughters Of Saint Crispin. Ça aurait pu se faire avec leur premier album en 2021 mais impossible de se le procurer sauf en payant des frais de port indécents. Depuis, le groupe de Madison a disséminé de nombreux titres numériques et le EP Beauty Slips Away paru l'été dernier semblait être le bon moment pour s'arrêter sur ce qui fait la quintessence de Daughters Of Saint Crispin. Un duo composé de Russell Emerson Hall (guitare, chant, ex-Tyranny Is Tyranny et The United Sons Of Toil), Peter Leonard (basse, chant) et d'une boite à rythme ne s'appelant pas Roland. Le duo a beau s'amuser à décrire leur musique comme du Big Black et du Godflesh jouant des compos de Codeine, on n'est pas obligé de les croire. On voit bien où il veut en venir mais c'est surtout l'allusion à Codeine qu'il faut retenir. Trois titres longs et beaux où le slowcore se pare de lourdeur, la dépression se voile d'embruns shoegaze, le doom se fait aérien, les mélodies illuminent, l'intensité est sourde, palpable et le chant rauque finit par coller le bourdon. Un mélange particulièrement réussi sur Still Life alors que Kingdom montre que le duo sait aussi s'emporter et que c'est splendide à entendre. Daughters Of Saint Crispin sait fait également une spécialité des chants de Noël. Pour 2024, le duo vient juste de publier le trois titres Daughters Of Saint Christmas pour reprendre des classiques de cette époque bénie. L'occasion que vous rêviez tous et toutes pour écouter du Wham! l'air de rien et chanter en choeur Last Christmas, I gave you my heart sans passer pour des peintres.
[publié le 10 décembre 2024]


 





 

 

 




























































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