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The Sound
of Young Scotland. Slogan du label écossais Postcard en 1979
et directement inspiré par le slogan de la Motown, The sound
of young America. Fire Engines n'a jamais enregistré pour Postcard
mais symbolise parfaitement cette appellation contrôlée.
Aux cotés de Josef K ou Orange Juice, Fire Engines a influencé
en un album et trois singles tout un pan de la scène indépendante
britannique. Toute la fameuse scène C86, Wedding Present, Jesus
and the Mary Chain (les frères Reid assistent à leurs tout
premiers concerts), les Wolfhounds, Badgewearer, Primal Scream et encore
plus surprenant, Franz Ferdinand ! Ce sont d'ailleurs ces derniers qui
vont réhabiliter Fire Engines dans les années 2000, n'hésitant
pas à en parler dans chaque interview, jusqu'à réaliser
un split single, chaque groupe reprenant un morceau de l'autre. Nous adorions
The Slits, Buzzcocks, Subway Sect, The Fall, Richard Hell and the Voidoids,
James Chance and The Contortions, The Velvet Underground, Television,
The Pop Group, PIL, Johnny Thunders, les chanteuses avec des batteries
rudimentaires et les garçons qui voulaient devenir des chanteuses
avec des batteries rudimentaires. Pour moi, Mark E. Smith est un chanteur
de soul. Il est le Whitney Houston de Manchester, en mieux. Nous adorions
également les albums Clearspot et Strictly Personal de Captain
Beefheart, alors que Doc at the radar station était notre bande
son permanente quand on partait en tournée dans le sud. Formé sur les cendres de The Dirty Reds après le départ de leur chanteur Tam Dean Burn, Russel Burn (batterie), Graham Main (basse) et David Henderson (qui passe donc au chant en plus de la guitare) recrute Murray Slade à la seconde guitare et se nomme Fire Engines, d'après un morceau de Thirteenth Floor Elevator. Comme beaucoup de groupe (post) punk, Fire Engines profite de leur incapacité musicale pour créer une musique primitive et minimale. On ne s'est pas joué et on vous emmerde. Ca donne des résultats inespérés. Une des principales règles de Fire Engines était l'interdiction de jouer des barrés à la guitare. Trop compliqué. Le batteur n'avait pas de cymbales et le chant n'avait rien d'harmonieux. Un mélange de jappements, de cris, de cordes vocales fluctuantes au gré de son humeur. Tout marchait à l'énergie et l'adrénaline. Le strict minimum et l'attitude de jeunes chiots près à mordre et en découdre. Fire Engines, c'est 18 ans pour les plus jeunes, à peine 20 pour Graham Main, le plus vieux de la bande Il sortent leur premier single en 1980 sur Codex Communications, tiré d'une session d'enregistrement pendant laquelle ils mettent en boite, par deux fois et en huit heures, tous leurs morceaux du moment, pour la somme de 46£. Ils en extraient deux titres. Get up and Use me et Everything's Roses. Sur les ronds centraux du 45 tours, les titres ont été inversés, ce qui n'est pas franchement dérangeant tant les deux titres sortent d'un moule identique. L'enregistrement est en prise directe. Get up and use me débute sur un faux départ, rebondit sur un rythme bancal, égrène ces notes à toute vitesse en mode aigu pour une danse du démembrement. Everything's Roses répand le même acide, la voix de Henderson surfe sur des arêtes pour un morceau piquant, un morceau de nihilistic fun comme il était dit à l'époque. Minimal, primaire, vigoureux, tout en gardant cette touche entraînante et jouissive, le single devient rapidement Single of the week dans le NME. La même
année, Fire Engines enregistre son premier et unique album, Lubricate
Your Living Room. Alan Horne du label Postcard est évidemment
sur le coup mais c'est Bob Last pour Pop:Aural, une sous-division de son
label Fast Product, qui rafle la mise. Ce ne sont pas vraiment des chansons. C'est juste quelquechose à faire et non pas quelquechose de très important, la big thing. C'est juste un disque et il doit être joué. Ce n'est pas comme si c'était NOTRE premier disque et tout ce que ça peut signifier. Ce n'est pas du tout ça. Ce n'est pas notre album. C'est un arrangement entre Pop:Aural et Codex Communications pour utiliser Fire Engines. C'est juste ça et c'est excellent. (Henderson pour le NME en 1981). De la musique jetée en pâture, pour l'action et le fun, selon le concept de Bob Last. Huit morceaux qui vous vrillent la tête. Une débauche de notes de guitares maigrelettes sur des rythmes faussement dansants et les cris intempestifs de Henderson. La pièce maîtresse de tout ce joyeux bordel coupant sur les bords, c'est le titre Discord. Sept minutes répétitives, une pointe visseuse à la ligne de basse indéboulonnable pendant que les deux guitares tissent un barbelé d'arpèges et enfoncent toujours un peu plus loin les limites de la résistance. Un disque ressemblant plus à une jam, à une improvisation sur l'autel de la dissonance, majoritairement instrumental, tout aussi éreintant qu'excitant et n'ayant aucun équivalent. Ce disque vaut une double page et un article dithyrambique de Paul Morley dans le NME et une pression grandissante sur un groupe qui ne calculait rien jusque là. Ces attentes donnent en 1981 un nouveau single, Candyskin / Meat Whiplash, en association sur Codex Communications et Pop:Aural dont le slogan était Modern records for radio and dancing. Le groupe engage un arrangeur de cordes pour les violons secondant les guitares. La voix de Henserson ne suit plus un mouvement erratique mais s'engage sur le chemin de la mélodie (avec churs à l'appui). N'empêche, Candyskin est un morceau de pop pas franchement conventionnel et les arpèges des guitares continuent de vous hanter une fois égrenées les trois minutes de cette pop song parfaite. Sur l'autre face de ce single à la pochette poster, Meat Whiplash se réfère plus à leur très récent passé tout en présentant plus d'épaisseur dans le son et de consistance dans l'écriture, supportant à l'aise la comparaison avec Candyskin, dans un registre plus mordant. Fire Engines
a quitté le monde de l'adolescence et c'est ce qui va causer leur
perte. Ils perdent le fil de l'histoire et si c'était pour continuer
sur la voie de leur dernier single, Big Gold Dream, l'arrêt
définitif était effectivement conseillé. Fire Engines
a engagé des choristes féminins, infiltré sa musique
par des sonorités de synthés et les guitares n'ont plus
le coupant habituel. Mais il aurait été dommage que ce morceau
n'ait jamais vu jour. On n'aurait pas eu le droit à cette magnifique
vidéo
qui confirme que, dans les années 80, on se cherchait capillairement.
Henderson met fin au groupe en décembre 81, 18 mois après leurs débuts. Une courte existence mais suffisante pour marquer les esprits. En 2004, Fire Engines se reforment pour trois concerts, dont deux avec leurs idoles de toujours, le Captain Beefheart (ça valait bien une reformation) et un autre avec Franz Ferdinand. Ces derniers sortent un split single avec Fire Engines en reprennant Get up and use me alors que Fire Engines reprennent Jacqueline. Pas de quoi s'étendre. Trois compilations ont également vu le jour. Fond en 1992 sur Revola records dont l'intérêt principal réside dans son titre totalement inédit, We Don't Need This Fascist Groove Thang, une reprise de Heaven 17, groupe britannique de synthpop de la même époque. La seconde est déjà plus intéressante. Codex Teenage Premonition (Domino records 2005), mis à part les titres principaux de leur répertoire dans les mêmes versions que les originaux, offrent dix morceaux live dont trois tirés de leur tout premier concert, le 16 mars 1980 au Leith Community Center d'Edinburgh. Le long Discord est réduit à une peau de chagrin, même pas trois minutes, ce qui confirme leur réputation : des concerts de 15 minutes plutôt que des solos de quinze minutes. On retrouve également deux inédits, The Untilted One et Insert Yourself avant de terminer par deux morceaux enregistrés pour les incontournables Peel Session et Jacqueline, toujours dans les bons coups. On retrouve également la reproduction de l'article double page de Morley dans le NME. La dernière compilation, Hungry Beat, est parue en 2007 sur Acute records. Que du classique. Si vous voulez l'intégralité des quatre disques réalisés par Fire Engines, cette compilation vous attend. Rien de plus, rien de moins. Elle vaut surtout le détour pour le livret intérieur où l'histoire de Fire Engines est contée par le journaliste Innes Reekie et d'où sont extraits, sans scrupule aucun, les citations du présent article ! SKX (04/02/2011)
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