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moncul whosbrain |
Dalida s/t 12'' Animal Biscuit/Et Mon Cul Cest Du Tofu ?/La Face Cachée/Whosbrain 2014 Tout gamin, il mest arrivé de croiser Dalida et ses chansons dégoulinantes : les rares fois où mes parents me laissaient regarder la télévision le soir, je pouvais y contempler une marionnette complètement assujettie au kitsch commercial et prise au piège dans de malheureuses et vaines tentatives dentertainment en noir et blanc. Le bonheur à vide des années 70 en France, des années toutes rétrécies. Mon grand-père était lui complètement raide-dingue de cette créature quasi-surnaturelle et plastifiée, fardée et décolorée comme une pouliche (mais par contre il détestait Amanda Lear qui à ses yeux semblait avoir beaucoup trop de couilles). Et puis, peut-être parce quelle sétait finalement rendu compte de la supercherie de son existence, Dalida a fini par se suicider. En 1987, lannée de mes 18 ans. La mort de la poule aux ufs dor. Enfin une victoire. Prendre le nom dune personnalité de la culture populaire de bas étage nest certainement pas une idée neuve mais cest souvent une idée drôle. Dalida est donc devenu un trio mais contrairement à certains de leurs collègues (au hasard, Charogne Stone) ces trois garçons nont même pas cru bon de sencombrer dun jeu de mot totalement foireux mais qui aurait pu donner envie de rire dans les chaumières Dalidead ? Le clash entre lhorreur musicale de la Dalida morte et la force abrupte du trio Dalida qui nous occupe présentement est largement suffisant, après tout. Dans Dalida on retrouve les deux Daikiri (basse et batterie) ainsi que Pavel/Klaus Legal de La Race et Judas Donneger (guitare et chant). Et Dalida pousse les principes de la répétitivité obsessionnellement hypnotique et des tourneries kraut dans leurs derniers retranchements. Deux titres seulement composent ce 12 dont la première face tourne en 33 et la seconde en 45 tours et ils présentent à peine plus didées. Mais ces idées, principalement concentrées sur la première face du disque, sont les bonnes : une rythmique tellement circulaire quelle en devient aussi étourdissante et flippante quun labyrinthe sans fin sans fond ? ; des traits de guitares qui tiennent de la fulgurance no wave (alors que la musique de Dalida fait tout pour déformer le temps et létirer jusquà la nausée) ou qui se limitent à lalternance implacable et répétée de deux accords ; un peu de chant psalmodié dune voix aussi morne que possible pour accompagner des paroles caverneuses (cette nuit de juillet, tu disparaitras) ou faussement incantatoires (mais qui est cette Gladys ?) ; et, toujours sur la première face, une rupture dans la répétition, une rupture finalement tellement inattendue quon peut la ressentir comme un coup de poignard dans le dos, un coup de poignard bien placé entre les deux omoplates. Et à propos domoplates : ici la basse et la batterie sont principalement bloquées sur le canal de gauche tandis que guitare et chant occupent majoritairement le canal de droite. La seconde face du disque où tous les instruments sont cette fois perceptibles simultanément des deux côtés est elle un parfait étalage de nihilisme et de minimalisme : quelque chose comme du Athletic Automaton croisé avec du Psychic Paramount, tout ça en mode locked groove. Soit une version à la fois concentrée et expurgée de ce que Dalida nous avait servi de lautre côté du disque. Voilà donc une musique dapparence robotique mais qui ne donne pas vraiment envie de danser enfin si, au début on peut tout de même essayer mais on se rend très vite compte que danser sur une telle musique risque de faire trop mal et qui désigne lenfermement voire le recroquevillement comme unique porte de sortie, à condition quil y ait quelque chose derrière la porte (ce dont je ne suis absolument pas certain). Un disque asphyxiant qui plonge dans lobscurité celui qui lécoute. Tout en létreignant, pour mieux le trahir. Mais toujours avec son assentiment. Car non seulement ce disque abandonne lauditeur seul avec lui-même mais, encore plus troublant, il en fait à la fois une victime consentante et un bourreau libérateur : celui qui est poignardé est également celui qui poignarde. La mort comme une victoire, encore. Hazam (10/07/2014) |