yrre
hummus


Yrre
Luhlae x The Witch – LP
Hummus records 2022

Il avait été question brièvement de ce disque l’année dernière. Mais Yrre vaut mieux que quelques mots jetés vite fait en pâture. Parce qu’il a fallu déjà se procurer le vinyle publié uniquement à 25 exemplaires et rapidement épuisé. Hummus records a eu la bonne idée de le représser. Soixante exemplaires. Je ne comprends toujours pas pourquoi un tirage aussi limité et également promptement parti mais le hasard a fait que j’étais là au bon moment pour harponner une copie qui brille de rouge et noir d’un coté et d’un blanc immaculé de l’autre.
Comme dit à l’époque, ce n'était à la base qu'un projet éphémère répondant au nom de Luhlae x The Witch, soit la bande-son par cinq musiciens (Alex Straubhaar, Julien Floch, Naser Ardelean, Anna Sauter-Mc Dowell et Iannis Valvini) du film d'épouvante The Witch (Robert Eggers, 2015) lors d'un ciné-concert à La Chaux-de-Fonds en Suisse. C'est désormais un groupe qui a pris le nom de Yrre et qui a adapté ce ciné-concert pour en faire un album.
Et pas besoin d’images pour se faire un film. La puissance évocatrice des six compositions est telle que les frissons apparaissent spontanément, l’épiderme rentre en alerte, une plongée dans des eaux diaboliques sans le manuel de survie et c’est délicieusement démoniaque, férocement malfaisant, funestement envoûtant. De longs râles de sorciers venant hanter des parties atmosphériques lugubres. De splendides arpèges dessinant les contours de mélodies obsédantes comme sur Sunu, des riffs pénétrants sur Aglaeca qui sonne et avance comme ces cauchemars où tu tombes dans le vide et la chute est sans fin. Le délicat tintement d’une cloche annonce rien de bon. De belles et irrémédiables montées de violence noire comme un black metal déviant d’une trajectoire qui se joue des codes d’un genre qui en prend un bon coup dans la gueule en même temps qu’un gros vent de fraîcheur aussi ténébreux fut-il tout en bousculant les errements du doom et du post-hardcore instrumental. Des rythmiques tribales qui battent le dernier jugement et ne font pas de quartier (Onginnan). Une densité lardée de bruits angoissants, de bêtes qui grouillent et grignotent la cervelle et l’imagination, d’ombres maléfiques qui se tordent d’horreur dans votre dos. L’espace est saturé, vicié, lourd, plus ou moins lent mais toujours intense et surtout avec une dimension émotionnelle sans cesse stupéfiante et hypnotisante. La mort peut-être une très belle couleur. Yrre est une sacré bestiole possédée et magnétique dont les prochaines avancées seront avidement guettées. Haute sorcellerie.

SKX (06/03/2023)