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Blow
The Jesus Lizard Tribute – 2xLPs
Improved Sequence records 2025

The Jesus Lizard, encore et toujours. Ce groupe n’a pas fini de nous hanter. Les dieux vivants de Chicago avaient déjà été repris l’année dernière. C’était le second album Goat revu intégralement. Cette fois-ci, c’est un double-album piochant dans toute la discographie de Jesus Lizard qui est revisitée. 23 groupes s’attaquant au saint des saints. Une compilation dont on entendait parler depuis longtemps. Une lente gestation qui a fini par accoucher et la déception n’est pas de mise. La crème internationale de la scène noise-rock et au-delà de ce genre a été sélectionnée. Des invités surprenants et de haut-vol se sont rajoutés à cette célébration géante. L’hommage peut débuter.
Une majorité de titres proviennent logiquement de la période faste de la troupe de David Yow. Les premier albums, de Pure à Liar représentent quinze des vingt-trois, ou plus précisément vingt-deux titres puisque Happy Bunny Goes Fluff-Fluff Along a été repris deux fois. La palme revenant à Goat avec six titres de cet album emblématique. Des reprises assez fidèles aux originaux. Classique comme démarche, c’est le lot de la majorité des cas quand se présente ce genre d’exercice. Et ça me va. Ça me va toujours mieux que des reprises revisitant totalement les originaux au point de ne plus les reconnaître. Si c’est pour entendre du Jesus Lizard repris à la flûte de pan, je passe aisément mon tour. C’est ce que fait d’ailleurs Boy Division reprenant One Evening. Un groupe allemand spécialisé dans les reprises, il en a fait sa raison d’être. Une reprise totalement décalée au point de devenir méconnaissable. Ça pourrait être la cover d’un groupe disco ou un morceau de leur propre répertoire. Marrant deux secondes, sans intérêt au final. BLK OPS, groupe doom black metal texan reprenant Thumbscrews dans son moule personnel est également très singulier mais ce n’est pas franchement vers ce genre de reprises que j’ai envie de m’attarder.
Par contre, beaucoup plus pertinent avec Suckling. Le nom vous dit sans doute rien mais c’est le groupe d’un ancien Scratch Acid, le guitariste Brett Bradford. Un gars qui s’y connaît en Jesus Lizard puisque Scratch Acid est souvent perçu comme du pre-Jesus Lizard avec David Yow et David Sims qui en étaient également membres. Suckling a eu le droit de reprendre deux morceaux, Too Bad About The Fire et A Tale Of Two Women (qui existent aussi en single, Suckling ayant publié ces deux covers sur Australian Cattle God, le label de Win Wallace, le bassiste de Suckling). Ou comment personnaliser des originaux avec notamment ajout de claviers tout en respectant les originaux et en invitant sur Too Bad About The Fire la bonne grosse voix de Michael Gerald (Killdozer) et Brent Prager, le batteur de Cherubs. Du lourd et du très bel ouvrage. Et question personnage de renom, vous avez également Buxf Parrot (bassiste du légendaire groupe punk Dicks) invité par We Are The Asteroid (trio avec des ex-Ed Hall, Pain Teens, Daddy Longhead, Season To Risk) à reprendre de façon très honnête Wheelchair Epidemic. Ou encore Stephen Ratter (Slug) invité par les Italiens de Cani Sciorri à donner une version de Cold Water plus anecdotique. Le Who’s Who du noise-rock s’est donné rendez-vous sur ce tribute.
Et puis vous avez toutes ces reprises fidèles avec des groupes qui respectent ce que les maîtres du noise-rock ont composé mais qui y mettent tout leur cœur, leur force, leur souffle et son personnel pour en faire de grands et beaux hommages vibrants. Entendre Big’n se déchaîner sur Gladiator avec le chant inimitable de William Akins, leur rage froide chevillée au corps et enregistré par Steve Albini ne se refuse vraiment pas. Idem avec Upright Forms et Nick Sakes (Dazzling Killmen) qui semble plus que jamais habité en reprenant Seasick. Bloody Mary avec la puissance de feu de Baratro (Dave Curran, ex-Unsane), Chief Tail qui défouraille sévère Mouthbreather, un titre taillé pour leur dinguerie tout comme Moon Pussy avec Puss ou Beige Eagle Boys avec Lady Shoes possèdent également l’art de transcender un morceau à travers leur prisme noise déglingué. Autres reprises ne souffrant d’aucune faute de goût et que les groupes ont su parfaitement honoré en y insufflant leur grain de sel, ce sont New Brutalism (7 Vs 8), Faking (Glamourous) ou Sinking Suns (Karpis), belle brochette de groupes qui savent où ils mettent les pieds et d’où ils viennent, Jesus Lizard figurant en bonne place dans leur arbre généalogique des influences. Les Allemands de Trainer s’en sortent également haut la main en personnifiant juste ce qu’il faut Thumper et offrant ainsi un des reprises les plus perspicaces de ce tribute alors que les compatriotes de Unbite reprenne Fly On The Wall de façon plus neutre mais ça passe. Les Italiens de Lleroy (et non Leeroy comme écrit sur la pochette) s’attaquaient à du très lourd avec Monkey Trick. Le trio passe l’oral brillamment sans dénaturer ce morceau de légende tout en y mettant leur petite touche personnelle faite d’une noise bien épaisse et d’une fureur sous contrôle. Et si vous voulez encore du beau linge issu du monde du noise-rock, Skeleton Wrecks est là pour vous contenter. Dora Jahr (Distorted Pony), Johnny Carter (Pitchshifter) et Gouédé Oussou s’en prennent à Nub pour nous faire danser autour du totem comme des fous.
Manuel Veniani était déjà à l’origine du très réussi tribute consacré à Unsane. Il réédite son coup avec Jesus Lizard. Pas un mince exploit mais le contraire n’était pas concevable quand on s’attaque à tel monument.

SKX (15/12/2025)