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Tintoretto
s/t - LP
Expert Work/American Handstand records 2024

Ce disque aurait pu être une banale compilation regroupant tout ce qu’un groupe avait sorti dans sa (courte) vie. Tintoretto en a décidé autrement. Le groupe s’est brièvement reformé pour rejouer intégralement les huit morceaux que comptait leur maigre discographie. Quatre qui figuraient sur un CDEP (The Sound Of Someone You Love Who Is Leaving... And It Doesn't Really Matter) sorti en 1999 sur Highwater records et quatre autres sur le split CD A Four Way Stop (avec Managra, Insidious et Hero Of A Hundred Fights) publié en 2000 par 404 records. La paire Mike Batzler / William Zientara (guitares, chants), Bill Kutsch (basse) et Shane Hochstetler (batterie) sont donc retournés en studio plus de vingt ans plus tard et c’est le batteur (oui, le même Shane Hochstetler qui a mis en boite le dernier Big’n) qui a réenregistré le répertoire de Tintoretto. Ou comment faire du neuf avec du vieux.
Le son a gagné en ampleur, la batterie est devenue plus Albin-esque mais pour le reste, ça reste fidèle aux originaux à quelques petits détails près. Une intro qui change légèrement, de très menus réarrangements ou le chant tout simplement qui sonne mieux qu’auparavant, plus juste et assuré (vous pouvez comparer par vous même, les deux versions ont été mises bout à bout sur le site de Expert Work).
Tintoretto, un groupe dont les membres se sont maintes fois croisés au gré de différents projets. Zientara a joué au sein de Managra, Hero Of A Hundred Fights avec Hochstetler mais aussi dans Murder In The Red Barn. Batzler a aussi joué dans Managra. Et Call Me Lightning a vu défilé Hochstetler, Kutsch et Nathan Lilley (Akarso). C’était toute la scène de Milwaukee de l’époque, une scène incestueuse comme tant d’autres où une poignée de musiciens se retrouvent dans des tonnes de projets. Toute cette scène tournait autour d’une idée commune d’une musique au croisement du math-rock, du noise-rock et d’un emo-rock plus mélodique, sec et dépouillé venu tout droit de la scène de Washington DC avec des groupes comme Hoover ou Abilene.
Tintoretto n’y échappait pas. N’hésitant pas à accentuer la face mélodique, la confronter et la malmener contre de bonnes ruades anguleuses. À l’instar du chant passant allègrement par tous les états, poussant les cordes vocales dans le rouge ou devenant bien plus harmonieux et sensible, ce qui ne sera pas le goût de tout le monde et c’est bien dommage parce que Tintoretto s’est donné corps et âme dans des structures ambitieuses, magnifiquement chiadées, détaillées, allant souvent au-delà des six minutes pour rendre une apparente complexité la plus limpide possible. Et quand il fonçait dans le tas, ça donnait un fulmineux Rifle Merit Badge alors que The End (Old Gods) montrait toute leur finesse d’un groupe également nourri par Slint ou June Of 44.
Alors si tous ces groupes précités figurent dans votre domaine, de grandes chances que vous réussissiez à trouver votre bonheur dans ces compos très ancrées dans une période mais que les membres du groupe ont tout fait pour réhabiliter, donnant ainsi une seconde vie à une musique dont la présence est encore pertinente.

SKX (22/12/2024)