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Klaus Legal
Sarcasmes Et Silences – LP
L’Amour Aux Mille Parfums/Les Disques Charivari 2014

Ce n’est un secret pour personne, dans la vraie vie, celle qui nous fait chier tous les jours, Klaus Legal ne s’appelle pas Klaus Legal – tout comme je ne m’appelle pas Hazam Modoff, non mais sans blagues. Et derrière ce pseudonyme à la fois germanisant et moqueur, on retrouve un bonhomme que l’on a déjà croisé dans (attention, la liste est longue et prestigieuse) Death To Pigs, Hallux Valgus, La Race, Clot, Judas Donneger et Dalida. Un name-dropping parfaitement inutile puisque tous les groupes énoncés précédemment sont à l’opposé de ce que propose Klaus Legal sur ce premier album (quoi que Judas Donneger pourrait peut-être constituer ce qui se rapprocherait le plus de la musique de Klaus Legal, et encore…). Bref, on s’en tape. Sarcasmes Et Silences fait suite à des publications plus artisanales de Klaus Legal telles qu’un CDr, un single anti pElvis avec reprise de Gene Vincent à la clef et un 12’ monoface. Sur cet album Klaus Legal continue de triturer une musique electro dark partagée entre minimalisme strident et indus primitif mais ce qui frappe d’emblée, c’est l’ampleur voire l’attaque du son de Sarcasmes Et Silences. Attention, il ne s’agit pas non plus des grandes orgues que monsieur le curé déballe tous les ans pour la messe solennelle de Pâques, disons plutôt qu’il est indéniable que Klaus Legal a voulu garder une partie de son côté roots et rustre tout en se débarrassant de son côté approximatif et boutonneux. Il est résulte un album sur le fil du rasoir et toujours un peu bancal mais qui précisément tire toute sa force de ce côté bancal.
Autrement dit, sur Sarcasmes Et Silences, Klaus Legal lorgne toujours du côté d’Esplendor Geometrico et consorts tout en se donnant les moyens de nous présenter de vraies compositions que l’on se plait à scruter avec avidité et même à suivre impatiemment. Le côté plus léché et encore plus réfrigéré de l’ensemble n’empêche absolument pas le cauchemar musical de Klaus Legal de prendre forme et lui permet surtout de durer. Pour être plus précis et plus complet, il convient de rajouter que le dénommé mim (dont le premier mini album que personnellement j’aime beaucoup est chroniqué quelque part sur P&F mais par le patron qui lui est un peu moins fan), donc il convient de rajouter que mim a largement participé à la réalisation de cet album – qu’il publie au passage via son propre label L’Amour Aux Mille Parfums – et que son travail a donné plus d’épaisseur à la musique de Klaus Legal. Il ne s’agit pas vraiment d’une question de contenu intime mais plutôt de modes d’expression ; le travail de mim a sûrement permis à Klaus Legal d’affirmer les contours de son propos, de nuancer les rares couleurs employées (on y entend une déclinaison toujours plus poussée du gris et de ses dérivés) et de ne pas se perdre dans les facilités d’une réverb trop lo-fi. On se surprend alors à écouter et décrypter les paroles (en français) du disque, ce qui de mon point de vue est le signe évident que la musique est, pour sa part, une réussite.
Justement, en ce qui concerne les paroles et le chant, on peut ouvrir la superbe pochette gatefold du disque pour lire les quelques phrases obscures qui y sont imprimées et on découvrira alors partiellement ces lamentations spectrales et ces cris du ventre (ici il est plus question de tripailles à l’air libre que de cœur en bandoulière) qui hantent tout Sarcasmes Et Silences à l’aide d’une voix nasale éloignée de toute orthodoxie dark et indus. Ce chant cagneux et souvent trafiqué – mais pas systématiquement – est le pendant humain à la montée en sophistication du disque et donc également vecteur de ce côté bancal mentionné plus haut et qui arrive malgré tout à passer. Sarcasmes Et Silences laisse donc l’impression contrastée d’un achèvement certain mais aussi d’un véritable chantier encore en devenir. C’est que six mètres d’intestin ça ne se déroule pas non plus comme ça du jour au lendemain.

Hazam (16/07/2014)