King Snake
Roost n'a jamais été le groupe le plus connu du catalogue
d'Amphetamine Reptile. Je suis même passé à coté
à l'époque au tout début des années 90. Trop
bouseux, trop infréquentable, leur rock'n'roll sentait le pourri
et ne tenait pas la comparaison avec la dimension noise des Tar, Hammerhead
et bien sûr Cows, groupe avec lequel on pourrait être tenté
de le plus les rapprocher, des groupes qui possédaient un sens
de l'urgence et du tranchant autrement plus affûté que ces
rednecks sortis du bush australien.
D'ailleurs, ce n'est pas à proprement un groupe de chez Amrep.
Le premier album est sorti sur Aberrant records en 1987, label aussi australien
que King Snake Roost. Amrep rééditera cet album deux ans
après, en même temps que le second en 1989 pour en tout trois
albums réalisés conjointement à chaque fois sur les
deux labels des deux cotés du globe, sans oublier le label hollandais
Megadisc pour le continent européen.
Erreur de jeunesse. Jugement hâtif. A la faveur des années
2000, de la découverte de leurs aînés Stick
Men With Ray Guns puis Pissed
Jeans, Cuntz,
de tous ces groupes mélangeant rock, noise et grunge avec une attitude
de sales punks, King Snake Roost a montré qu'il était en
fait en avance sur son temps. Le groupe de Sydney, c'était grosse
basse noise façon Birthday Party, la déliquescence d'un
Plainfield, le groove pernicieux de Cows, une guitare qui partait sans
cesse en vrille et une grosse voix mal dégrossie à la Killdozer,
groupe avec qui King Snake Roost partageait de nombreux points communs.
King Snake Roost, ce n'est pas joli, ce n'est pas glamour, ça n'a
jamais été à la mode. Leurs morceaux sont rampants,
collent aux doigts, c'est hirsute avec de sales manières, sauvage
et disloqué et c'est comme ça qu'on apprend à les
aimer. Un swamp-rock agressif et fiévreux dont une place dans l'écurie
Amphetamine Reptile leur revenait de droit.
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Avant
le premier album From Barbarian To Christian Manhood sorti
en 1987 par Aberrant records et Megadisc, le guitariste Charlie Tolnay
avait exercé son talent au sein de Grong
Grong. L'affiliation est toute trouvée. Le blues-punk dégénéré
de Grong Grong trouve son prolongement dans King Snake Roost. Tolnay
balance ses lignes vicieuses de guitare comme s'il était seul
au monde, sans se soucier de ses petits camarades. Le niveau de la
basse distordue de Michael Raymond qui a écrit la majorité
des morceaux est bien haut dans le mix, ceci expliquant sans doute
cela, vu qu'on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même.
Le chant grondant de Peter Hill (qui aime bien qu'on le surnomme Trigger)
renvoie la lourdeur de la basse pendant que le batteur Bill Bostle
complète le tableau de famille sans en faire des tonnes. King
Snake Roost semble prêt à mordre tout ce qui bouge et
même ce qui ne bouge pas. Huit titres avec la basse au centre
et des chiens tournant autour. Tolnay dérape toutes les deux
secondes, une impression de bordel malfamé se dissipe peu à
peu au profit de tumultueux morceaux qui font perdre la raison, les
deux pieds dans la boue.
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From
Barbarian To Christian Manhood est donc réédité
en 1989 par Amphetamine Reptile, soit un an après la sortie
du deuxième et nouvel album Things That Play Themselves
qu'Amrep sort également en 89. Michael Raymond a laissé
la place à un autre bassiste, David Quinn, qui, comme le précédent,
prend une part importante dans la composition des morceaux. Plusieurs
invités sont aussi à signaler, enrichissant la palette
sonore du groupe. Un saxophoniste (Adrian Hornblower II) sur deux
titres, Tom (du groupe Feedtime) à la trompette sur Fried,
la spiral sonic guitar de Mr. Dave Boyne, la spastic thug
guitar de Lachlan McLeod et du piano sur Everything Falls Apart.
Et il est précisé que les invités ont tous improvisé
leurs interventions. Pour autant, ce n'est pas le grand chaos, quand
bien même la musique des Australiens garde ce coté touffu
et débraillé. On ne rentre jamais facilement dans les
compositions de King Snake Roost. Les premières écoutes
peuvent dérouter. Rien de facile chez King Snake Roost. Mais
le niveau de nuisance, l'atmosphère fielleuse, cette rencontre
entre un Birthday Party racleux et un Killdozer hanté par les
démons du blues finissent par faire leurs basses uvres
et vous rattrapent par le colbac, crasseux de préférence.
La basse, tout en restant prépondérante, est plus partageuse.
Les morceaux sont plus dingues et perspicaces. King Snake Roost délivre
même un titre plus mélodique (toutes proportions gardées
hein, ça reste King Snake Roost) et pour le coup, accrocheur
dès la première écoute, Acid Heart et
ses choeurs soutenus. L'intro de Trogman's Buried est elle
aussi redoutable. Des titres comme Worm's Eye View et Hammerhead
tirent de plus en plus vers des territoires noise convulsifs, surtout
Gutterbreath placé en dernière piste et donnant
une indication de ce que sera la troisième album. Things
That Play Themselves, une belle pièce sans concession de
rock brûlant et orageux.
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En
1990, King Snake Roost enchaîne avec leur troisième et
dernier album, Ground Into The Dirt, toujours sur Amphetamine
Reptile et Aberrant records. Pour les fans de noise-rock pur et dur,
c'est sans doute par cet album qu'il faut commencer si vous voulez
découvrir King Snake Roost. L'ensemble est de plus en plus
noise, dur, angulaire, faisant penser plusieurs fois à Slughog,
Killdozer toujours et autres poids lourds avec les deux pieds dans
le béton. La boue n'est jamais loin mais King Snake Roost évolue
dans une sphère plus percutante et distincte, à l'instar
du jeu de Tolnay dont les riffs savent aussi se faire précis
tout en gardant son approche unique du bruit. Produit par Butch Vig,
le producteur à la mode à cette époque grunge
(Nervermind de Nirvana si jamais ça vous dit quelquechose,
c'est lui, tout comme le Dirty de Sonic Youth), l'enregistrement
s'est débarrassé d'une certaine crasse tout en restant
abrasif et les quatorze titres de Ground Into The Dirt ne traînent
pas en route, plus sombres et incisifs que jamais. King Snake Roost
étaient également les compagnons d'écurie de
Venom P. Stinger qui sortait la
même année son deuxième album (What's Yours
Is Mine), groupe avec lequel les ponts musicaux se rapprochaient
à l'aube de ce nouveau siècle qui démarrait donc
par un grand disque mais resté dans l'ombre. Le groupe se séparant
la même année après une tournée de deux
mois aux USA n'a sans doute pas contribué à la renommée
de ce disque.
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Au
rayon singles, King Snake Roost en a réalisé trois.
Le premier est un split single avec un autre groupe culte australien,
Feedtime. Un vrai split puisque King Snake Roost reprend un morceau
de Feedtime (More Than Love sur Shovel, le deuxième
album de Feedtime paru en 1986). Et Feedtime reprend Buffalo Bob
(du premier album From Barbarian To Christian Manhood). Mon
tout sur Aberrant records en 1988. Et les deux versions sont très
jouissifs, les deux groupes s'appropriant à merveille les compos
des potes dans leur univers aussi détraqué et menaçant
les uns que les autres. Vinyle très léger et très
fin, pochette rose, cur avec les doigts.
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Toujours
en 88 sur Aberrant records, le single Top End Killer/Strom Brewin'
est un must-have pour tous les férus de King Snake Roost car
ces deux titres n'apparaissent sur aucun des trois albums. Ou tout
simplement pour tous les férus de noise rocailleuse car ces
deux titres sont tout bonnement excellents. Top End Killer
est une compo du chanteur Peter Hill et elle défouraille sévère.
Grosse artillerie rythmique, barrage de guitare et Hill insufflant
toute sa hargne dans un des morceaux les plus agressif, répétitif
et nihiliste du répertoire des Australiens. Strom Brewin'
est signé par le guitariste Tolnay et ne s'en laisse pas compter
non plus. Un titre s'inscrivant plus dans la lignée du premier
album, blues-punk dépoitraillé avec une bonne dose de
violence. Poster inclus, re-coeur avec les doigts.
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En
1989 sur Crack records, King Snake Roost sort un autre split single
avec Bloodloss. Les deux versants de la pochette sentent bon la grosse
poilade. Et ce n'est effectivement pas franchement sérieux.
King Snake Roost reprend School's Out, un morceau de Alice
Cooper. Le hard-rock revu par des rednecks, c'est plus anecdotique
que chic. Mais toujours mieux que l'original.
Quant à Bloodloss, c'est Tina Turner qui est à l'honneur
avec la reprise de Nutbush City Limits. Bloodloss, c'était
un regroupement de dégénérés qui ne faisaient
souvent que passer et issus de la scène australienne et américaine
avec entre autres, un membre de Mudhoney (Marc McLaughlin), Lubricated
Goats et Tolnay lui-même. Les cuivres sont de sortie mais on
va pas se rouler par terre pour autant.
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King Snake
Roost a sorti également des morceaux sur des compilations. Le plus
notable est My Zippo sur la fameuse compile de Amphetamine Reptile,
Dope, Gun's and Fucking In The Street (volume 3). Et c'est du pur
jus KSR qui bastonne bien comme il faut. Régalade. Le reste n'a
rien d'inédit. On passe donc son tour sauf pour une reprise de
Kiss (I Want You) pour une compilation hommage à Kiss aux
cotés de Nirvana, Hard-Ons, Coffin Break ou Bullet Lavolta. Mais
allez savoir, je ne suis pas du tout pressé d'entendre ça
un jour.
Après King Snake Roost, les membres du groupe sont restés
très discrets. On retrouve juste Tolnay et Hiss au sein de Bushpig
dont l'album cochon est relaté ici.
Tolnay a aussi été productif avec Tumor Circus au coté
de Jello Biafra et Steel Pole Bath Tub.
SKX (22/02/2016)
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