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Rejuvenation
Festival
(part 2)
Fiend
est un groupe dont je n’aime pas les disques. OK : ça commence
plutôt mal. Et même si le batteur a tenté de me soudoyer
en m’offrant un split single de l’un de ses anciens groupes
(Up Yours, il y joue de la guitare et il y chante), cela n’y changera
rien. Les dégoûts et les douleurs ça ne se discute
pas, je sors de la salle après deux titres et demi et me dirige
courageusement vers le bar afin d’acquérir une nouvelle pinte
de bière. J’y retrouve une poignée de bretons et de
nantais – non ce n’est pas pareil même s’ils leur
arrivent en temps voulu de s’unir face à l’adversité
– et nous trinquons tous ensemble à un monde meilleur et à
la destruction irrémédiable du rock d’inspiration seventies
et stoner. Sheik
Anorak, soit Franck Gaffer en solo, joue ensuite. C’est au moins
la trente-cinquième fois – données corrigées
en fonction des variables saisonnières – que je vois ce garçon
en concert avec ce projet là. Je pourrais me lasser, en avoir plus
que marre et en profiter pour rester une demi-heure de plus au bar mais
non : c’est devant la scène que je reste, bien scotché
en écoutant encore une fois les tubes de l’album Keep
Your Hands Low que Sheik Anorak vient de publier en CD conjointement
sur son propre label Gaffer records et chez SK records – le service
marketing de Rejuvenation records me souffle dans l’oreillette que
le label devrait prendre part à l’édition vinyle de
ce disque prévue pour dans très bientôt (ou dans pas
très longtemps, à voir). Un disque dont le patron de Perte
& Fracas t’a également déjà causé
(là aussi faut chercher un peu) et je dois malgré tout avouer
que je suis de son avis. Mais je ne vais pas en rajouter, restons-en au
concert. La magie Sheik Anorak opère toujours à plein. Le
voir préparer ses boucles de guitare puis les alterner et/ou les
empiler pendant qu’il joue de la batterie ou chante par-dessus –
parce qu’il chante de plus en plus, l’animal – reste un
moment unique. Une grande idée c’est une idée à
la fois simple et géniale. On peut affirmer que Sheik Anorak est
une grande idée et déjà je me demande ce que le principal
intéressé va bien encore pouvoir trouver pour faire évoluer
son concept dans le bon sens. Berline0.33
sort également son nouvel (et deuxième) album sur Rejuvenation
– en coproduction avec Et Mon Cul C’est Du Tofu ?, Katatak,
Bruisson et Tandori, que de la crème quoi. Le disque en question
s’appelle The Abyss Will Gaze Back et le groupe est venu exprès
de Lille pour le présenter et fêter les dix ans de Rejuvenation.
Décidemment beaucoup plus respectueux que la veille, le lighteux
de Canal 93 suit les directives d’Emilie, chanteuse de Berline0.33
: pas beaucoup de lumières. Les guitariste et bassiste restent
donc dans une pénombre relative mais Emilie n’est pas volontairement
mise en avant pour autant. Dans ce contexte les nouveaux titres du groupe
font mouche, surtout on y décèle une mise en place plus
évidente de la guitare – jusqu’ici la basse prenait beaucoup
de place, façon post punk – et les deux instruments semblent
désormais en parfaite complémentarité voire en parfaite
synchronie tout en restant chacun sur son territoire. La musique devient
plus dense et plus sombre, plus pesante également mais elle garde
cette aptitude à créer du tube, donc de la chanson qui te
colle au cerveau et te donne envie de gigoter comme un possédé
consentant. J’ai déjà hâte de revoir le groupe.
Après
Berline0.33 c’est le drame. Purement et simplement. Comme la veille
avec Lucertulas, les Unlogistic vont faire les frais de mon manque
d’endurance. J’admire ces gars qui sont vieux – comme je
suis vieux également j’ai déjà du les voir une
bonne dizaine de fois en concert – mais qui jouent, beuglent et sautent
dans tous les sens comme des jeunes cons de vingt ans. A croire que le
punk ça conserve. Mais, donc, je n’en peux plus et j’abandonne
rapidement la salle de concert pour, pur hasard de l’existence, me
retrouver au bar. Et le voilà le drame : à ce même
bar est déjà accoudé Xavier SKX, oui la tête
pensante de Perte & Fracas et ennemi des punks. Lequel se met à
me sourire de façon un peu enjôleuse, prétend apprécier
ma façon d’écrire, regrette également la fin
de mon blog à moi – un truc qui s’appelait Heavy Mental
– et de me demander quand je vais remettre ça. Jamais. C’est
en tous les cas ce que je lui réponds aussi sec… Sauf qu’il
est tenace, le bougre, et que moi je commence à être un peu
trop saoul. Expert en pression psychologique, alternant menaces à
peine voilées et cajoleries insupportables puis m’offrant
généreusement une énième pinte de bière,
je finis par vaguement lui promettre que je me recollerai à Perte
& Fracas pour y écrire un report consacré au Rejufest.
Voilà, maintenant tu connais toute l’histoire et tu sais donc
pourquoi tu es présentement en train de lire un truc beaucoup trop
long (on en est à peu près à 20 000 signes et c’est
pas encore fini). Il reste
deux groupes à voir et à entendre. Je reviens dans la salle,
honteux de ma lâcheté et furieux de m’être fait
enguirlander par un breton, pour assister au concert de Room 204.
Devant la scène il y a déjà Joëlle, taulière
d’un lieu parait-il magique, le Pakebot à Chadron (dans la
Haute Loire), un lieu où quelques illuminées notoires organisent
au milieu des vaches des concerts qui font du bruit. Elle m’explique
qu’elle reste tout devant pour « bien profiter de ce batteur,
si élégant ». Elle a parfaitement raison, Joëlle
: Pierre-Antoine, également batteur de Papier Tigre, est tout simplement
un garçon merveilleux à regarder jouer. Mais la grosse nouveauté
pour Room 204, une nouveauté que l’on peut également
découvrir sur Maximum
Végétation, le nouvel album du groupe publié
par Kythibong, c’est l’arrivée aux côtés
d’Mric d’un second guitariste en la personne de Nicolas (qui
joue en solo sous le nom de Seal Of Quality et ancien Alaska Pipeline).
Et Room 204 en version trio c’est tout simplement de la pétarade.
Du vrai math rock qui pulse, inventif, drôle et jubilatoire. A ma
grande surprise ce concert dont je n’attendais rien de particulier
se hisse parmi les deux ou trois meilleurs du Rejufest. La tête d’affiche c’est eux, les Hawks. Ils publient pour l’occasion un quatrième LP sans titre qui est une sorte de live enregistré en prise directe dans leur local de répétition, un disque au son cru et rude comme je les aime et publié – devine quoi ? – par Rejuvenation. Ceux qui ont déjà vu les américains en concert savent à quoi s’en tenir et les autres espèrent de grandes choses, à la hauteur de la réputation du groupe. Peut-être impressionnés par la taille de la scène et les moyens techniques de la salle (ouais, c’est un peu le retour des lumières qui clignotent), les Hawks attaquent leur concert en mode tough guys, en particulier le chanteur Mickael Patrick Keenan qui se débarrasse rapidement de son tee-shirt pour exhiber son dos et ses bras couverts de tatouages. La testostérone ce n’est pas ce que je préfère en matière de noise rock, je préfère largement la dépravation et les Hawks mettront un peu de temps à se détendre et à laisser de côté leur volonté d’impressionner pour se contenter de faire transpirer le public qui ne demande qu’à s’agiter devant eux. Le concert fut bon et Hawks possède un sacré répertoire, une paire rythmique intraitable, un guitariste bien allumé et un chanteur dont le froc descend de plus en plus bas (il va nous faire plusieurs fois le coup du sourire du plombier puis celui du robinet, au grand dam du type du service d’ordre présent à côté de la scène). Seulement j’aurais sans doute préféré les revoir dans une salle plus petite comme à Toulouse où, mieux encore, dans la moiteur du Raymond Bar à Clermont Ferrand, ce genre d’endroits puants où les groupes tels que Hawks peuvent vraiment exprimer toute leur valeur. Voilà,
c’est fini. Si tu es arrivé à lire tout ça jusqu’au
bout c’est que tu es du genre courageux. Et encore, je te passe les
détails sur l’after, la chenille qui redémarre, la
danse du ventre sur Take On Me de A-Ha et les dernières
bières bues beaucoup trop tard dans la soirée. Redescendre
sur Terre après ces deux jours de concerts a été
difficile. Un autre monde, donc. Mille mercis à Agnès et
Greg et à leurs aides de camp (Karine, Lucie, les deux Olivier…),
merci aux groupes, merci à Victor, Alex et Thomas pour le gîte,
merci aux bretons, merci à Xavier, merci à Canal 93 et merci
à Électricité de France. Prochain report dans sept
mois, pour les 20 ans de K-Fuel à Rennes, les 3 et 4 octobre prochain. |