Big Flame,
que vous trouverez souvent écrit dans son noble graphisme bIG*fLAME,
représente la seconde vague de groupes post-punk. Celle qui vient
après les Wire, Gang of Four, toute la clique des groupes Postcard
en Ecosse, Orange Juice, Fire Engines, Josef K ou encore The Pop Group
et A Certain Ratio, groupe de Manchester comme les Big Flame. Une scène
anglaise en pleine extase gothique et cold-wave. Big Flame, avec sa guitare
névrotique, sa batterie anarchique et ces boulets punk-noisy décérébrés,
va donner un bon coup de pied dans les culs congelés et les nombrils
boursouflés.
Big Flame
se forme en décembre 1982, avec Alan Brown (basse et chant), David
"Dil" Green (batterie) et Greg Keeffe (guitare). Le trio va
sortir en trois ans, 5 singles, un 12'' et un 10'', pointer quelques disques
dans les premières places des charts indies, enregistrer plusieurs
Peel Sessions, ne délogera finalement pas Frankie Goes to Hollywood
des charts mais marquera suffisamment une poignée de fidèles
pour que son aura ne cesse de perdurer dans la scène indépendante
anglaise.
Comme les
Fire Engines dont ils s'inspirent directement,
Big Flame est un très jeune groupe. 19 ans pour Keeffe, 20 pour
Green et 21 pour Brown. Ils marquent tout de suite leur orientation politique
en tirant leur nom d'un collectif anarcho-syndicaliste sévissant
à Manchester et Liverpool dans les années 70. Chaque disque
sera l'occasion de coller des slogans sur les pochettes, d'afficher leurs
propos dans des paroles engagées et d'affirmer leur attitude sans
concession à l'encontre du music business. Mais jamais sans perdre
le sens de l'humour. Collect your bile, use it like acid ! D'ailleurs,
toute leur musique pourrait tenir en cette simple déclaration :
Turn your hatred into energy ! Turn your fear into dynamism !
Mais le jeune
punk, toujours prompt à s'enflammer pour de vertes causes et emmerder
le bourgeois, n'en est pas moins sans le sou. C'est à cette occasion
qu'il se rappelle qu'il a une mère. Ca tombe bien, celle de Alan
Brown possède un bas de laine sur lequel notre aventureux trio
fait main basse pour enregistrer leur premier 45 tours en 1984. Mais comme
de preux chevaliers des temps modernes avec une coupe de cheveux étrange,
ils n'omettront pas de la rembourser.
Les
trois titres Sink/Illness/Sometimes sortent sur leur label crée
pour l'occasion, Laughing Gun Records. La guitare n'est pas encore ces
milliers de couteaux à lames fines mais ça cisaille déjà
bien au niveau des chevilles. On sent également poindre ce mélange
reggae, dub et punk quand c'est trois là pouvaient se voir, ce
mélange cher à The Clash dont Greg Keeffe a toujours été
un grand fan.
En
1979 et 1980, j'avais l'habitude de sécher l'école pour
suivre les Clash en tournée. Je me rappelle d'un concert à
Manchester, un concert secret au Rafters, devant 200 personnes, c'était
incroyable. Dès que j'ai intégré Big Flame, j'ai
décrété que nous devions être aussi bons
sur scène que The Clash !! Ils étaient une référence
pour moi et Dil. Un autre groupe que j'ai vu en concert et qui m'a
beaucoup influencé était Fire Engines. J'adorais la
façon dont eux et Josef K arrivaient à être aussi
créatifs à l'intérieur d'une palette sonore limitée.
C'est une des choses que nous avons essayé de recréer
avec Big Flame. Se limiter et explorer toutes les possibilités
à l'intérieur de cette limite. (Greg Keeffe en mars
2008 pour le zine Blastitude). |
Une palette
sonore définissant déjà leur style. Vif, acéré,
bouillonnant. Cordes aigues et haut les curs. Mais le single rencontre
que peu d'intérêt. Et comme souvent à cette époque,
il faut que John Peel les invite à une de ces nombreuses sessions
(la première a lieu le 10 juillet 1984, trois autres suivront)
pour que le public commence à s'intéresser à Big
Flame. Ca et le fait que John Peel déclare, à l'occasion
de la John Peel Rock Action à l'ICA de Londres en octobre 84, que
c'est le meilleur groupe live qu'il ait vu depuis 40 ans ! Sacré
John !
Forcément, le groupe commence à tourner et les portes s'ouvrent.
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En
1985, Ron Johnson, le label de Dave Parsons (du groupe Splat!) contacte
Big Flame pour sortir un nouveau single. Ce sera Rigour avec
trois nouveaux titres, Man Of Few Syllables, Debra et
Sargasso. Big Flame affine le son. Aussi coupant qu'un Big
Black sans les ondes négatives et un jeu où il faut
imaginer un guitariste parcourant le manche de son instrument dans
un mouvement qui semble totalement aléatoire et à toute
vitesse. Rythmiquement, ça va également très
vite et le résultat est totalement jubilatoire, entraînant
et abrasif. Mention spéciale à Sargasso où
on croirait entendre à la guitare, The Ex à lui tout
seul, un chant heurté et une anarchie latente donnant envie
de prendre les armes.
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Toujours
en 1985 et toujours sur Ron Johnson (en association avec Laughing
Gun), Big Flame sort un troisième single dénommé
Tough!. La règle des trois titres continuent. All
the Irish (Must go to Heaven) occupe toute une face avec une guitare
qui charcle, des rythmes qui trépassent et un chant surfant
sur les arêtes. Ca parait complexe mais c'est juste un feu d'artifice
de dissonances. Sur la face B, Greg Keeffe continue de battre l'air
dans de grands gestes saccadés avec une chanson sur sa sur
(Where's your Carol ?) et Cuba!, bordéliquement
jouissif.
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Big
Flame enchaîne en janvier 1986 avec leur quatrième
single, le troisième pour Ron Johnson. A nouveau trois titres
(Why Popstars Can't Dance, Chanel Samba! et Breath
Of A Nation) produit par John Brierley dont les notes reproduites
au verso de la pochette valent tous les longs discours :
Big Flame are here. Perhaps only once in a producer's life does
he meet musical greatness. It happened to me when I was asked to
produce Big Flame. This is the moment. Listen to Alan's transparent
vocals, his superfluous bass lines. Dil's incessant beat, carrying
with it the future of today's youth. And soaring above all the chain
saw guitars of Greg (...). This single is an outstanding testimony
to musical greatness.
Un
bel hommage que Big Flame mérite certainement. En 1986, difficile
de trouver sur la scène anglaise, un groupe aussi noisy,
nerveux, piquant tout en gardant un coté extrêmement
entraînant sous un déluge paraissant parfois improvisé
ou chacun joue sa partition dans son coin. C'est en tout cas tout
naturellement qu'on les retrouve sur la fameuse compilation C86
du NME, aux cotés de groupes partageant une certaine esthétique,
comme Wedding Present, Wolfhounds, Bogshed, A Witness, The Shrubs.
Leur contribution s'intitule New Way (Quick Wash And Brush Up
With Liberation Theology).
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1986
encore. Big Flame sort un 25 cms tout rose, Two Kan Guru (Ron
Johnson et Laughing Gun records). Si vous avez tous les singles précédents,
ce 10'' ne sert à rien. Compilation d'une partie de leur trois
singles (Rigour, Tough! et le tout premier 7'') avec
dans l'ordre d'apparence : Sink, Sometimes, Man Of
Few Syllables, Sargasso, All The Irish (must go to heaven)
et Cuba!
Non en fait, il n'existe que trois raisons pour acquérir ce
disque. Le rose est votre couleur préférée. Vous
ne sortez jamais sans un magnifique toucan et un kangourou pour acheter
des bières. Vous aimez les blagues potaches et vous êtes
servi avec le texte en trois langues (anglais,allemand et un français
digne d'une traduction google mais qui est l'uvre d'une certaine
Melanie Blue) où Big Flame tente de nous faire croire qu'ils
ne sont que le backing band de Wham! (le groupe de Georges Michael,
bande d'incultes) et que les versions originales de Sink et
Sometimes étaient chantées par la douce voix
de Georges.
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1986,
année phare pour Big Flame mais aussi l'année du chant
du cygne. Big Flame sort Cubist Pop Manifesto en deux versions.
La version 7'' (sur Ron Johnson) avec trois titres. La version 12''
(Ron Johnson et Constrictor, un label allemand) et quatre titres supplémentaire.
Là encore, pour la version single, il faut aimer le rose (qui
se marie très bien avec le bleu et le jaune du rond central)
car les versions sont exactement identiques à celle du 12''.
On passe donc directement au long format. 7-track-mini-album for
price of a long maxi-single !
Face
A, on retrouve New Way (le titre sur la compile C86),
Where's our Carol ?(sur le single Tough!) et deux inédits,
Cat with Cholic et Baffled Island (The hard rock movement).
Big Flame continue l'exploration de sa palette sonore. Et sans doute
ces limites. Qu'importe, le feeling est toujours présent. Gifles
sèches et nerveuses à toute volée sur le manche
de la guitare. Ce type est un névrosé pathologique.
Face B, Let's write the American constitution! que le guitariste
(principal et unique fournisseur de compositions à la fin de
Big Flame) considérait comme le meilleur titre de leur répertoire.
On n'abonde pas spécialement dans son sens mais ce titre a
une belle tenue. XPQWRTZ et Earsore sonnent brillamment
le glas de la carrière de Big Flame qui se termine très
exactement en octobre 1986.
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A en croire
le groupe, la raison de ce split était toute simple. Dès
le début du groupe, les trois Big Flame s'étaient mis d'accord
sur une date de péremption à ne pas dépasser, pour
ne pas perdre fraîcheur et vitalité. Et cette date était
octobre 86. Quand la date est arrivée, le groupe a tout simplement
mis la clef sous la porte alors qu'ils étaient à leur apogée.
Un beau suicide.
Mais Big Flame n'étant pas à une connerie prêt, on
peut également invoquer plus sûrement comme raison le différent
profond et ce, depuis le début du groupe, entre Keeffe/Dil d'un
coté et Alan Brown de l'autre. Un différent sur la vision
du groupe. Là où la paire Keeffe/Dil voyait avant tout le
groupe comme un moyen de prendre du bon temps et foutre un peu le bordel,
Brown avait une approche beaucoup plus professionnelle et était
moins engagé politiquement. Quand un mois après le split
de Big Flame, Keeffe découvre que Alan Brown a composé tout
un répertoire pour l'album à sortir de son nouveau groupe
(The Great Leap Forward), ça le fout encore plus en rogne.
Quand
j'ai réalisé que Brown, un mois plus tard, avait un
album prêt à enregistrer, that really fucked me off (pas
la peine de traduire hein ?!). La dernière année de
Big Flame, je composais toutes les parties de guitare et le groupe
suivait le mouvement. J'ai réalisé que ça faisait
un an qu'il composait dans son coin. Je ne pourrais plus jamais le
regarder dans les yeux. Il avait trahi l'idée même du
groupe. Je suppose qu'il voulait faire carrière dans la musique.
Dil et moi, nous n'étions pas aussi conventionnels. Nous voulions
juste nous exprimer de façon personnelle. Greg Keeffe,
qui a la haine tenace, en mars 2008 pour le zine Blastitude. |
Naturellement,
toute leur discographie a fini par être compilée. C'est le
label américain Drag City en 1996 qui s'y colle avec le CD Rigour
1983-1986. Aucun titre ne manque à l'appel.
Si David Green et Greg Keeffe abandonnent après Big Flame toute
idée musicale (sauf pour une courte apparition de Keeffe sur le
disque de Meat Mouth en 1988 sur Factory records), Alan Brown tentera
à nouveau sa chance plusieurs fois avec The Great Leap Forward
donc, mais aussi A Witness et plus récemment Marshall
Smith et Sarandon.
Mais avec encore moins de succès que pour Big Flame
SKX (12/02/2011)
Discographie ::
Sink/Illness/Sometimes 7 (Laughing Gun Records 1984)
Rigour 7 (Ron Johnson/Laughing Gun 1985)
Tough! 7 (Ron Johnson/Laughing Gun 1985)
Why Popstars Cant Dance 7 (Ron Johnson/Laughing Gun
1986)
Two Kan Guru 10 (Ron Johnson/Laughing Gun 1986)
Cubist Pop Manifesto 7 (Ron Johnson 1986)
Cubist Pop Manifesto 12 (Ron Johnson/Constrictor 1986)
+
Rigour 83-86 CD (Drag City 1996)
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de gauche à droite : Greg Keeffe, David 'Dil' Green, Alan Brown
(+ une charmante inconnue)
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