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Cantenac Dagar
Stilletonne – LP
S.K. records/Isola records 2017

Je n’en ai pas parlé lors de la récente chronique de Lost A Home de Sathönay mais le label S.K. fête cette année son vingtième anniversaire. A peu près. Ils n’en sont pas vraiment très sûr non plus chez S.K., tout ça c’est à la louche mais dans mon souvenir la vérité n’est pas très loin : je me rappelle encore vaguement des stands tenus par le label à l’entrée de cette salle de concerts lyonnaise depuis longtemps disparue et où on pouvait trouver les premières productions estampillées S.K., des compilations K7 et des fanzines pour de vrai, en papier et tout (fin de la parenthèse sur la nostalgie de la préhistoire). Tout ça pour dire que S.K. records a bien l’intention de clamer que vingt ans c’est l’un des plus beaux âges de la vie – ex-æquo avec tous les autres, oui aujourd’hui je suis dans une phase optimiste – en multipliant les sorties de disques et les concerts.

Il ne m’en fallait pas plus pour vouloir évoquer Cantenac Dagar et l’album Stilletonne. Et pour mieux en parler, autant décrire directement le duo en concert : un gugusse au banjo détraqué et un deuxième gugusse qui fait de la human beat box et manipule un lecteur cassette antédiluvien. Le dispositif est simplissime et brut, voire brutal. Cantenac Dagar en live c’est une sorte de transe organique et répétitive, avec des montées non feintes, des textures aux allures inconnues (c’est donc encore possible), des hésitations qui deviennent des évidences, des turbulences qui s’affranchissent, des fulgurances qui s’éternisent avec bonheur, des bourrasques humaines à l’usage de l’humain. Les expériences en concert – je veux parler de ces moments fugitifs auxquels on goûte tout en sachant pertinemment qu’ils resteront uniques et ne se répéteront jamais à l’identique – ce n’est pas tous les jours que cela se produit mais Cantenac Dagar, avec des moyens somme toute sommaires et une modestie qui force le respect, est précisément un groupe capable de renouveler ses tentatives de remplir le vide qui nous entoure, en tous les cas jusqu’ici il y est parvenu.

Je vous fais donc l’apologie d’un groupe en concert alors que je suis censé parler de son album. Pour Stilletonne (de mémoire il s’agit du premier vinyle du duo qui jusqu’ici n’avait publié que des CDr) Cantenac Dagar a choisi la seule option à la fois raisonnablement et follement envisageable : balancer un gros pavé en l’air et laisser les conséquences s’inscrire dans l’espace-temps. Stilletonne a été enregistré en prise directe lors d’un concert donné par le groupe à Dunkerque en février 2016 ; l’enregistrement ainsi obtenu n’a subi aucune modification, pas d’overdubs ni de mixage ; tout a été gravé tel quel dans la cire. Stilletonne semble donc au plus près de ce peut être Cantenac Dagar en concert. Le disque permet d’entendre puis d’écouter en totale immersion – non ce n’est pas possible d’essuyer sa vaisselle ou de plier son linge en même temps – ce que j’ai tenté de décrire un peu plus haut, ce sens fragile de l’expérience. Par dessus tout Stilletonne ne propose pas qu’une seule expérience mais plusieurs : en dehors du fait que l’on peut se contenter de la face A ou de la face B ou préférer écouter les deux dans l’ordre que l’on aura choisi (ou pas), le disque ne laisse pas tout à fait la même empreinte à chaque fois. Voire il peut se faire un peu retors même s’il ne s’agit pas d’un disque qui se mérite… non, il s’agit d’un disque à la puissance organique et émotionnelle telle qu’il ne pose qu’une seule condition, celle de l’intimité, et donc celle de l’intime.

Hazam (09/04/2017)