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Skin Graft records presents…
Sounds To Make You Shudder! – CD
Skin Graft records 2022

Sounds To Make You Shudder ou des sons à faire frémir pour la version francophone parce qu’à l’origine, cette compilation est sorti spécialement pour Halloween en octobre dernier. On est fin janvier. Parait que ça peut marcher aussi pour la galette des rois. Ou la chandeleur. Mais pour vous offrir une frangipane avec une fève en forme de lame de rasoir ou une crêpe sauce forte sensation, il va falloir avaler une heure et sept minutes concoctées par l’infatigable label de Chicago Skin Graft, c’est à dire quinze groupes et pas des plus simples, des pointures, des icônes sur le retour ou oubliées de tous, des curiosités ou quelques collaborations inattendues au passage.
A commencer par notre légendaire David Yow (Jesus Lizard) dans les griffes de Yowie (aucun lien de parenté). Un Yowie dont on a connu l’étreinte bien plus complexe voir incompréhensible pour le commun des mortels mais qui laisse de la place à un Yow méconnaissable dans un mode parlé/chant trafiqué et enroué au fond de son lit qui introduit cette compilation par un good evening qui fait craindre le pire. Tremble petite citrouille, tremble.
Psychic Graveyard s’offre les services de John Dwyer. Pas pour prêter son doux timbre de voix mais juste pour remixer Is There A Hotline? qui se trouvait sur A Bluebird Vacation. Le père Dwyer ne sait pas trop fouler. Et c’est tant mieux, l’original était très bien comme ça.
Comme c’est une compile Skin Graft, il est normal de retrouver que des personnages qui ont fait les beaux jours sinon la grandeur du label. A tout seigneur tout honneur avec Dazzling Killmen qui place deux représentants. Nick Sakes, l’ex-chanteur-guitariste qui a ensuite formé Colossamite, Sicbay puis Xaddax a un nouveau groupe. Il s’appelle Upright Forms. C’est le premier titre que j’ai tout de suite été écouté. On ne se refait pas. Un projet se situant plus dans la veine Sicbay, plus classique rock et mélodique, tendu ce qu’il faut avec toujours cet organe vocale fortement séduisant et un orgue dans le fond donnant une coloration décalée. On se gardera bien de tirer des conclusions hâtives sur la foi d’un seul morceau (They Kept On Living), j’ai pas sauté au plafond mais les prochains soubresauts seront surveillés de près. On ne se refait (toujours) pas. Quant à Blake Fleming, l’ex-batteur, son nouveau projet se nomme Shatter On Impact. Qui lui se situe plus dans les pas d’un Mars Volta que dans ceux de Dazzling Killmen ou Laddio Bolocko. Hélas, trois fois hélas. Dans le rayon vieille gloire qui fait de la résistance mais en dilettante, John Forbes, ex-Mount Shasta, a crée depuis plus de vingt ans déjà Tijuana Hercules. Jamais vraiment été convaincu mais ce Long Slide possède un charme aussi bizarre que sensuel et exotique.
Quant à Jim O’Rourke, Strangulated Beatoffs ou Bobby Conn, c’est aussi de l’historique de chez Skin Graft, le versant bizarro-expérimental-déviant plutôt que noise-rock-arty qui a toujours eu mes faveurs et encore une fois, vous allez être servis. Dans le domaine de l’étrange qui passe ou qui casse, Azita, une membre de feu Scissor Girl, excelle aussi. Lovely Little Girls n’est également pas un groupe facile à aborder et encore moins à étiqueter. Un collectif/orchestre de prog-weirdos avec déjà cinq albums à son compteur. Ce n’est pas encore avec ce Procreation (Of The Wicked) que je vais être tenté d’y fourrer mon nez, tout comme pour les français de Pili Coït, duo lyonnais (dont Skin Graft a publié leur album Love Everywhere paru initialement sur Dur et Doux en 2021) qui s’étend sur plus de sept minutes et dont l’intérêt du label de Mark Fischer et Rob Syers ne surprend pas tant ils aiment les trucs chelous, un peu prog et inclassable.
Par contre, pour le groupe allemand Cuntroaches, vous pouvez y fourrer votre blair mais pas sûr que vous le retrouviez vivant à la fin. Borborygmus est le nom du morceau et ça résume bien toute la philosophie de cette musique noise débilo-radicale. Dans les valeurs plus sûres mais pas moins périlleuses, Terms se fend d’un Mouthful Of Moss qui use la trame free-noise-rock complexe mais néanmoins virulente avec toujours autant de bonheur. Weasel Walter et The Flying Luttenbachers ont longtemps été des fidèles de la maison. Sur Violence Labyrinth, Walter qui n’a peur de rien s’occupe de tous les instruments et ça mitraille sec. La routine quoi.
Et enfin, le meilleur et de loin est gardé pour la fin avec un inédit (comme tous les morceaux de cette compile mais peut-être pas pour la vie) de USA Nails. Horror Show n’est pas que le noise-rock nerveux et acéré que le groupe anglais nous sert habituellement. Il berce aussi dans l’extravagant avec une armée de saxophonistes, trompettistes et trombonistes qui débarquent ainsi qu’un bout de synthé et ça leur va rudement bien avec un tas de sonorités qui finissent par ne plus être identifiables, un mélange aussi épique que perfide et aliénant. Comme si USA Nails avait voulu se mettre au diapason de Skin Graft, label qui a toujours cherché l’audace musicale, la personnalité et la singularité au risque parfois de se planter ou de perdre des auditeurs en route. Sounds To Make You Shudder en est une parfaite illustration et ça fait plus de trente ans que ça dure.

SKX (26/01/2023)