Zëro
Diesel Dead Machine - LP
Ici D'Ailleurs 2010

Comme on dit des groupes voués à toujours faire plus ou moins le même disque, à explorer/épuiser leur idée originelle, serait-on condamné à toujours écrire la même chronique ? Deux mois que le nouvel album de Zëro tourne sur la platine et impossible de se dépêtrer de ce sentiment poisseux, l'envie d'écrire excatement la même chose que pour Joke Box ou Bobby Fischer, cette impression désagréable de faire face à un disque qui vous laisse sur le bas coté, en sachant pertinemment bien que vous finirez par succomber. Zëro, ami de l'infini, éternel recommencement.
Diesel Dead Machine m'a laissé quasi froid. Ce n'est pas parce qu'il a déboulé en plein hiver rugueux. Encore moins pour la pochette, œuvre d'un certain Serge Murer, dont je dois être un des rares à apprécier le dessin naïf et glauque si j'en crois les échos lus sur d'autres sites de piches. Beaucoup plus quand je me suis aperçu que l'intégralité du 10'' Bobby Fischer, sorti quelques mois auparavant, figurait sur ce disque. Comme un parfum d'arnaque. Il nous avait déjà fait plus ou moins le coup avec Joke Box qui reprenait les trois principaux des cinq titres du 10'' Go Stereo. Faudrait pas nous prendre non plus pour des vaches à lait. Le pire, c'est que s'ils sortent demain un nouveau 10'', on foncera l'acheter comme des ânes avec la mémoire d'un poisson rouge. Et l'addiction chevillée au corps. Zëro, poison lent. Dynamite à mèche très longue.
Premières écoutes. Le saphir se pose tranquilement et le pilotage automatique se met en branle. J'ai beau écouté attentivement, l'esprit divague. Le saphir se remet sur son reposoir et je n'ai rien retenu. Disque parfait pour un apéritif dinatoire quand vous ne voulez pas effrayer le péquin moyen et suffisant pour épater la galerie avec un groupe obscur. La musique de Zëro n'a jamais été tape à l'œil. Mais là, plus ça allait, moins j'avais envie de me la cogner. Leurs airs de ne pas y toucher, ce brin de classe et cette facilité agaçante, on connaît ça par cœur. Lassitude impromptue. Impossible de mordre à l'hameçon. Pourtant, là où des tas de besogneux s'échinent à tirer des compos dignes de ce nom d'un amas de bruit mort, ces ex-Bästard en extrait toujours la quintescence comme si de rien n'était. La musicalité chevillée au corps.
Une pelleté d'écoutes plus tard. La face A passe toujours mal. Comme la pillule. Trois morceaux de Bobby Fischer sur cinq. Quand on s'est passé ce 10'' en boucle, on ne démord pas. Lisez par ici, on gagnera du temps. Reste deux inédits et pas n'importe lesquels puisque les deux meilleurs de ce deuxième album. Load out, nervosité palpable et salvatrice, chant de Eric Aldéa ensorcelant, batterie déchainée de Franck Laurino. Enough… Never enough, la gravité se rajoute à la nervosité devenue sous-jacente, de cette touche ombrageuse qui fait un bien fou. Faites tourner.
Face B, on retrouve tout de même avec plaisir The Cage, morceau qui résiste le mieux au temps et quatre inédits. Des inédits où Zëro instrumentalise ces compos. On peut être amuser de leur propre amusement, se décontracter avec eux sur Cheeeese. Se perdre un instant dans l'échange/tourbillon keyboards, guitares, percussions de Viandox. Etre de tempérament badin et jouer à Lux Interior sur Sick to the bone et multiplier les clins d'œil aux figures du passé sur une face qui détend largement l'atmosphère. Zëro n'a jamais caché son amour pour les reprises (tout comme à l'époque des Bästard, voir Deity Guns), ils en parsèment leurs concerts (Devo, The Residents, Pere Ubu) et cette face sonne presque comme un hommage.
Alors oui, Zëro possède un talent largement au-dessus de la moyenne pour créer des arabesques élégantes dans des grincements controlés, fusionner des synthés de plus en plus (trop) nombreux avec des notes de guitares piquantes sur un tapis ryhtmique inventif, tranchant mais jamais imposant. Imbriquer subtilement des parties entre elles, faire monter la sauce et planer un doute pour mieux hypnotiser. Et à l'arrivée, des morceaux qui glissent tout seul. Limpide. Et léger. De cette légèreté et insousciance nouvelles qui ont le don de rendre en adéquation mon humeur, volatile dès que je pose le saphir sur le vinyl. Capable d'accrocher comme de trouver ça futile. Pas loin de succomber encore une fois mais quelquechose qui me freine, déçu de ma propre déception, restant comme pour Joke Box, sur ma faim. Du manque de profondeur et de consistance en opposition à des morceaux plaisants et variés dont une majorité auront du mal à s'installer durablement dans le temps. Un éternel recommencement qu'on vous dit. Mais celui-ci pourrait très bien un jour prendre fin.

SKX (12/02/2010)