unsane
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Unsane
Improvised Munitions & Demo – LP
Lamb Unlimited records 2021

Unsane ne respire plus depuis 2019 mais publie un nouveau disque. Chris Spencer, désormais plongé corps et âme dans Human Impact, a activé son propre label, Lamb Unlimited, mis en ligne tous les albums de Unsane et, encore mieux et carrément inattendu, donne vie à un enregistrement dont l’existence même était de l’ordre de la légende. Improvised Munitions aurait dû être le tout premier album du trio new-yorkais. A la place, c’est l’album avec la pochette de l’homme qui ne prendra plus jamais le train qui hante vos nuits pour toujours. C’était sur Matador en 1991. Tout ça, c’est la faute à la drogue. On connaissait déjà la fin tragique de Charlie Ondras, batteur originel de Unsane, mort d’une overdose en 1992. Ernie, consommateur frénétique de cocaïne et accessoirement boss de Circuit records qui devait publier Improvised Munitions en 1989, a préféré vendre les test-pressing pour rembourser ses dettes à des dealers. Premier coup dur. Spencer arrive tout de même à récupérer des mains de Ernie un test-pressing. La drogue, c’est mal, acte II. Les colocataires de Spencer sont également très friands de substances illicites mais manquent de liquidités. Ils piquent tous les exemplaires originaux des premiers singles de Unsane et le test-pressing. Fin de l’histoire d’un enregistrement maudit qui ne verra jamais le jour. Ce qui ne nuira nullement à la vie, la mort, la résurrection et finalement la mort pour de bon de cet immense groupe qu’est Unsane.
Par miracle et bien des années plus tard, c’est à dire récemment, le test-pressing a refait surface. Un certain Jordan Mamone possède un exemplaire du test-pressing qu’il avait acheté d’occasion chez un disquaire du Lower East Side. 2021, Improvised Munitions est enfin de chair et d’os. Alors certes, il arrive largement après le combat mais j’aime les histoires qui se terminent bien.
Sur les sept morceaux qui devaient composer ce damné album, aucun inédit. Ils ont tous fini sur l’album de 91 (Cracked Up, Bath, Cut, Slag) ou des singles (Jungle Music, Concrete Bed, My Right) dans des versions différentes bien que mis en boite à chaque fois par Wharton Tiers aux fameux Fun City Studios. Mais ces versions originales semblent encore plus trempées dans un jus noise, désespérément malsain, sale, urgent, noir. Ce jus si caractéristique de la première mouture de Unsane avec Spencer, Ondras et Pete Shore à la basse, ce jus qui est la quintessence même du trio, celui qui surpasse tout ce qui suivra, ce jus tellement noise et radical qui faisait qu’on reconnaissait à peine les morceaux qu’on connaissait pourtant par cœur un beau soir de concert à l’Araphao (Paris) en 93.
Par contre, vous aurez noté qu’à la suite de Improvised Munitions, il est écrit demo. C’est la petite gâterie de Spencer. Quatre morceaux supplémentaires datant de 1988, avant Improvised Munitions, quatre démos servant Unsane pour desservir les salles et trouver des concerts. Et surtout quatre purs inédits. Qui, bizarrement, sonnent plus propre que ce que Unsane produira par la suite. Et si j’avais été patron d’une salle, d’un bar ou même d’une cabine téléphonique, je les aurais programmé direct. Unsane était déjà mordant, d’attaque et inspirés. Les bras tentaculaires de Ondras ne cessent de pourfendre l’air sur des roulements hypnotiques. La Telecaster de Spencer émet des sons triangulaires dans lesquels ton audition tu perds. La basse de Pete Shore est un gros bourdon devant laquelle tu ne fais pas le con. C’est tendu, ça fritte, c’est juste un peu différent mais déjà très bien. Et ça valait franchement le coup de presser sur un vinyle pour l’éternité ce petit bout d’histoire d’un groupe dont la musique influente a toujours été la seule drogue qui vaille la peine.

SKX (05/07/2021)