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Crippled Old Farts
Free Drinks In Hell – LP
Gestalt/Falling Down records/Rejuvenation/Slow Death/Small Budget Productions/Wee Wee records 2014

Certains d’entre vous s’en rappelleront certainement : au mois d’avril 2014 le label Rejuvenation fêtait ses dix ans d’existence et d’activisme en organisant un RejuFest d’anthologie. J’y étais, j’ai bien du mettre deux semaines pour me remettre correctement de ces deux jours de musiques fracassantes et c’est à cause de cet évènement mondain/petite sauterie que j’écris à nouveau dans ce webzine anti-sensationnalisme qu’est et restera toujours – je l’espère bien – Perte & Fracas. Car ici pas d’écoutes intégrales de disques en avant-première, pas de phrases choc décrivant l’absence de fond d’une pensée inexistante et pas de dossier sur les plus beaux tatouages exhibés par le gratin de la scène happy metal/sugarcore ou les décérébrés amateurs de garage synth punx. Ce n’est pas parce qu’on est sur le net qu’il faut avoir peur d’écrire des mots (quitte à se tromper) mais aussi, cher lecteur qui s’en fout peut-être, il ne faut pas non plus avoir peur de prendre son temps de les lire ces putains de mots, et de se demander pourquoi on est d’accord (ou pas) avec. Hyper-connectivité mon cul.
Mais revenons-en à ce foutu RejuFest. Le patron aussi y était. Et il a déjà chroniqué la plupart des disques que Rejuvenation records avait publiés pour l’occasion : un album sans titre des géniaux Hawks, le formidable The Abyss Will Gaze Back de Berline0.33 et, enfin, le très bandant Sex Church d’Ultracoït. Evidemment, il fallait pas trop s’attendre à ce qu’il nous cause aussi de Free Drinks In Hell, le premier album de Crippled Old Farts. Car voilà un disque qui ne cache absolument pas son jeu et en jetant un simple coup d’œil sur le verso de la pochette on découvre une partie des influences du groupe, influences en provenance directe de la scène hardcore US du début des années 80 (Descendents, Angry Samoans, Black Flag, les débuts de Corrosion Of Conformity, Hüsker Dü, Misfits, Pegboy – groupe certes plus tardif parce que né dans les 90’s mais tout aussi estimable). Alors autant dire que si le patron a passé Free Drinks In Hell sous silence c’est parce qu’il est viscéralement allergique aux punkeries adolescentes. Ce qui n’est absolument pas mon cas, même lorsque celles-ci nous sont servies par des types qui portent des chemises à carreaux.
Dans la ligné de son split avec Unlogistic et d’un chouette 7'', les quatre Crippled Old Farts continuent donc avec Free Drinks In Hell de revisiter ce même hardcore old school qu’ils affectionnent tant. Le groupe excelle particulièrement dans le genre, parcourant allègrement et à toute blinde la ligne jaune de démarcation qui sépare – parfois en pointillé – l’ardeur d’un punk concentré sur l’essentiel (riffs tueurs et rythmiques accélérées) d’un souci mélodique certain mais approprié (notamment au niveau des refrains et des chœurs, parfaitement maitrisés). Ainsi Crippled Old Fart ne tombe ni dans le piège de l’agressivité pure et donc lassante ni dans celui de l’excès de glucose qui pourrit les dents des enfants sages et plombent les affligeantes pitreries de 95 % des groupes de skate punk sponsorisés qui ont débarqués longtemps après la bataille (et qui continuent de débarquer encore de nos jours, le commerce des baskets n’a jamais été aussi florissant). Bien plus qu’un disque-hommage, Free Drinks In Hell est donc un témoignage de sincérité, d’engagement et de passion. L’emballage soigné de ce 12’' – qui tourne en 45rpm – tout comme la mise en page un peu trop sage de l’épais livret comprenant textes et photos témoignent malgré tout du plaisir entier de quatre garçons qui ont la foi. Et ils auraient eu tort de s’en priver parce que certaines chansons de ce disque peuvent rivaliser avec les brûlots composés en leur temps par les groupes historiques de hardcore mentionnés un peu plus haut.

Hazam (14/09/2014)