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Heliogabale
Ecce Homo – CD
Les Disques Du Hangar 221/Atypeek Music 2017

Je n’attends plus rien d’Heliogabale. J’écoute ce groupe depuis plus de vingt ans maintenant, j’ai tous les disques (même les 45 tours) et je les aime tous (y compris Mobile Home et Blood) mais sûrement pour des raisons très différentes. J’ai eu la chance aussi de voir Heliogabale plusieurs fois en concert (et à diverses périodes), bref je suis une sorte de grand nigaud admirateur inconditionnel et de fanatique imbécile du groupe. Autant dire que j’ai changé, évolué, muri puis vieilli en écoutant Heliogabale. Un groupe qui m’a plus que souvent accompagné dans la vie. Mais je n’attends plus rien d’Heliogabale, jaloux de mon amour de sectateur, de cette histoire qui finalement ne concerne que moi, un amour à sens unique, évidemment. Je n’attends plus rien d’Heliogabale, comme un idiot recroquevillé sur lui-même et qui vit complètement dans ses rêves grâce au pouvoir d’une musique qui semble capable de fournir toutes les formes connues ou supposées de procurations et de décales. Je n’attends plus rien d’Heliogabale, non, peut-être parce que je crois que le groupe a déjà tout donné. Alors qu’en fait il est très loin d’en avoir terminé.

Ecce Homo. Derrière ce titre quelque peu biblique mais surtout extrêmement Nietzschéen se cache un disque de rage, de colère, de passion et d’Amour. Un disque tendu, périlleux, écorché, sauvage, fiévreux, ivre de vie, impudique, généreux, torrentiel, bruyant, absolu, ruisselant de mille et une déflagrations. Des coups et encore des coups, toujours, assenés avec une dure justesse et une franchise impitoyable qui révèlent les grands groupes indociles, les plus belles musiques de révolte, de celles qui touchent toujours plus intensément. Du magnifique, fantomatique et très Bashung-ien Toboggan – au début je croyais que cette chanson s’appelait Météorites… ne me demandez pas pourquoi, j’en sais trop rien non plus – au très Sonic Youth Dizzy (et seul titre entièrement en anglais, tous les autres sont chantés quasiment intégralement en français), Ecce Homo déverse des flots acharnés de passions. Des passions criées ou chuchotées, exaltées ou fragiles, à peine rentrées ou carrément violentes, fantasmées ou réelles. Et Heliogabale va de l’avant, princier, semblant imperturbable face à toute difficulté, combattant le doute et surtout faisant – provisoirement j’en suis sûr – le tour de la question avec une force et un éclat qui m’émerveillent autant qu’ils me donnent le tournis, me mettent les nerfs à vif.

Mais quelle est la question ? Celle d’être un groupe de quatre personnes et de s’appeler Heliogabale. Un groupe qui a toujours fait que ce qu’il voulait, chacun de ses albums ayant été une nouvelle étape ou plutôt un nouveau stade. Et Ecce Homo ne déroge pas à cette ligne de conduite chaotique avec sa musique tenant du noise rock des plus raffinés et des plus intelligents, une musique saupoudrée de blues déchirant et viscéral (comme ce Bourrasques qui possède tout de même de forts relents d’Oxbow et confirme les liens de parenté entre les deux groupes). Sans parler des textes, rageurs et poétiques, débordant de mots d’Amour aussi, et qu’il faut absolument lire, une fois que l’on aura trop bien cru les comprendre rien qu’en écoutant le disque et surtout en écoutant ce chant aussi habité que furieux et sans aucun complexe, jamais (les textes ne figurent pas dans le CD mais ils sont disponibles sur la page bandcamp du groupe). Il y a des mots que je déteste. Je déteste les employer, surtout au sujet de musique. Mais je n’en vois pas d’autres que celui de noblesse affirmée, de grandeur sublimée et d’état de grâce pour parler d’Heliogabale, un groupe qui en 2017 est toujours capable du meilleur, est encore capable de me surprendre au plus profond, de me faire frissonner, de m’émouvoir. Un groupe qui me donne envie de chialer, à la fois perdu et sauvé au milieu de tout ce déchainement passionnel. Poursuivons le chemin.

Hazam (23/10/2017)