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Big’n
End Comes Too Soon – LP
Computer Students records 2024

End Comes Too Soon. Heureusement, cela ne s’applique pas à Big’n. Plusieurs fois, on a cru que c’était la fin. Plusieurs fois, Big’n est revenu. Pour notre plus grand bonheur. Et cette fois-ci, c’est par la grande porte. Avec un album, un vrai, le troisième du nom. Après le six titres Knife Of Sin en 2018, après le 10’’ Spare The Horses en 2011, le groupe de Joliet donne une réelle suite à Discipline Through Sound, le second album publié en 1996. Une éternité mais ce n’est pas une surprise non plus car on savait le groupe toujours plus ou moins en activité, toujours en éveil et apte à composer de nouveaux morceaux ou délivrer épisodiquement des concerts incendiaires.
Un disque enregistré aux studios Electrical Audio de Steve Albini mais pas par Albini qui avait pourtant enregistré les deux premiers albums de Big’n. Et le titre End Comes Too Soon n’est pas un hommage à Albini. Il avait été décidé bien avant le décès du gourou de Chicago. Mais ce titre résonne encore plus fortement désormais pour un groupe fortement marqué par sa disparition, comme pour tous les groupes qui doivent beaucoup à Albini.
C’est Shane Hochstetler, batteur pour feu Managra, Tintoretto, Hero Of A Hundred Fights et bien d’autres et qui passe son temps maintenant derrière les manettes des studios qui s’est occupé du cas de Big’n. Et c’est une tuerie. Le maître peut être content. Tout y est éclatant. D’un aluminium étincelant. Chirurgical. Carré. Il est préférable de savoir compter chez Big’n. Puissamment tendu. Et pourtant, Big’n n’a jamais sonné aussi enflammé, blotti, prêt à bondir. Avec cette once de folie guettant à chaque coin de rue, suintant de la bouche de Will Akins dès qu’il l’ouvre, dès qu’il envoie un râle noueux dont il a le secret et qui a bouffé bien des graviers et vu passer des ombres. Who will take those dark words from your mouth?
Neuf morceaux entrecoupés de six interludes appelés Transmissions (XMSN) numérotés 17, 24, 32, 40, 44, 48. L’amour des chiffres toujours. Les mêmes qui figuraient sur la pochette de Discipline Through Sound. Pour autant de pistes courtes et mystérieuses semant le trouble, cassant l’ordre établi de neuf morceaux implacables étalant leur force inébranlable dans la grande tradition Big’n. Une tradition dont ils sont les enfants et désormais les pères, un noise-rock d’école que Big’n a transporté à travers les décennies et qu’il arrive à perpétrer sans faiblir. Pire, à sublimer avec un album bluffant. Comme s’il était possible de faire mieux que Cutthroat et Discipline Through Sound. Sans trembler, Big’n l’a fait.
C’est du Big’n, reconnaissable entre mille mais c’est encore meilleur. Une hargne intacte. Toujours avec classe. Cet art de la tension en suspension, de répéter les mesures, mettre la pression, la maîtrise de la colère qui explose comme un long jet diffus et ne vous lâche plus. Cette noirceur qui flotte sans cesse dans l’air. La batterie incassable de Brian Wnukowski qui y va même de son solo à la Todd Trainer pour conclure le terrible Dead Ahead. La basse de Fred J. Popolo qui n’était pas là pendant les 90’s et qui prolonge sans problème le mythe du bassiste noise-rock et son importance, nous gratifiant d’un grand numéro d’enclume volante. La guitare de Todd Johnson qui brille dans le noir complet et découpe méthodiquement des tranches de clous, sans une note de trop, avec une impressionnante économie de riffs dont l’effet devient encore plus saisissant quand ils tombent.
L’articulation de ces quatre engins de propulsion avec ce chant unique donnant envie de se gratter jusqu’au sang donne Big’n, une alchimie inégalée avec neuf morceaux pénétrant tel un venin fatal. Que ce soit le cinglant et bref Piss Poor avec son redoutable stop and go qui casse les pattes, le sublime End Transmission qui met à fleur de peau, South Of Loathsome qui a bien du mal à contrôler sa violence, le brûlant Capsized pour finir un album ne comptant de toute façon que des titres qui vous retournent, Big’n fait sentir sans cesse son souffle diabolique sur ta nuque. End Comes Too Soon. On espère que ça n’arrivera jamais à Big’n.

SKX (12/11/2024)