Blunderbuss
s/t - CD
Self-released 2006

Heureusement que j'étais assis quand j'ai lu la chronique sur nextécluse sinon mes fesses auraient ciré le parquet. C'était un dimanche soir, tard, après un week-end fatiguant, ma vue devait défaillir. J'ai relu plusieurs fois, sûr que c'était une blague (de mauvais goût) ou un homonyme qui avais eu le culot de s'appeler comme le Blunderbuss de 1992 que je connaissais et adulais secrètement. Oui, la tête du con s'émerveillant devant l'objet dont personne n'avait jamais rien eu à foutre, je connais aussi. Le Blunderbuss, l'unique, le seul, le phénoménal groupe de Pittsburgh qui a vendu 48 disques dans sa vie (dont 30 en promo) est de retour.

Onze ans après leur unique album (Conspiracy en 1995) et trois géniaux singles, Blunderbuss refait son apparition qui risque, comme à leur grande époque, de passer totalement inaperçu pour leur plus grand bonheur. Un CD pressé à la maison, une pochette faite main et ultra cheap et signé par le guitariste-chanteur Ben Matthews, tiré à la demande ou un truc dans le genre. Pas de label, encore moins de distribution, pas de page myspace. Une musique qui n'obéit à aucun critère à la mode. On est tranquille, personne va nous piquer notre Blunderbuss. Il fallait vraiment habiter sur place, aux USA, pour que le bruit de ce disque ne s'échappe et que le hasard fasse bien les choses. Désolé les gars, mais des gens vont entendre votre musique !
Le premier constat, c'est qu'on aura droit à du Blunderbuss version Conspiracy et non pas celle des deux 1ers singles. Mon petit doigt me le disait bien mais j'aime bien me le fourrer dans l'œil. La seule chose qui pourrait attirer un tant soit peu l'attention sur eux, c'est la présence d'un quatrième et nouveau membre à la deuxième guitare, Jeff Ellsworth, l'actuel gratteux des autres revenants Don Caballero avec Jason Jouver (le bassiste de Don Cab) à l'enregistrement. Nan j'déconne, ça fera rien. Car la musique de Blunderbuss, c'est de l'introverti explosif. Du mélancolique virulent. Du romantique qui s'ignore et qui s'apprécie sur la longueur. Des guitares en pagaille, tissant des mélodies poignantes, ya comme du Come mais la version pour homme. On note bien quelques faiblesses de temps à autre. Les deux gratteux jouent les enchères et les notes coincent mais dans l'ensemble, Blunderbuss n'a rien perdu de sa verve farouche. Ils nous refont même le coup de la reprise d'un de leur propre morceau sorti sur le 2ème 45. L'intense Surrounded. Pour le coup, Matthews remet de la tension dans sa voix et s'arrache quelque peu les cordes vocales. Une voix qu'il a habituellement plutôt posé, limite passe-partout et fausse quand il chante normalement mais dès qu'il appuis un peu dessus, on sent que le Blunderbuss de sa prime jeunesse n'est pas loin. Imaginez cet album avec sa voix hurlée et une production comme sur les deux premiers 45 et vous avez un album de folie. Car dans l'art de l'écriture, Blunderbuss se pose toujours là. C'est fouillé, délié avec de multiples tiroirs, que le fil des écoutes nous attache cheville au corps. Encore un album intemporel, qui peut paraître aussi désuet qu'indispensable, à écouter à l'abri des oreilles indiscrètes. Pas musicalement le meilleur truc de ces dernières années mais sentimentalement, le meilleur album depuis dix ans !

Le Ben Matthews s'est quand même fendu d'un site web. Mais pas pour parler musique et de son groupe, ne soyons pas vulgaire non plus. Juste pour parler de son autre violon d'Ingres, la peinture et les expos qu'il réalise. Mais si vous allez sur la page contact et cliquez sur son email, vous pouvez lui écrire pour commander ce disque, il ne vous en voudra pas trop. Et comme il semble retrouver une seconde jeunesse, il s'est lancé dans un autre projet musical avec d'autres potes. Sa notion du temps n'est pas comme la notre mais on devrait avoir plus d'infos bientôt…

SKX (11/02/2007)