Uzeda
+ Chausse Trappe
Mercredi 13 mars 2013
Université de Nantes - Campus Tertre au Pôle Etudiant
Les concerts
défilent en ce moment. Tellement vite que le service Déroute
& Déboire de Perte & Fracas n'a pas le temps de tout vous
reporter.
L'impasse a donc été faite sur le concert de Metz à
Saint Malo. Un concert sonnant comme une douce revanche sur le sort et
la mauvaise grippe qui avait empêché ce même service
d'accompagner Moller-Plesset à Paris pour voir Metz (hein ?) neuf
jours plus tôt, le 7 février. Un très bon concert,
court et efficace comme l'album.
Cela aurait pu être également l'occasion de se vanter d'avoir
vu John Cale en concert une fois dans sa misérable vie mais...
comment dire sans égratigner le mythe... c'était épouvantable.
De merde même. The Feeling Love terminait la soirée. Comme
le concert représentait en masse leur nouvel album Reward Your
Grace, les troupes ont préféré reprendre la route
avant la fin, malgré les bières balancées dans le
public par le groupe de Metz (hein ?) car on avait les mêmes dans
la voiture.
Impasse également
sur le concert du 28 février au Jardin Moderne à Rennes.
Belle affiche avec Trunks, Filiamotsa et The Enchanted Wood. A défaut
des mots, vous avez l'image.
En vrac, dans le désordre et tous très bons, chacun dans
sa catégorie : The Enchanted Wood à sept dont deux batteries
(idéal pour booster sur scène un disque intimiste), un batteur
de Trunks de dos (la seule fois où j'ai vu ça, c'était
le batteur de A Minor Forest aux Tontons Flingueurs à une époque
que les moins de vingt ans n'ont pu connaître (ou tout juste alors))
et Filiamotsa jouant du violon comme si c'était une guitare, un
batteur qui cogne très fort et plein de pédales d'effets
(leur nouvel album Sentier des Roches vient juste de sortir).
Ce qui nous
amène - et c'est pas trop tôt - au concert de Uzeda à
Nantes, le 13 mars, dans le Pôle Etudiant du campus universitaire.
Une salle qui a de la gueule, sa cafétéria, ses grandes
pizzas à 3 euros, ses bières à peine moins chères
(dommage), un centre névralgique et grouillant de la vie étudiante
sauf que des étudiants, il ne semble pas y en avoir beaucoup. Ya
que des vieux et des chômeurs dans cette salle !
Les tournées de Uzeda étant rares, le mini-bus n'a aucun
mal à se remplir pour faire le court déplacement Rennes-Nantes
à allure modérée.
Chausse Trappe devait commencer. Mais comme Ted Milton's Odes (un projet
du mec de Blurt) a annulé, c'est un groupe local qui le remplace
au pied levé. Et son nom n'est pas une blague, il est garanti 100%
original et commercialement extrêmement porteur. Ce groupe se nomme
Internet. Un trio qui fait dans le excessivement lent, lourd, ça
s'appelle du doom ou du Melvins, je sais plus, c'est pareil à des
milliers de groupe dans le genre, c'est jeune et ça fait boire
des bières dehors. Si Trench
Piss ne s'était pas fait dessus pour jouer au dernier moment,
la soirée aurait été parfaite.
Chausse Trappe joue donc en second. C'est du local également mais
l'ivresse est tout autre. Déjà étonnement surpris
par leur premier disque,
le concert va se révéler tout aussi plaisant. Chausse Trappe,
c'est de l'anti Melt-Banana. Un concert, deux titres. Et sans doute pas
loin d'une demi-heure, voir plus, j'ai pas vérifié, d'un
long mantra hypnotique. Non pas par quatre barbus chamaniques aux pieds
crasseux prédisant la fin du monde mais par quatre jeunes gens
tout ce qu'il y a de plus présentable à votre mère.
Guitare, basse, batterie et violon. Comme sur disque, ça se met
en place tout doucement. Mais la proximité de la scène fait
que la violence de la montée, le volume sonore et les répétitions
à outrance donnent une ampleur toute autre à des compos
habilement et énergiquement soutenues par quatre musiciens ne se
regardant pas le bout des chaussures, se comprenant d'un regard pour faire
monter la pression et vivant intensément leurs morceaux. Certes,
deux morceaux de ce régime, c'est largement suffisant mais l'expérience
était intéressante.
Uzeda existe depuis 1987, n'a réalisé que quatre albums
et ses sorties en dehors de sa Sicile natale se font au compte goutte.
Leur dernier album date déjà de 2006, après huit
années de silence et Stella
était une bombe. Steve Albini les a sorti de leur tanière
en 2012 pour le ATP festival, lui qui avait nommé un morceau de
Shellac, Agostino, en hommage au guitariste de Uzeda, Agostino
Tilotta.
Et Agostino, je suis juste devant lui, à peine à deux mètres,
je pourrais presque le toucher en tendant le bras mais je risquerais de
me brûler. En plus de prendre une mandale. C'est qui l'a l'air possédé
le Agostino, comme lors du concert de Bellini
en 2004. Il ne fait qu'un avec son instrument, ballade ses doigts sur
le manche à une vitesse folle, fait cracher, hurler, pleurer sa
guitare, met le feu, un vrai guitar hero au sens noble du terme, sans
frime, sans pose, juste une passion énorme et un talent colossal.
Il serait de toute façon difficile de frimer quand on s'appelle
Uzeda. Les quatre italiens sont aussi glamour que No Means No après
cinquante balais. J'en donnerais bien vingt de plus au bassiste, Raffaele
Gulisano, juste devant le batteur, Davide Oliveri. Monsieur et Madame
Uzeda, Giovanna Cacciola et Agostino Tilotta (dont le fils, Sacha, batteur
de Three Second Kiss, fait le son ce soir) n'abaissent pas la moyenne
d'âge. Quand ils entrent en scène, le tableau de famille
est assez saisissant. Presque gênant. Difficile de croire qu'un
concert de rock va se dérouler sous nos yeux. Sans doute pour cette
raison que le concert démarre doucement mais une fois chauffé,
Uzeda en remettrait à tous les petits jeunes tatoués arrogants.
Tilotta mène le bal, la section rythmique suit sans faiblir (on
a quand même eu un peu peur au début), c'est carré,
sans fioriture et Giovanna parait aussi habitée que son mari. Les
morceaux de Stella et des plus anciens s'enchaînent comme
dans un rêve. Deux, trois excellents nouveaux morceaux viennent
pimenter l'affaire (un nouvel album peut-être pour 2014
),
le public chauffe en même temps qu'eux, demande un rappel (voir
deux, je ne me souviens plus). Uzeda s'exécute sans sourciller,
sourire aux lèvres, ils n'ont plus d'âge, plus de cheveux
blancs, plus de kilos en trop. Un concert d'Uzeda, c'est une leçon
d'humilité et tout bonnement un grand moment de noise-rock enflammé.
Retour en go fast.
SKX (19/03/2013)
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