cherubs
relapse


Cherubs
Slo Blo 4 Frnz & SXY – 12’’
Relapse records 2021

C’est toujours lorsqu’on s’y attend le moins que tout arrive. À reculons. C’est la démarche que j’avais opté pour aborder ce nouvel enregistrement de Cherubs qui ne nous avait pas franchement gâté depuis leur retour à la vie en 2015. Et là, miracle, le trio texan a retrouvé la recette de son vieux noise-rock déglingué, n’a surtout pas enlevé la poussière qui traînait sur le grimoire pour que ça sonne comme à la grande époque et balance cinq nouveaux titres plus vrais que nature. On n’y croyait plus.
Cherubs a ouvert le robinet à bruit et à laisser pisser, n’a pas cherché à enlever la crasse et les moisissures, a augmenté le niveau du bordel parce que c’est là-dedans que le trio excelle, quand ça déborde, que le flux devient incontrôlable et qu’en gros, il montre qu’il en a strictement rien à foutre. Et puis Cherubs a retrouvé aussi le couteau qu’il avait égaré, celui qu’il mettait entre les dents et qui taillait à l’emporte-pièce des morceaux épris d’anarchie, baignant dans les saturations, nerveusement atteints, une guitare qui souffle sur les flammes (jouissance extrême sur l’énorme A Pair Of Pear Tarts), les quatre cordes d’une basse faite dans le parpaing le plus pur, c’est à dire granuleux à mort et qui rabote en laissant des coulées de sang, le groove qui ramènerait un zombie à la vie réelle et le chant qui sort du larynx comme il peut, comme un jeune chien fou prêt à saloper ton petit intérieur Ikea en émettant des jappements aigus, en couinant et qui n’a pas du tout envie de faire le beau. Bref, la définition du monde parfait selon Cherubs. Et pour ceux qui les aiment depuis toujours.
Et avec un sens de l’humour méchamment absurde dans les paroles que je n’avais jamais essayé de décrypter car ça toujours été secondaire pour Cherubs. Cette fois-ci encore, mais on ne peut s’empêcher de se gausser sur A Pair Of Pear Tarts qui raconte brièvement l’histoire d’un couple français qui se sépare sur fond de grève et que du coup, à cause de tout ce bordel coutumier dans les rues françaises, personne ne mangera leur tarte aux poires. Ou des histoires de cochons qui mangent des connards morts sur le bord de la rivière ou un chien qui nettoie les restes d’un mec qui vient d’exploser et que ça arrange bien son maître parce que y’en avait partout. That’s a good boy.
Et c’est vrai que tout est bon dans ce Cherubs là. A part la version acoustique de Sooey Pig (Sad) qui se trouvait en version électrifiée sur Immaculada High et qui confirme parce que c’était couru d’avance que Cherubs unplugged, c’est aussi utile qu’une courgette sur un terrain de tennis, Slo Blo 4 Frnz & SXY est un disque idéalement court pour quatre morceaux farouchement percutants qui sèment une trace d’un ancien bonheur retrouvé sans l’odeur de rance qui va avec. Et puis si vous avez la drôle d’idée d’écouter ce disque en version numérique ou sur leur bandcamp, vous avez ces cinq mêmes morceaux en version Skrewd, c’est à dire baisé du bulbe, c’est à dire en version 33 tours au lieu de la version 45, vitesse normale de rotation à laquelle passe ce beau vinyle rouge à la pochette resplendissante. Mais, si jamais vous avez un doute, écouter des morceaux de Cherubs à la mauvaise vitesse n’a strictement aucun intérêt sinon d’avoir fait marrer ces trois vieux tordus noiseux texans. Et rien que cette pensée me plaît bien.

SKX (17/11/2021)