heycolossus
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Hey Colossus
The Guillotine – LP
Rocket Recordings 2017

Le grand retour de Hey Colossus. The Guillotine est le onzième ou douzième album du groupe mais il s’agit surtout du troisième depuis que les anglais ont décidé de s’aventurer toujours plus franchement dans de nouvelles directions musicales. La double compilation Dedicated To Uri Klangers évoquée récemment et qui marque les dix premières années d’une carrière plus que bien remplie est à prendre au pied de la lettre : il y a un avant et un après Uri Klangers. L’avant c’était le défouraillage massif, lourd, gras et de plus en plus contaminé par un psychédélisme tordu des premiers enregistrements ; l’après ce sont les albums In Black And Gold, Radio Static High et ce The Guillotine, nouvel aboutissement d’une trajectoire exemplaire et remarquable, un disque lorgnant vers toujours plus de mélodies, de spleen et privilégiant désormais la force (faussement) tranquille, une force finement perturbée, vacillante aussi parfois.

The Guillotine est un album plus doux et plus calme mais seulement en apparence, parce que pour la sérénité il faudra repasser. Sur la première face du disque, Honest To God ouvre magistralement la marche, symptomatique du double visage et du caractère bipolaire de Hey Colossus, entre balade spectrale et interventions régulières de la lourdeur qui malgré tout continue de coller à la peau du groupe. On ne pouvait rêver meilleure introduction et on se prend à espérer que The Guillotine puisse être un nouveau chef d’œuvre à mettre à l’actif du groupe. Je ferais de la politique spectacle, j’aurais envie de me prendre pour un monarque républicain prêt à tout pour se faire reluire le polichinelle du marketing idéologique et faire gober à la plèbe ignorante que le libéralisme en 2017 c’est la condition de demain et non pas le même et éternel fascisme économique dégueulasse relifté pour faire semblant de marcher ensemble vers un pseudo-bonheur collectif au rabais (non, je ne m’égare pas), bref, je mentirais en affirmant tout de suite que The Guillotine est un nouvel album inespéré et incontournable de Hey Colossus. Mais c’est faux, The Guillotine est juste un plutôt bon album. Et c’est déjà beaucoup. Je reprends : cette première face est tout simplement merveilleuse parce qu’elle dévoile effectivement les deux personnalités du groupe avec le côté sombre et mélancolique (le poignant Calenture Boy et sa clarté franche et droite) et les trépidations, la tension voire le bruit (le terrible Back In The Room assaisonné à grands coups de saxophone et le fulgurant et enlevé Experts Toll).

Potions débute la deuxième face du disque en faisant écho à Calenture Boy et confirme que Hey Colossus est passé maitre dans l’art de composer des balades en clair-obscur. Mais cette deuxième face de The Guillotine pose problème. Elle est moins équilibrée, bancale presque et passe beaucoup plus lentement, comme si l’ennui venait à poindre le bout de son nez : aux premières écoutes, les titres Englishman, In A Collision et The Guillotine sont un peu ternes. Le chant féminin qui parfois double discrètement celui de Paul Sykes n’ajoute pas grand-chose et The Guillotine – ultime composition du disque – semble plutôt mal choisie pour donner son nom à tout l’album… Comme souvent dans ces cas là, j’ai alors joué à l’un de mes petits jeux favoris, jeu auquel j’ai recours depuis très longtemps avec les disques qui me chagrinent un petit peu ; j’ai donc imaginé un autre tracklisting en changeant l’ordre des compositions de cette deuxième face (interdiction par contre de toucher à la première tant je la trouve parfaite) mais cela n’a pas fonctionné pour autant. Le problème c’est que les trois titres mentionnés ci-dessus sont quasiment sur le même registre, la différence entre les trois est une équation non résolue, une question de dosage et d’équilibre entre attrait mélodique et tension. Prises séparément, ce sont trois bonnes compositions – quoi qu’un peu convenue pour Englishman et même pataude pour The Guillotine – mais elles ont trop de mal à fonctionner ensemble, les unes à la suite des autres. C’est une faille que l’on pouvait déjà déceler à certains moments de Radio Static High et un écueil que Hey Colossus n’a toujours pas appris à contourner. Mais je ne vais pas faire la fine bouche pour autant parce que The Guillotine reste au dessus du lot, que Hey Colossus demeure ce groupe souvent incroyablement inspiré et qu’il ne démérite pas en essayant autre chose, vaille que vaille. Et après autant d’années d’existence et après autant d’albums, c’est peut-être un véritable exploit.

Hazam (05/07/2017)