heycolossus
mie


Hey Colossus
Dedicated To Uri Klangers - 2xLPs
Mie Music 2016

C’est vraiment par hasard que j’ai appris l’existence de ce disque, lors d’une veillée nocturne qui n’en finissait pas, coincé par l’absence de sommeil dans les méandres d’internet. Mon cœur a aussitôt bondi : un disque de Hey Colossus que je ne connaissais pas ! Oui … mais je vais tout de suite rompre ce vrai faux suspens… Dedicated To Uri Klangers n’est pas un nouvel album studio des Anglais, c’est juste une compilation. Une compilation ? Tous les titres des splits et singles publiés par Hey Colossus depuis les débuts du groupe ? Non plus. Que dalle. Dedicated To Uri Klangers est un… un simple best of. Chaque album que Hey Colossus a enregistré entre 2003 et 2013 y est représenté et il n’y a sur ce double album aucun (AUCUN) inédit. La seule rareté est ici constituée par le très long Witchfinder General Hospital, titre psychopathe figurant sur un 12'' du même nom, publié en 2012 et limité à 100 exemplaires numérotés – si tu ne possèdes pas ce joyau de Hey Colossus c’est que tu as raté ta vie de fan du groupe. Exit donc les nombreux inédits que les Anglais ont essaimé sur les huit 7'' ou 12'' (oui j’ai compté) que le groupe a publiés pendant ses dix premières années d’existence. D’ailleurs cette compilation n’est que la réédition en vinyle d’une cassette alors éditée spécialement et vendue exclusivement lors du concert que les Hey Colossus avaient donné pour célébrer leur dixième anniversaire. Là aussi il s’agit d’une rareté : 50 exemplaires.

Quel est donc l’intérêt de Dedicated To Uri Klangers ? A première vue, il n’y en a absolument aucun (AUCUN). Si ce n’est, pour le collectionneur de disques monomaniaque, celui de posséder un fort bel objet doté d’un artwork classe et soigné, de multiples photos et d’un texte écrit en tellement tout petit que j’ai aussitôt décidé de le lire un autre jour, peut-être même jamais. Alors… aucun intérêt… vraiment ? Hey Colossus est le groupe anglais qui à mes yeux reste le plus important de ces quinze dernières années et cette compilation remet tout simplement les pendules à l’heure. Le groupe ne s’est pas contenté de placer bêtement ses compositions par ordre chronologique mais a savamment ajusté tout son merdier – c’est eux-mêmes qui parlent de merdier – en un ensemble palpitant et très instructif. Quelle bonne idée d’avoir placé en première ligne War Crows, brûlot incendiaire tiré du merveilleux album Happy Birthday ; quelle idée encore meilleure de lui avoir directement accolé How To Tell Time With Jesus du controversé mais pourtant génial et psychédéliquement difforme Cuckoo Live Life Like Cuckoo. Car tout le cheminement ou presque de Hey Colossus est résumé par l’écart entre ces deux compositions : la terreur des débuts très noise rock, très chaotiques et très gras des quatre premiers albums (de Hey Colossus Hates You jusqu’à Happy Birthday), le glissement vers l’expérimental et le psychédélisme sans pour autant abandonner lourdeur et puissance (les albums Eurogrumble vol 1, Dominant Male et RRR) et l’apothéose psyché-transe-noise de Cuckoo Live Life Like Cuckoo. Tout ça me donne vraiment envie de chialer. De bonheur.

Alors ne boudons pas notre plaisir. Dedicated To Uri Klangers est assurément le meilleur moyen de (re)découvrir Hey Colossus et de se (re)plonger dans une discographie bouillonnante, chaotique, singulière mais exemplaire dans sa progression. Bien sûr je pourrais chipoter un petit peu : pourquoi avoir choisi tel titre plutôt que tel autre ? Tout ça n’est finalement pas si important. Le plus important reste ce bloc d’électricité condensée et ce délire ultrasonique sans équivalent que je me prends en travers de la tête à chaque écoute de Dedicated To Uri Klangers et les frissons de plaisir qui parcourent ma pauvre petite colonne vertébrale par la même occasion. Et pourtant… pourtant nous sommes déjà en 2017. Je rappelle qu’en 2015 Hey Colossus avait publié pas moins de deux albums qui ne sont donc pas représentés sur Dedicated To Uri Klangers, deux albums encore plus différents que tous leurs prédécesseurs réunis, deux enregistrements témoignant d’une évolution toujours plus poussée : l’insurpassable In Black And Gold, un disque qui figure à jamais dans mon Top 10 (c’est mon côté golgoth qui parle) ; le plus post punk, plus shoegaze et parfois presque pop (ahem) Radio Static High qui lui s’est extraordinairement bonifié avec le temps. Mais nous sommes en 2017, donc. Et Hey Colossus se la coule douce depuis beaucoup trop longtemps maintenant. Un silence auquel les Anglais mettront enfin un terme le 2 juin prochain avec la parution d’un nouvel album intitulé The Guillotine. Autant dire que je piaffe d’impatience.

Hazam (11/05/2017)