Le groupe enchaîne en 1993 avec leur cinquième album Destroy
me, Lover. On ne va pas parler d'album de la consécration
mais ce disque élargit leur audience et les place définitivement
sur la carte des groupes noise US les plus intéressants. Ils continuent
à puiser dans leurs réserves inépuisables de samples
et d'ambiances ésotériques mais rendent leurs compositions
plus accessibles grâce à des éléments pop et
mélodiques auxquels ils ne nous avaient pas habitués jusqu'ici.
Et il n' y a rien à redire ! Cool your power ouvre le bal
avec une rythmique entraînante (et non pas martiale !!), RU 486
(du nom de la pilule avortive) est carrément joyeux (un comble
pour les Pain Teens) et passe comme une lettre à la poste (ou un
email sur internet !). D'ailleurs tout l'album a une sonorité un
peu moins glauque que d'habitude. Tar Pit évoque Cop Shoot
Cop, groupe avec lequel ils ont régulièrement joué
aux USA. The Story of Isaac est une reprise de Leonard Cohen, égrenant
tranquillement l'acoustique de sa guitare avec un sample de bruit de vent
très inspiré par derrière et un rythme tout en souplesse.
Dominant Man nous rappelle là encore New-York mais pour
Ftus avec ses cuivres rutilants pendant que Lisa Knew est
un morceau à la structure plus rock et efficace. Prowling
est lumineux, annonciateur de l'album suivant et seuls les titres Sexual
Anorexia et Body memory nous rappellent combien les Pain Teens
peuvent être torturés.
Un album essentiel qui permet au groupe de tourner aux Etats-Unis en tête
d'une affiche improbable courant 1993 : Pain Teens + Brutal Truth + Boredoms
! Mes oreilles en tombent. Un package très éclectique qui
fait dire à Bliss Blood :
Nous
étions le groupe le plus connu. Nous étions donc en
tête d'affiche. Mais avec notre style de musique qui peut-être
très atmosphérique et calme, passer après ces
deux groupes n'était pas évident, c'est comme si toute
l'énergie avait été avalée avant que nous
montions sur scène. Mais au fur et à mesure de la tournée,
il me semble que nous avons pris la bonne cadence et que nous pouvions
nous aligner avec eux. Nous avons eu des moments pénibles mais
c'était un challenge qui a été très bons
pour nous. Une des meilleures affiches que nous ayons eues. Eux, c'était
comme un trip mâle extrême et nous comme un trip femelle
extrême !! |
Question
concert, un projet de tournée européenne pour le printemps
95 avec leurs compagnons de label Johnboy et Ed Hall a été
également à l'ordre du jour mais hélas, ce projet
n'aura jamais eu lieu
. Damned !!
1995 marque l'année de la fin pour les Pain Teens mais quelle sortie
! Beast of Dreams est tout simplement un album immense,
le meilleur de leur discographie qui, 13 années plus tard, garde
tout son aura et sa profondeur. Le duo Ayers / Blood redevient un duo
en virant la section rythmique. Ayers est crédité de tous
les instruments (guitare, basse, batterie, violon, cithare, loops, noises,
etc
) et Blood pour le chant et uniquement le chant.
La femme battue de Destroy me, lover cède la place à
la pose langoureuse de Bliss Blood en personne (pendant que Ayers joue
les sosies de Kurt Cobain au verso). Tout un symbole tant Beast of
dreams baigne dans un plasma onirique. La bête et les rêves.
De sa noirceur initiale dont Pain Teens garde la racine, le duo élève
son propos pour l'emmener dans un univers trouble, charnel et lumineux.
La voix de Bliss Blood se fait plus sensuelle que jamais. Son propos semble
même quitter les sentiers de la mort. Le travail de samples (de
sape ?) de Ayers atteint des sommets, jonglant avec dextérité
entre machines et humanité. Le languissant Swimming, l'oriental
et sublime Manouche, les préliminaires vous rendent moites.
Sur Coral Kiss, le chant de Bliss Blood s'achève par un
Does it matter, does it, does it, does it,
does it en boucles où on finit par entendre t'as assez,
t'as assez, t'as assez. Non, ça ne fait que commencer,
on en redemande. Accusing Eyes nous replonge un court instant dans
les réminiscences du passé avec une rythmique infernale
et un chant de femme coursée pour mieux repartir sur Swamp
et surtout, le summum de l'album, Ember and Ashes. Pain Teens tutoie
les anges pour mieux les pervertir avec cette mélodie ondulante
et perverse, cet air de violon obsédant, ce mélange cordes
et cuivre subtile pour un morceau se consumant en volutes, vous enveloppant
d'une douce ténèbre. Toute la philosophie de cet album en
un seul morceau grandiose. Sur l'autre face, Voluptus mérite
son nom avec d'attaquer l'autre sommet du disque. Comme pour chaque album,
Pain Teens y va de sa reprise. Cette fois-ci, ils piochent dans le répertoire
jazz avec Moonray, un morceau de Artie Shaw (bon appétit),
Paul Madison et Arthur Quenzer, morceau autrefois chanté par la
grande Billie Holiday. Pas besoin d'artifices pour planer très
haut. Pain Teens s'en charge. Après 10 années à traquer
les tueurs en série, auraient-ils trouvé la paix intérieure
? L'heure de la rédemption qui s'achève avec une autre reprise.
La bande-son d'un film de 1955 par G. Reinhardt intitulé Invitation
pour un morceau du même nom. Des cloches à vous glacer le
sang, sonnant votre glas et celui des Pain Teens. Fascination, sensation
irrationnelle, angoisse sous-jacente, Beast of dreams n'a pas finit
de livrer ses mystères.
Au rayon
single, Pain Teens en collectionne une poignée.
Le premier est sorti en 1990 sur Similin' Ear. On retrouve le viril Lady
of Flame sur Born in Blood et trois autres inédits semble-t-il
(Prophecy, My Desire, Philoop), très ancrés
dans la période cassette des Pain Teens, quoique My Desire
se révèle finalement assez rock et classique pour du Pain
Teens.
En 1991, ils sortent deux splits singles. Un avec Lost, groupe perdu corps
et âme, totalement inconnu par ailleurs mais qui apparaît
courtesy of Cargot records
Leur Killswitch est un
gentil morceau de punk-pop-indie dissonante qui ne fouette pas un chat
même si il s'écoute agréablement. Hangman's rope
par les Pain Teens est apparemment un vieux morceau traditionnel réarrangé
par Ayers. Ça ne m'étonnerait pas que ce soit un morceau
de marin vu le tangage et les bulles remontant à la surface. Vous
n'êtes pas obligés de remuer ciel et terre pour retrouver
ce 45 tours tiré à 300 exemplaires sur Spank records qui
signait là sa première (et dernière ?) référence.
L'autre split se fait avec les plus connus God and Texas. C'est l'école
Amphetamine Reptile, punk-noise pas présentable et c'est pour ça
qu'on les aime. Un groupe qui aura fait beaucoup mieux par la suite avec
notamment l'album Criminal Element (1993) mais ce 1066 façon
Janitor Joe / Guzzard avec wah-wah et fuzz inclus me va très bien.
Pain Teens exécute Bondage, titre figurant sur la cassette
Pain Teens IV. Sûrement le sample d'un fou itinérant
faisant son sermon sur fond de crissements et rythme rigide et typique
des Pain Teens.
Les deux singles suivants sont plus facilement trouvables dans les bacs
à soldes.
Le 1er, toujours en 1991, est sorti sur C/Z records. Pour Sacrificial
Shack, Pain Teens avait sorti la rythmique de chair et d'os. Un titre
sonnant comme une reprise et qui colle avec l'image grunge du label de
Seattle ! Sur la face B, Pain Teens s'attaque au Sweetheart de
Zeni Geva (sur Maximum money monster) et forcément, dès
que la troupe de K.K. Null traîne par là, le volume monte
et la sauce s'épaissit. Reprise jouissive.
L'autre 45 est également sorti sur un label de Seattle, un rien
plus connu, Sub Pop et son fameux singles club. Le Pain Teens date de
mai 1992, porte le numéro 148 avec l'artwork signé Savage
Pencil. Deux inédits où Pain Teens semble faire honneur
à ses hôtes avec Death Row Eyes et sa guitare en avant,
possédant indéniablement un arrière-goût de
grunge et la rythmique qui bastonne ! Autre face, The Smell retombe
sous l'emprise de bidouillage des samples mais là encore dominé
par une guitare bruyante et bavarde. Deux compos finalement à part
dans leur répertoire.
On finit la revue des 45 tours avec un autre split et des spécialistes
du genre. Les Italiens de Meathead nous ont déjà fait le
coup avec Cop Shoot Cop, Zeni Geva, etc
Cette fois-ci, ils se payent
le scalp des Pain Teens. Si Meathead sont fidèles à leur
médiocrité avec Possible End, 47 (Eilsustellung),
Pain Teens offre une chute de studio de Beast of dreams avec le titre
Tigress of Babylon. David Parker figure au générique
derrière la batterie pour un titre jugé sans doute trop
musclé pour Beast of Dreams et retiré au dernier
moment.
Rayon compilation, le nom des Pain Teens y figure sur une pelletée
également.
On retiendra celle sortie par leurs propres soins sur Anomie records.
Houston Loud (want loud you've got it) regroupe 13 morceaux
pour neuf groupes différents. Pain Teens se paye deux titres, là
encore issus du réservoir inépuisable de la période
cassette. E.K.G. est un bricolage maison sans intérêt
pendant que Geraldo 666 répète six six six à
l'infini, façon Disconnected 666 de Cop Shoot Cop avec guitare
en totale liberté. Pour le reste, on navigue entre sans intérêt,
médiocrité et nullité. Ca donne envie hein ?! Mais
que peut-on attendre de groupes qui s'appellent Dresden 45 ou Bayou Pigs
??!!
Les
compilations suivantes sont plus connues. Love and Napalm sur Trance
Syndicate. Pain Teens est présent sur les 7'' vol.1 & 2 et
la version LP, soit en tout 4 titres dont le Poured out Blood du
début, It will présent sur la K7 Obliviated
et le thème de James Bond You only live twice sur Collective
unconscious.
Comme tout bon groupe noise de l'époque qui se respecte, ils sont
aussi sur la compile Mesomorph Enduros (Big Cat 1992) avec Hands in
fire (de l'album Case Histories).
Retour
sur C/Z records avec la compilation Teriyaki Asthma pour le volume
six de la série de singles où quatre groupes se partageaient
à chaque fois le bout de vinyl. Ce 45 sort en 91 avec le titre
Come up & see me sometime, sûrement une reprise encore
une fois, totalement inédite et loin d'être inoubliable.
A leurs cotés, The Throw Ups, Unrest et Olivelawn, soit une pleine
besace de punk-rockers rednecks sans foi ni loi. Ce single, comme les
autres de la série, ressortiront en version CD, en 1999 en ce qui
concerne les Pain Teens.
Par la suite, Scott Ayers aura de nombreux projets dont le plus connu
reste Walking Timebombs. Huit disques répertoriés dont des
collaborations avec Tribes of Neurot (projet annexe de Neurosis) et Subarachnoid
Space dont l'album The Sleeping Sickness vaut le coup d'oreille.
Musique instrumentale mais pas déniée de tension comme on
pouvait le craindre avec des paysages accidentés et de belles cavalcades
bruyantes. Leur dernier album (Sapsucker) est sorti en 2001 sur
Anomie records.
Quant à Bliss
Blood, elle a emprunté des chemins musicaux totalement différent
après avoir pris celui qui mène à New-York où
elle vit désormais. The Moonlighters (avec le bassiste de Helmet,
Henry Bogdan !) joue du jazz classique des années 20/30 et des
airs de musique hawaïenne (!!). Autre projet : Delta Dreambox (du
bon vieux blues des familles) et d'autres formations jazzy comme The Cantonement
jazz band, Voodoo Suite et Here's How. On est bien loin de son passé
de grande prêtresse du bruit, dans la lignée Lydia Lunch
dont elle partageait les vues féministes, le goût de la provocation
et la ressemblance physique !
SKX (10/03/2008)
www.myspace.com/painteens
Discographie
::
albums
:
Self-titled LP(Anomie records, 1988)
Case Histories LP (Anomie records, 1989)
Born in Blood LP (Trance Syndicate, 1990)
Stimulation Festival LP (Trance Syndicate, 1992)
Destroy me, Lover LP (Trance Syndicate, 1993)
Beast of Dreams LP (Trance Syndicate, 1995)
singles
:
Lady of Flame EP (Smilin' Ear records, 1990)
Hangman's Rope split 7'' with Lost (Spank records, 1991)
Bondage split 7'' with God and Texas (Rave records, 1991)
Sacrificial Shack / Sweetheart (C/Z records 1991)
Death Row Eyes / The Smell (Sub Pop records, 1992)
Tigress of Babylon split 7'' with Meathead (Sub/Mission records, 1995)
compilations
:
Love and Napalm Vol. 1 7'' (Trance Syndicate, 1990)
Love and Napalm Vol. 2 7'' (Trance Syndicate, 1991)
Love and Napalm LP (Trance Syndicate, 1993)
Teriyaki Asthma Vol. VI 7'' (C/Z records, 1991)
|
Bliss Blood
à gauche et Scott Ayers complètement à droite !
|
|