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Powerdove War Shapes CD Murailles Music 2017 War Shapes est le quatrième album de Powerdove. Il était donc grand temps de s'intéresser de plus près à ce groupe franco-américain. Les albums précédents, surtout Arrest en 2014, ont flotté dans les parages mais c'était comme si cette musique était irréelle et ne pouvait être fixée par des mots, se dérobait à tout contrôle. Les disques étaient là mais ils étaient insaisissables. War Shapes n'échappe pas à cette règle. Musique impressionniste, fragile où le silence et les non-dits sont aussi importants que les éclats d'instruments hétéroclites, il est facile de passer à coté d'un tel disque qui ne fait pas assez de bruit pour son époque. Mais existe-t-il vraiment une époque pour Powerdove ? Powerdove n'a pas d'âge, ne se rattache à aucun lieu, aucune scène. Il n'est donc pas étonnant d'y compter une américaine, un américain habitant à Hambourg depuis près de vingt ans et un français vivant en Espagne. Powerdove ne s'inscrit dans aucune mode et les seuls points de références qui peuvent être évoqués seraient Raincoats, Young Marble Giants, le néo-zélandais Chris Knox ou This Heat. On a connu pire comme héritage. Projet solo à la base d'Annie Lewandowski (chant, sampler, synthé), elle s'est entourée de musiciens sensibles comme elle aux perturbations sonores, à l'improvisation, à tout ce qui peut empêcher une pop song d'être trop classique, fluide et avenante. Depuis trois albums, Thomas Bonvalet (L'Ocelle Mare, Cheval De Frise) utilise tout son incroyable bricolage lui servant d'instruments pour dérégler les sens. Et Chad Popple (batterie, steeldrum, vibraphone) a pris la place du guitariste John Dietrich, son ex-acolyte au sein de Gorge Trio et Colossamite, pour amener également une touche de free et d'incertitude. Un trio en phase. Sur une base toujours mélodique et d'un chant ailé, en équilibre instable et légèrement languissant qui pose la tonalité générale, War Shapes égrène douze comptines tour à tour douces-amères, pointues, hasardeuses, enjôleuses, faussement innocentes, fragiles, grésillantes, avec toujours énormément d'élégance mais sans jamais chercher à caresser dans le sens du poil. C'est tout le contraste et la force de Powerdove. Réinventer la pop en cassant des mélodies naturellement lumineuses qui fonctionnent d'un rien, d'un souffle, leur imprimer des accidents, non pas gratuitement mais pour donner de l'aspérité, des angles, les mettre en valeur avec un éclairage original. Les habiller de trépidations légères, d'un banjo suranné, de répétitions acides, les confronter aux grincements, aux tapements, à la sonorité exotique de la batterie métallique sur Lion's Den et les faire s'envoler sur des titres au charme dingue comme Raincoats (on y revient), Ibrahim, The Night Inspires, Tenderly, Crimson And Clover, toute une belle lignée de compositions qui n'ont pas besoin de grand chose pour exister et vibrer. War Shapes, comme les albums précédents, c'est une esthétique particulière et unique. Les premières écoutes peuvent être déstabilisantes, remplies d'une monotonie et mélancolie contrariantes. Mais qu'on s'y trompe pas. Powerdove est un trio riche d'idées, de singularités et un talent hors norme pour faire cohabiter l'abstrait et le sensitif pour accoucher de disques à part et mystérieusement beaux. SKX (07/06/2017) |