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Sathönay
Lost A Home – LP
S.K. records 2017

Voici enfin ce que l’on pourrait considérer comme le premier véritable album de Sathönay : certes, comme tant d’autres j’ai déjà pu me délecter du prometteur Gaziosmanpasa paru en 2012 mais celui-ci n’est qu’un EP, qui plus est enregistré par une unique personne ; et la première grosse différence apportée par Lost A Home c’est qu’il a été enregistré par un groupe transformé en trio. De Sathönay je connaissais la version en solo (donc) avec le seul Nico Poisson (Ned, Totale Éclipse, etc.) aux manettes, au chant, au saz électrique et accompagné d’une boite à rythmes cheap et bordélique, je connaissais également la version Sathönay Loud Band avec Agathe Max au violon alto et deux des affreux Noyades en guise de section rythmique kraut wizzz babloche, peut-être même qu’en fouillant jusqu’aux tréfonds de ma mémoire défaillante j’arriverais à me rappeler d’un Sathönay en version duo mais, de toute évidence, c’est la version en trio que je préfère et de loin ; c’est lorsque Nico Poisson joue accompagné de Léonore Grollemund (violoncelle) et de François Virot (batterie, oui il s’agit bien du même François Virot) que la musique de Sathönay est la plus émouvante, la plus passionnée, la plus belle et la plus prenante.

Du moins c’était jusqu’ici le cas lors des concerts donnés par le groupe… Et c’est une évidence que Lost A Home fait plus que confirmer. A cela il n’y a pas de secret : Sathönay est initialement le projet d’une personne mais Lost A Home donne à entendre un véritable groupe, une formation soudée avec trois musiciens qui se complètent, se tirent mutuellement et perpétuellement vers le haut. En particulier les interactions entre le saz et le violoncelle sont aussi éclatantes que subtilement contrastées – mention spéciale à Léonore Grollemund, elle joue dans Sex Drugs & Rebetiko mais aussi désormais dans Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp en mode extra-large ainsi que dans plein d’autres trucs dont je n’ai jamais entendu parler – tandis que la batterie de François Virot apporte tout l’assise nécessaire à une musique qui sait se faire aussi dynamique (Manœuvre) que poétique (They Are Sisters) mais qui – et quoi qu’il arrive – reste toujours intense et profonde.

Et d’ailleurs… que dire à proprement parlé de la musique jouée par Sathönay ? Et bien – pour faire court, parce que je n’y connais absolument rien – celle-ci tire une très grande partie de ses racines du côté de la Grèce et de la Turquie en passant par la Roumanie et, bien sûr les Balkans. Les sonorités si particulières du saz y sont bien sûr pour beaucoup mais, encore une fois, le violoncelle ne cesse d’en rajouter une couche et bien souvent je me suis demandé si je n’étais pas en train d’écouter un titre traditionnel ou une reprise réarrangée – ce qui n’est finalement le cas que du très beau Styn Ipoga. En fait… Sathönay me semble avoir le même genre de démarche qu’un Kletka Red, ce groupe éphémère que Leonid Sobeylman de Ne Zhdali avait monté en compagnie d’Andy Moor, Joe Williamson et Tony Buck et qui revisitait tout en se les réappropriant musiques de l’Est ashkénazes et, là aussi, balkaniques. Sathönay est pour sa part beaucoup plus oriental, sa musique n’a pas la même couleur, les mêmes timbres, les mêmes résonnances ni la même chaleur mais elle réchauffe de la même façon, en parlant avec son cœur. Et en étourdissant le notre.

Hazam (04/04/2017)