Zëro
Joke Box - CD
Ici D'Ailleurs 2007

Après l'amuse-gueule Go Stereo qui représentait plus qu'une mise en bouche anecdotique au vu des membres qui composent ce nouveau groupe, Zëro passe à l'épreuve du long format. L'ombre des Bästard plane forcément sur ce projet - mais avec le temps ça va se tasser - et quand un groupe a autant marqué le paysage sonore français, les parallèles sont de mises. Alors oui, il ya du Bastard dans le Zëro. Du Bästard fin de cycle. Epoque Radiant, Discharged, Crossed-Off. Celle où les lyonnais avaient dépassé les carcans du rock, poussé les frontières pour inventer leur propre langage. Avec Zëro, il n'est plus question d'inventer quelque chose. Les musiciens ont déjà beaucoup donné. Merci pour eux. Il s'agit plus d'arpenter les mêmes terres que jadis en leur donnant une coloration nouvelle. Continuer d'œuvrer dans des sphères créatives qui doivent autant au rock et son avatar bâtard le post-rock, les musiques de films ou contemporaines par lesquelles Eric Aldea et Ivan Chiossone sont passées au sein de leur autre projet Narcophony, voir les musiques électroniques. Bästard dans l'esprit plus que dans le corps. Dans cette approche très musicale. Cette instrumentation riche et iconoclaste. Ces morceaux impressionnistes qui ne semblent que passer, intemporelles, comme si on les prenait dix secondes après le début et les quittait avant la fin. C'est avec le relâchement de gars qui n'ont plus rien à prouver que Zëro revient. Plus détendu, plus souriant. Avec des hommages et des clins d'œil à leurs pères de toujours (Devo, les Residents ou Pere Ubu en concert), toute cette scène punk qui a toujours cherché à ne pas se répéter, véritable leitmotiv que Aldea et sa bande n'ont cesser de mettre en pratique. Un Zëro qui s'amuse à pasticher le rock'n'roll (Drag queen blues), à faire preuve de beaucoup de légèreté sur Pride of the kids, à surprendre son monde sur un Crosby & Garfunkel qui porte bien son nom. Hélas allais-je rajouter mais ça sent surtout la private joke et le jeu de cordes tout en délicatesse rappelle plutôt Narcophony. Un Zëro presque swinguant, voir crispant comme sur la fin de Derby trop enjoué pour être honnête. Bref, Zëro ne s'accroche pas à son passé et se fait plaisir. Mais c'est quand Zëro se tendent qu'ils restent les plus intéressants. Qu'ils mettent de l'intensité, un peu de mélancolie et de noirceur, qu'ils dessinent avec leurs cordes multiples des arabesques plus complexes que notre cœur bat plus fort. Bref, quand la filiation Bästard est la plus forte…. Car quand on se plonge dans le spleen magnifique de The Desire and the Importance of Failing, le limpide Luna Park, le rythmiquement parfait Big screen Flat people sans oublier l'aérien et inquiétant Cars, Buses, etc… qui aurait très bien pu trouver sa place sur un Deity Guns, on se dit qu'ils ont bien fait de rempiler. Joke Box n'a pas l'aura et la force des précédentes œuvres crées par les membres de Zëro auxquelles on tente de les rattacher comme de vieux indécrottables nostalgiques que nous sommes. C'est vers l'avant que Zëro regarde et ils n'en sont qu'au début d'une nouvelle aventure qu'on espère longue et encore plus inspirée. Quand on repart de zéro, on ne peut pas demander de suite la lune.

SKX (22/10/2007)