ravage
serotine
mrmorezon


Ravage
s/t – CD
Sérotine/Freddy Morezon records 2025

Ravage, c’était le nom d’un roman de René Barjavel. Un livre d’anticipation écrit en 1943 sur un monde privé soudainement d’électricité et qui vire au chaos. Sans électricité, Ravage, le groupe avec Anthony Laguerre (batterie) et les deux violonistes Bastien Pelenc et Mathieu Werchowski pourrait s’en sortir. Mais avec, faut avouer que ça bascule dans une autre dimension. Et que, question ravage justement, le trio en provoque des beaux et des pas ordinaires.
Quatre longues compositions dont la dernière, Nex, atteint les vingt-six minutes avec deux violons branchés sur pédales d’effets, traversés par un courant porteur d’une énergie tumultueuse se télescopant à une batterie expressive et déterminée. Un harmonica s’est même glissé parait-il dans le décor mais bien malin qui pourra le déceler entre les stridences des violons et les crissements persistants des cordes. Une configuration singulière où musique minimaliste et répétitive, drone, musique classique ou ce qui s’en rapproche sur le très beau Hyeronimus Dream, noise, musique de transe, expérimentale, voir psychédéliquement étrange sur Nex défient les lois de l’apesanteur et des genres. Mais le cœur est punk et rock, brut et agité et c’est ce qu’il en fait tout le sel.
Chaque corde vibre et pulse avec une énergie saturée, de longues notes tenues finissant par hypnotiser. Une intensité qui se dégage des roulements de batterie et des cordes frottées avec acharnement et frénésie. Ou un Demon Lover plus concis, structuré et conduit comme un titre rock, dans l’urgence et une tension qui monte inexorablement.
Mais c’est aussi un dialogue s’instaurant entre les deux violons quand l’un se fait plus mélodique et l’autre plus bruitiste. Une gravité qui se fait magnifique sur Hyeronimus Dream et qui s’embrase sous les coups de butoir de rythmes appuyés. Et quand arrive la très longue pièce finale Nex, le magma sonore est attaqué de toutes parts. Ravage se joue autant des silences, des lentes respirations, d’une mélodie qui vrille sur elle même, de dissonances aériennes, de fracas se fichant en milliers de fragments dans une structure élastique et tentaculaire et d’une puissante fragrance bienfaitrice parce qu’il faut bien que toute cette électricité se libère et nous réchauffe les sens.
Ravage, un nouvel objet musical unique dans la lignée des nombreux groupes et aventures multi-artistiques de Anthony Laguerre (Club Cactus, son projet solo Myotis, sa collaboration avec GW Sok ou Noetinger ou encore plus loin dans le temps, Filiamotsa, etc.) se jouant des frontières et toujours aussi pertinent.

SKX (23/12/2025)