stillsuit

Un trio féminin d'Oakland qui n'est pas là pour caresser dans le sens du poil. Plongée en apnée dans le cœur de la no-wave. Anti-mélodique, animal, atonal et tout ce qui rime avec al, car oui là aussi ça fait mal. Avec une membre des anciens Coughs (Vanessa Harris), il ne fallait pas s'attendre à de la douce ritournelle. Deux guitares/chants et une batterie, comme une version ramassée de Coughs pour un album qui aurait très bien pu sortir sur Load. Tu les entends les affreuses dissonances, le sifflement continuel, le bruit des ponceuses, les accords qui ne vont pas de paire. Ce disque est capable de rendre dingue. Rien n'est là pour amadouer. Les arpèges tombent comme des pics à glace, les cordes crissent de concert avec les chants se répondant dans un rictus de douleur, hurlant sauvagement ou contrôlant leurs pulsions dans des harmonies incertaines. La batteuse martèle froidement, sans surenchère, rendant encore plus austère cette ballade bruyamment dépouillée. Stillsuit frôle le ravin, autodidactes avec de juteuses idées sculptant le chaos du bout de leurs doigts squelettiques et punks dans l'âme. De cette âpreté, je n'en goûterais pas à tous les déjeuners mais il émane de cette rudesse un parfum hypnotisant. L'appel du gouffre sans doute, un nihilisme rampant qui vrille le cerveau, attaque la raison et donne envie de crier avec les louves. Les fondations ont beau être connues (Teenage Jesus and The Jerks, Mars, UT), Stillsuit s'approprie le butin, ridiculise les premiers Sonic Youth qui passent ainsi pour de gentils névrosés, fait un détour vers Mutators ou les Italiens d'Ovo, voir de Talk Normal dans les passages les moins ardus, montre à tous les Aids Wolf et Pre ce que signifie réellement faire du bruit, lui donner de la force, l'apprivoiser tout en le laissant libre et sauvage sans que ce soit l'hystérie gratuite. Un premier album qui aurait tendance au final à furieusement m'asticoter dans le bon sens du terme. Je crois même que je l'adore. Mais ça se mérite.

SKX (03/06/2014)