humanimpact
ipecac


Human Impact
s/t – LP
Ipecac records 2020

Tant que le tumulte du marteau reste supportable, il est vain d’essayer de fuir, il faut en profiter pour enfoncer les clous de la planche et jeter la terre par-dessus. L’impact humain. Rien que ses mots. L’évidence explose avec un sourire morbide. Des domestiques médiocres de puissances nocives gravitant partout autour de nous qui ne respectent rien sauf une force qui serait plus déterminée que la leur. Ou incontrôlable.
Human Impact débarque de son New-York grouillant comme la vermine avec ses paroles qui mettent la tête dans la merde. Florilège. Who Will Decide Who Can Stay ? What Will You Do To Survive ? We Don’t Survive. A Virus We Can’t Quite Control. Respirator. Something’s Wrong In This Place. There’s A Wall In Your Way. It’s The Human Machine. Chris Spencer, Nostradamus de la noise. On se pince. Le bougre a surtout compris que le temps de Unsane avait été passablement compté – bien que personnellement j’aurais encore volontiers pris ma dose dans les poumons dont un bout vient de se décrocher à tout jamais.
Il a rameuté les anciens avec qui il partageait au siècle dernier les locaux de répétition, les affiches de concerts et une vision commune pour électriser les foules. Deux ex-Cop Shoot Cop, acte aussi essentiel que Unsane. Jim Coleman (claviers/samples) et Phil Puleo (batterie), ce dernier battant également la mesure pour Michael Gira depuis la résurrection de Swans au coté du bassiste Christopher Pravdica qui rejoint lui aussi cette armée de vieux singes. Nouveau départ alors que tout s’écroule.
Et en attendant de nourrir les vers, une certaine excitation pour le commun des mortels, le respect des aînés qui ont donné tant de plaisir. Et qui a vacillé à l’orée de la sortie quand Human Impact a balancé en pâture deux morceaux en apéro, November et E605, qui n’avaient pas plus convaincu que ça. Mais quand toutes les pièces du puzzle ont été rassemblées, le premier album de Human Impact a pris corps, les compos se sont imbriquées pour former un long fracas froid et irréversible.
Une atmosphère générale qui doit énormément à Cop Shoot Cop dont l’ombre plane sur Human Impact. Délectation. Il est donc étonnant de voir la guitare de Spencer rétracter ses griffes et passer au second plan, de constater que son chant ne bave plus et que la casquette n’est plus visée sur sa tête. Comme pour mieux faire comprendre que Unsane est mort et enterré et que Human Impact n’est pas une récréation passagère. Mais c’est pour mieux surgir dans ton dos mon enfant. Car si son chant plus avenant et en avant atteste bien de sa présence, sa Telecaster sait se rappeler à notre bon souvenir sur une poignée de titres (Causes ou Consequences) et hurler son désespoir avec un savoir-faire inédit s’adaptant à ses nouveaux camarades de jeu.
La section rythmique se taille la part du lion, déploie ses impressionnantes aptitudes, roule les tambours annonciateurs de mauvais présages, soutient le poids du monde avant l’effondrement final. Et si vous envisagez le gars aux machines comme un simple faire-valoir pour décorer dans le fond, vous vous trompez. Jim Coleman n’est pas le premier venu. De la note de piano entêtante sur Respirator aux fréquences urbaines et néfastes, des ondes triturées au sample d’une ligne téléphonique occupée sur Consequences qui renvoie au Disconnect 666 du Consumer Revolt de Cop Shoot Cop, de la ligne de basse court-circuitée sur November ou l’étrange mélopée sur Causes, c’est un habillage sonore fortement à-propos (excepté le gimmick agaçant sur Portrait), un ensemble de samples agissant comme un véritable instrument, soulignant la mélodie ou la créant tout simplement et accentuant le climat angoissant d’une musique qui ne manquait déjà pas de foutre les jetons. Can’t Stop This. A Crash In Slow Motion.
Avec autant de mecs expérimentés à l’œuvre qui n’attendaient plus qu’un alignement parfait des étoiles pour se retrouver et un autre vieux briscard qui les connaît par cœur pour les mettre en boite (Martin Bisi), Human Impact n’a pas besoin de tour de chauffe pour exhiber les bijoux de famille en forme de symphonie imposante (November, E605, Portrait avec une belle intro) même si il est possible de les préférer quand ils sont plus directs, abrasifs et rentre-dedans sur les incisifs This Dead Sea, Unstable, Causes et Consequences, soit quasi toute la face B sans oublier leur capacité naturelle à torcher des accroches mélodiques obsédantes avec Respirator et Protester, des morceaux qui ont valeur d’hymnes qui forgent un répertoire. Et le pire, c’est qu’on a la sensation que Human Impact peut encore mieux faire.

SKX (14/04/2020)