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Dazzling Killmen
Dig Out The Switch – LP
Skin Graft records 2025

Quand il s’agit de Dazzling Killmen, la raison perd les pédales. Vous avez toute leur discographie. Vous la connaissez par cœur. Vous l’écoutez encore régulièrement, même trente plus tard. Mais quand sort un bout de vinyle avec Dazzling Killmen écrit dessus, il le faut, vous réfléchissez même pas. Cela avait déjà fait le coup avec Face Of Collapse, réédition en 2016 du second album datant de 1994 du groupe originaire de St Louis (Missouri). L’histoire bégaye avec Dig Out The Switch, premier album de Dazzling Killmen publié en 1992 par le mystérieux label parisien Intellectual Convulsion et réédité par Skin Graft trente-trois ans après. Une éternité qui n’a jamais paru aussi courte et intense quand il est question des Killmen.
Et le fait que ce disque ait été remastérisé n’est pas un argument suffisant pour se procurer à nouveau ce fantastique album. Ce n’est pas le léger coup de pinceau permettant à la basse de mieux ressortir et, d’une manière générale, que le son soit un peu plus ample qui va changer la donne. Quand à l’origine vous avez Steve Albini à l’enregistrement, vous pouvez êtes sûrs que le boulot a été fait et bien fait. L’album traverse les décennies sans qu’il fasse son âge. Pas la peine de le retoucher. Et c’est tout Dazzling Killmen qui traverse les décennies sans faire son âge. Dig Out The Switch et Face Of Collapse pourraient sortir aujourd’hui qu’on y verrait que du feu. Et c’est ça la force de ce groupe qui donne l’envie de toujours y revenir, d’acquérir un disque que vous aviez déjà (mais uniquement en CD). Une passion dont vous ne guérissez jamais et dont vous n’avez pas envie de guérir, un envoûtement à vie, pas la peine de chercher à comprendre, ça vous colle à la peau et Dazzling Killmen, il le faut absolument.
Un groupe inclassable qui a influencé pléthore de groupes dans des sphères multiples. Noise-rock, hardcore, math-rock, prog-rock, metal core et j’en passe. Des groupes qui ont été soufflé également par cette approche hybride, aussi technique que intensément émotionnelle, urgente et torturée, rentre-dedans et labyrinthique. Avec Dig Out The Switch, en mode trio à ses débuts avec Nick Sakes (guitare, chant), Darin Gray (Basse) et Blake Fleming (batterie) et après trois singles, Dazzling Killmen bouleverse le noise-rock et explose le hard-core. Face A, c’est pas moins de dix titres qui défilent sec. Rarement au-delà des deux minutes, voir juste 58 secondes pour Reactor. Dès l’enchaînement des deux premiers furieux titres, Serpentarium et Dig The Hole, vous êtes sur les genoux. Frénétique, violent sans être sauvage, l’intensité déjà à max et qui ne se relâchera jamais. Un son sec, précis comme le jeu des trois protagonistes, une guitare sans effet, claire, nette, effilée. Des plans rythmiques affolants, des lignes de basse titanesques où les doigts volent à toute vitesse sur une basse sans fret ou jouent comme sur une guitare. Des arrêts brutaux, des cassures, des montées de pression foudroyantes, des fausses accalmies (le début de Premonition), un méchant groove totalement aliénant. C’est carré et en même temps, c’est la guerre là-dedans. Le chant qui agrippe par la nuque et qui n’en peux plus de crier sa frustration. Une guitare qui arrive à glisser des accords accrocheurs sur le cordeau. Chaque morceau est un uppercut jusqu’à Torture concluant magistralement la face.
De l’autre coté du vinyle, trois tires seulement, les trois plus longs. Le poignant et magnifique Ghost Limb tout en tension contenue, un idée de la ballade selon Dazzling Killmen, qui existait auparavant en version single avec un saxo en plus. Numb, qui figurait également sur le tout premier single des Dazzling en 90 sur Sawtooth records, la propre structure de Nick Sakes, dans une autre version. Et à disque dantesque, il fallait un final dantesque. Les douze minutes et quelques de Code Blue sont là pour vous achever. Le trio maîtrise aussi parfaitement les structures plus complexes, l’architecture édifiante et déconcertante d’une compo avançant inexorablement, ne semblant jamais pouvoir s’arrêter, repartant de plus belle, comme un ressac venant se heurter continuellement à votre résistance qui finit par se briser, preuve d’un groupe capable de mettre autant de puissance que de subtilité, de mélodie que de matraquage, de façon unique, rien ne ressemblant à Dazzling Killmen. C’était le cas à l’époque. Et c’est toujours d’actualité.
Encore plus depuis que Dazzling Killmen a annoncé sa reformation. Avec Nick Sakes et Blake Fleming pour la partie historique et Ben Greenberg (Uniform) et Evan Jagels pour la continuité. Une tournée européenne est prévue pour le printemps 2026. Et ça, malgré toutes les réticences que j’ai pour les reformations, il faudra également le voir absolument.

SKX (06/11/2025)