Mama Tick,
c'est pas le plus connu des groupes de la scène noise-rock de Chicago
car c'est sans doute le groupe le moins présentable à votre
belle famille. Et dans cette scène déjà pourrie gâtée
en ce début des années 90, on devient exigeant. Pour être
franc, ce n'est pas non plus le meilleur, ceci expliquant cela
Mais quand même ! Dans la poignée de singles et leur unique
album, il y a sans problème moyen de tirer quelques bonnes bourrades
pour valser sous les néons d'un rock-noise lourdingue et vulgaire
comme on aime. Car oui, Mama Tick, c'est lourd, c'est sale, ça
ignore les bonnes manières, ça ne connaît pas le bon
goût, ça manie l'humour graveleux comme on déboucherait
sa canette avec les dents et ça mélange la délicatesse
d'un Killdozer avec la garde-robe d'un Jesus Lizard. C'est pas du punk
arty et ils emmerdent à peu près tout le monde.
Leur discographie
avait pourtant débuté sous les meilleurs auspices. Un single
en 1992 sur le label à la pointe du combat, le fameux Amphetamine
Reptile pour la non moins fameuse Research & development series,
ribambelle de picture discs qui compte Hammerhead, Chokebore, Janitor
Joe, etc
à son tableau de chasse.
Deux titres de plus de six minutes chacun. Breathe out. Ca chevauche
sévère des carcasses chaudes de moutons égorgés,
de gros riffs qui marquent le sol. Dommage qu'il y ait un usage abusif
et inconsidéré de la pédale wah-wah. Quand je vous
disais qu'ils n'avaient aucun goût ! Pour Hatefest, même
punition sauf qu'en plus de la wah-wah, vous rajoutez une basse slammée
(hahaha). Tout ça n'est pas foncièrement mauvais mais ça
sent l'indécrottable sur lesquels je n'aurais pas parié
grand-chose
Heureusement, leur deuxième single en 1993 sur l'excellent label
Bovine records va placer la barre beaucoup plus haute. Malgré la
pochette qui ne sent pas le frais, l'énorme basse qui semble toujours
slammée a bien meilleure gueule. C'est cru, c'est violent. La mélodie,
ils détestent. La wah-wah, on oublie. Torture et Lode,
deux morceaux qui vous laissent une tronche de merlan frie.
Pour leur 3ème single, toujours en 1993, Mama Tick s'offre la peau
de Skin Graft records. Sur Horsedoctor, mélange inédit
des voix dont vous ne pouvez soupçonner la subtilité et
qui confinent à la folie furieuse. Composition complètement
éclatée. Ca saute dans tous les sens, ça ralentit
dangereusement, c'est pas loin d'être le grand n'importe quoi et
pourtant, si c'est pas leur meilleur morceau, ça y ressemble. Quand
Mama Tick lâchait les chevaux, tout le monde se planquait aux abris.
Face B, même traitement avec I'm okay with me. Bombardement
rythmique. Bombardement de tout. En règle et en cadence. Infernale,
il va de soi. Grande pièce de noise-rock pure et sans fard.
Chaud comme des bouillottes, Mama Tick sort son 4ème single en
1994 sur 3 Little Girls records. Label moins coté même si
on compte des singles de Rodan et Six Horse. Le pied a tendance à
vouloir taquiner encore la pédale wah-wah mais le son de gratte
est tellement énorme qu'il noie tout ça comme il se doit.
Action city, c'est le titre du morceau sur la face principal. Il
ne déroge en rien à la panoplie lourdingue et sans fioriture
que Mama Tick est en train de se construire. Face B, ils reprennent Shout
at the devil de Motley Crue (quand je vous disais qu'ils avaient mauvais
goût !) et on en vient à penser que parmi leurs influences,
les groupes metal et hard-rock figurent en bon rang. Mais le traitement
sonore qu'ils infligent à leurs compos les rendait autrement plus
bandant.
Toujours en 94, ce n'est pas le temps des cerises mais celui du split.
Faucet se trouve de l'autre coté de la facette.
Mama Tick s'accapare la face pig (normal pour des gros bourrins
comme eux) et adresse un Suck à tout ceux qui le lisent.
Et ce Suck figure tout simplement parmi leur meilleur méfait
au coté du Horsedoctor de tout à l'heure. Un inédit
total avec une voix qui a le feu au cul, complètement éraillée
et déraillée, vomissant tripes et enfants sous le joug d'une
rythmique dur comme du bois mort et des riffs au scalpel.
Après toute cette série de 45 tours, il était temps
de passer à l'album. C'est à un label beaucoup moins connu,
Dubious Honor,
qu'échoie ce privilège. A croire que Mama Tick faisait peur
ou ne présentait pas assez bien à tous les labels en vue.
Mama Tick, ce sont les vilains canards de la bande et l'album en forme
de chant du cygne, l'album à tête de citrouille pas contente
du tout, le files moi 100 balles, va le prouver une nouvelle fois. Sur
ce Gimme
The Five Bucks, on retrouve Lode et Action city,
morceaux de singles, une nouvelle fois échoués ici dans
le même apparat. Entre et autour, sept inédits qui continuent
de frapper le bas ventre. Sans souci de délicatesse, en se moquant
du qu'en-dira-t'on, envoyant le déluge en tout genre en niant jusqu'à
l'existence de la mélodie comme bienfait unanimement apprécié,
même par les plus bouchés. A l'intérieur, une photo
de notre trio de poètes occupés à remettre leurs
chemises de bûcherons dans leurs frocs. M'ont l'air tout à
fait sympathiques.
En ce qui concerne la musique, c'est Halloween au printemps. De la pure
agression mais avec style (si, ils en sont capable) avec un I the accursed
épique. Un Friendly neighbor pour croiser les doigts de
ne jamais avoir de voisins comme eux. Ca braille, c'est hirsute, de la
musique de saoulard pervers et derrière leurs manières de
brutes, on sentait à plein nez tout le deuxième degré
d'un groupe de grands ados qui était clairement là pour
s'amuser. Je les verrais bien en groupe de bal. L'album se termine d'ailleurs
par une reprise à la con, après un paquet de minutes de
silence à la con aussi qui faisait suite déjà à
un dernier morceau d'adieu où Mama Tick nous faisait la totale
dans le j'en ai rien à foutre.
Cet album ne fera partie jamais d'aucun bilans, n'est le préféré
de personne, moi le premier, ne trône en évidence sur aucune
cheminée. Mama Tick restera à tout jamais un groupe très
obscur. Mais ils avaient réussi à trouver un style, une
façon unique de nous agresser tout en nous gondolant de plaisir
grâce à quelques morceaux de bravoure dont ils ont emporté
le secret dans leur tombe.
SKX (17/07/2007)
Discographie
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1 morceau sur la compilation Pressure Cooker
Furball records 1992
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