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Whore Paint
Ultra Sound – CD
Transition Loss 2015

En tout bon intégriste qui se respecte, j'attendais benoîtement la version vinyle promise par le label pour fin 2015. Ne voyant plus rien s'annoncer sur les écrans radars, c'est la mort dans l'âme qu'il a fallu se rabattre sur le CD. Déjà un an d'ultrason dans les gencives. De quoi nettoyer en profondeur les plaies laissées par Swallow My Bones. Et de remettre une couche pour s'enfoncer encore plus profondément dans la douleur.
Ultra Sound perce les résistances et fait aboyer la caravane des suiveurs. Parce que Whore Paint, ce n'est pas le groupe rencontré à chaque coin de rue. Trois gonzesses qui maltraitent le rock de façon unique. Elles tordent le bruit, dissèquent les structures, les agencent dans une forme abstraite et inconnue sans négliger les points de vie, se contractent pour infléchir et s'offrent pour ne pas rater l'étreinte de la masse visible et laborieuse. Le baiser de la mort. L'angoisse existe mais ce n'est pas une ombre assujettissante.
Rebecca Mitchell (Reba pour les intimes) souffle sur les braises, désarçonne de son chant de punkette lyrique, l'opéra qui débarque dans la rue. Elle prend et on se prend à elle. Elle respecte l'allongement, les courbes et les raidissements. Elle est le point de discorde et celle qui emmène Whore Paint dans une autre stratosphère. L'avant-garde du punk, le noiseux débouté et toute la force et la conviction de Meredith Stern à la batterie et d'Hilary Jones à la guitare pour tout rafler. Sans forcer alors que les huit minutes de This Quiet ne s'annonçaient pas de tout repos sauf que le voyage est étonnement limpide, progressif. Et beau. Ou en courant, en taquinant les chevilles, en cassant les tibias, en mettant des coups de pieds au cul à trop d'évidences que Whore Paint balaie toujours d'un revers de la main pour mieux rebondir sur un éclat inattendu.
A l'instar de l'album précédent, Ultra Sound ne laisse pas entendre sa différence facilement. Ça se mérite, les germes mélodiques se font encore plus rares. Tout est question de transe singulière (le titre de sortie Held est un drôle de calme cauchemar éveillé que n'aurait pas renié les Pain Teens), de dépouillement âpre et de brisures intransigeantes, d'un goût de fer dans la bouche avec cette sonorité de guitare sans pitié, d'un rythme martial ou tribal finissant par marcher de travers, révélant ainsi autant de poison que de fragilité. Un univers de l'entre-deux dans lequel évolue à merveille les trois Whore Paint pour se créer leur propre monde parallèle. Elles n'ont laissé la porte qu'entrouverte. N'ayez pas peur d'être curieux et pousser la en grand.

SKX (29/11/2016)