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Murder In The Red Barn
Songs Of Discontinuity – LP
Dipterid records 2024
s/t
– 10’’
Dipterid records 2003/2024

Songs Of Discontinuity. Et pour cause. 21 années ont été nécessaires pour que cet album sorte. Enregistré en 2003 par John Congleton (The Paper Chase) et masterisé en 2023 par Carl Saff, le label de l’Illinois Dipterid a enfin donné vie à ce disque censé être perdu à tout jamais. En 2019, une tentative avait déjà effectuée par FTAM records pour sortir ces chansons de l’anonymat mais c’était en cassette uniquement, avec deux titres en moins et personne n’en avait entendu parler. Dipterid a fait les choses en grand avec un bel écrin et Songs Of Discontinuity peut enfin se révéler au plus grand monde.
Ainsi que ce groupe, Murder In The Red Barn, qui n’a jamais défrayer la chronique. Les cinq membres ne sont pourtant pas sorti de nulle part. Un groupe issu de la scène de Milwaukee et qui s’est créé suite à la séparation de Tintoretto (qui vient de sortir un album discographique en même temps, le hasard est magnifique). Joshua Backes, qui avait intégré Tintoretto à la toute fin du groupe, monte Murder In The Red Barn avec son frère Ike, Eric Maas, Tony Scholl et James David. Et après la sortie d’un premier album, Get In Before The Rain, en 2001 sur 404 records, William Zientara (ex-Tintoretto, Managra et Hero Of A Hundred Fights) intègre la formation (alors que Scholl la quitte). Hélas, après un 10’’, Murder In The Red Barn se désintègre en rentrant d’une tournée. L’album qui venait d’être enregistré est enterré vivant. C’est ce second album qui voit enfin le jour. Les bandes originales ont été retrouvées, restaurées, masterisées et Songs Of Discontinuity peut laisser éclater toute sa singularité.
Une musique se distinguant par la présence d’une guitare acoustique en plus d’une électrique, une sonorité qui ne se cache pas et donne un vernis unique à une musique pas très éloignée dans les faits de celle de Tintoretto. Un mélange de math-rock qui sait être mélodique, d’emo-rock pugnace et discordant, des compos déconstruites étonnement aériennes et limpides au final. Le saxophone du premier album a disparu. La rythmique débridée claque. Les guitares flamboient. Et le chant qui n’hésite pas à donner de la voix à plusieurs en même temps génère des émotions contradictoires, tour à tour batailleur, hargneux, sincère, mélodique, parlé, toujours expressif, se lançant parfois dans des envolées osées ne sonnant pas toujours juste et qui, comme chez Tintoretto, en fera tiquer certains (normal, c’est encore Zientara derrière le micro).
Mais pris dans son ensemble, les neuf titres de Songs Of Discontinuity offrent des perspectives aussi prenantes qu’originales avec cette guitare acoustique fournissant un parfum tout à fait captivant, des accords qui embellissent et glissent sur les structures à tiroirs dans un dialogue à deux avec sa consœur électrique qui fait toute la force du groupe. Cinq musiciens à la technique irréprochable mais qui ne se font jamais déborder par un excès de démonstration. C’est précis, intense, offensif et c’est ce mélange entre agressivité et un sentiment à fleur de peau, frénésie et légèreté, chaos qui menace avec le chant souvent proche de l’hystérie et une fluidité prenant parfois des chemins mélancoliques qui donnent ce caractère unique et rafraîchissant à un album connaissant quelques tâtonnements mais qui a rudement bien fait de sortir de sa tanière. Une expérience hautement recommandable.





Dipterid records ne s’est pas arrêté là et a repressé le 10’’ self-titled sorti en 2003 par Ed Walters records. C’est par ce disque que Zientara avait fait son entrée dans le groupe. Murder In The Red Barn en profite pour réenregistrer Cutthroats, le morceau d’ouverture de Get In Before The Rain. On peut sentir toute l’évolution du groupe vers une approche plus combative et rentre-dedans pour le plus grand bien de la communauté. Murder In The Red Barn avait affûté ses armes et son propos, l’arrivée de Zientara n’étant sûrement pas étrangère à ce virage largement plus mordant. Les guitares tricotent sans faire de nœud comme sur If Only You Listened, ce qu’on ne manque pourtant pas de faire, attentif qu’on est à tous ces changements de tonalités, de rythmes et de finesse s’intercalant dans des canevas qui n’ont pas perdu pour objectif d’être relativement brefs et percutants. Sauf sur les six minutes et quelques de Last Stop, un titre issu d’une session live radio sur WFMU, jolie chevauchée intense pleine de remous et d’agitation donnant envie que ça ne s’arrête jamais.

SKX (23/12/2024)