Il est de
l'histoire de certains groupes et de leur importance à vos yeux
qui
n'ont rien à voir avec la grande Histoire du Rock'n'Roll. Des groupes
largement
inconnus mais qui ont pour vous un intérêt tout personnel
car correspondant à
une époque bien marquante de votre vie, des groupes que vous chérissez
comme s'ils s'étaient créés juste pour vous et dont
il ne faudrait qu'un pas (franchi
sans hésitation lors de discussions tardives) pour que vous les
déclamiez comme
le plus grand groupe de tous les temps.
Blunderbuss a tout de ce groupe mythique. Au départ, quelques titres
enregistrés sur une K7 compilation au son bien pourri par un parisien
très avisé (remember Hyacinth zine !) sur laquelle on retrouvait
également des morceaux de groupes obscurs comme Don Caballero,
Drive Like Jehu, Pitchblende, Slug, j'en passe et des meilleurs et même
un morceau de The Ex avec Tom Cora. Ze cassette, usée et archi
usée qui est désormais reléguée au fond d'un
vieux carton humide alors qu'elle devrait être encadrée au
dessus de mon lit.
On était en 1992. Période faste. Et si la plupart de ces
groupes ont largement débordé la confidentialité
d'un format K7 pourri, Blunderbuss s'est perdu dans la fourmilière
rock, noyé sous la masse.
Pourtant, leurs deux premiers 45 tours sont parmi les bouts de vinyles
les plus hallucinants qu'il m'ait été donné d'écouter.
Le premier, sorti début 1992 sur le label Peas Kör, comprend
trois titres. Derrière cette vilaine pochette labyrinthique se
cache une explosion de bruit et de sentiment à fleur de peau. Bed
Rider et Glace Glare, deux furies noise-rock qui pourraient
figurer haut la main sur n'importe quel album de Unsane, le sens de la
mélodie écorchée en plus. Sur la face B, Lowlands,
longue pièce poignante, un peu comme si Unsane s'était mis
à faire du Slint. Vous rajoutez par là-dessus un enregistrement
réalisé avec trois francs six sous, un son où le
mot noise prend tout son sens, loin des productions d'Albini déjà
en vogue à l'époque, où tous les potards sont dans
le rouge, chaque instrument cherchant désespérément
la porte de sortie et vous avez là un objet unique. Amateur dans
le sens noble du terme, juvénile et sans concession. Un vrai morceau
de bravoure.
Quelques mois plus tard sort le deuxième 45. Quatre titres dans
la lignée. Une production un rien plus fignolée mais toujours
aussi jouissive. Ben Matthews gueule comme il est pas permis. Il en faut
un grain pour chanter comme il fait. Push, Surrounded,
Line Drive To The Forehead, Flatfoot. Direct, puissant,
des mélodies à tomber, ça vous explose le corps de
l'intérieur. Quatre brûlots qui n'en finissent pas d'incendier
les neurones.
L'année suivante, c'est sur le gros label indé américain
Homestead que sort leur 3ème single Road To Arizona. Autre
structure pour une autre échelle. Blunderbuss grandit. Si les compositions
sont toujours aussi splendides, le changement vient du traitement sonore.
Le son n'écorne plus son boeuf. Solide et plein mais moins furieusement
noise. Et surtout, le chanteur, sous peine de devenir aphone pour le restant
de sa vie, a décidé de calmer le jeu et déclame sa
rage sous un mode plus humain.
Deux très bons morceaux mais annonciateurs d'un virage que vient
confirmer leur 1er et unique album Conspiracy. Il aura fallu attendre
deux ans. Deux longues années d'attente fébrile. A l'arrivée,
faut bien avouer que la déception pointait son vilain nez crochu.
Ou est-ce avec le recul que je pense ça ?! Les compositions sont
bonnes mais pas aussi percutantes. Le son est puissant, dans la suite
logique de Road To Arizona, ce qui signifie aussi plus dans la
norme. En fait, on rêvait tous d'un album dans la lignée
des deux premiers 45 mais c'était sans tenir compte de l'évolution
normale du groupe qui ne pouvait tenir indéfiniment cette ligne
de conduite suicidaire. Conspiracy est un bon album d'indie rock
musclé et dissonant mais décevant par rapport à l'urgence
et la folie de leurs débuts.
C'est pourquoi ces 45 sont d'autant plus mythiques car uniques dans leur
genre.
Douze années plus tard, ils n'ont pas pris une ride. L'effet est
toujours le même.
A l'aise dans mon classement des 10 meilleurs singles de tous les temps.
Ça
vous fait une belle jambe certes mais faut bien faire son vieux con de
temps en
temps et ça me rappelle tellement plein de trucs. Je crois bien
que je vais aller dépoussiérer ce fameux carton.
SKX (08/11/2004)
PS : à
quoi ça sert de faire des rubriques nécrologiques si les
groupes se mettent à ressusciter ??!! 2006, Blunderbuss reprend
du service. La chronique est par là....
Discographie
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1st
7''
Peas Kör (1992)
 
 
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2nd
7"
Pop Bus records 1992
 
 
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Road
To Arizona 7"
Homestead records 1993
 
 
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Conspiracy
CD
Homestead 1995
 

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