sinistertorch

Steel Pole Bath Tub
Tulip – LP
Sinister Torch 2015


Qu'est-ce qui se disait déjà pour Craw ? Comment se procurer les disques d'un groupe dont on a déjà tout ? Ce qu'il y a de bien avec la connerie, c'est qu'elle s'attache à vous. C'est donc reparti pour un tour sur le grand huit de la fanitude, ce mot extrêmement moche pour te dire que tu t'es encore fait avoir comme un bleu. Mais là encore, c'est pour la bonne cause. Tulip, c'est le deuxième album du trio de San Francisco (trois si on compte le mini-album Lurch) paru à l'origine sur Boner/Tupelo records. En cette année 1990, c'était l'ouverture en forme de feu d'artifice d'une nonante décennie royale, le symbole d'un noise-rock en pleine effervescence avec un album figurant dans le très haut du panier, le genre d'incontournable qu'il faut avoir écouté au moins une fois dans sa misérable vie de cafard.

Une réédition vingt-cinq ans plus tard avec un artwork différent (la pochette originale reprenait à l'identique la couverture du roman Bodies in Bedlam de Richard S. Prather en 1951, sorti en France sous le nom de On ne pardonne plus dans la collection Série noire), un livret de huit pages avec différents témoignages de personnes ayant bien connu le groupe et l'inévitable remastérisation. Bob Weston et Noah Landis (celui qui tient les keyboards chez Neurosis) ont récupéré les bandes originales et ont retapé le tout. De là à vous dire que la différence saute aux oreilles comme la petite vérole sur un cureton, il y a un doigt que je ne mettrais pas. Toujours la sempiternelle même histoire. Cette nouvelle version ne révolutionne pas la précédente qui était déjà pas loin d'être parfaite. Rien d'absolument prépondérant. Cependant, dans le son historiquement unique et perclus de samples de SPBT, on peut prêter à ce coup de vernis de rendre les très nombreux samples légèrement plus audibles si on y prête vraiment l'oreille (comme une écoute au casque par exemple), tout comme une meilleure balance entre guitare et basse, un son plus pêchu et surtout, c'est un excellent prétexte pour s'enfiler encore une fois cet album pyramidal.

Un album dont les effets euphorisants, tout comme l'histoire du groupe, vous ont déjà été narrés sur cette page. Il est même possible de télécharger la version 90. C'est cadeau. Mais le plus beau cadeau, c'est bien sur ce magnifique bouquet de morceaux de Tulip avec Soul Cannon, morceau le plus parfait pour introduire un album et tout ce qui bouge autour. Ne suivent que des bombes incendiaires dans des approches, des ambiances aussi intenses que variées. Le batteur (Darren Mor-X) n'avait rien à envier à la puissance et rapidité de son collègue d'Hammerhead. Le mélange des voix généralement dans des tonalités hautes rajoute à la folie ambiante, que ce soit avec celle du guitariste Mike Morasky et celle encore plus perchée du bassiste Dale Flattum qui semblait avoir un sourire sans cesse coller sur la tronche. Et la guitare, alternant entre riffs inoubliables et soli frelatés qui ne faisait qu'un avec les samples en pagaille étaient la marque de fabrique du groupe. Samples qui se glissaient entre, au-dessus, derrière, dedans chaque interstice pour une explosion psychédéliquement noise continuelle. Tout ça au service de compositions dont les années n'ont pas de prises sur elles. Avec en tête de liste l'indémodable The Scarlet, le jubilatoire Quarck qui fonce dans le tas, le meilleur solo de guitare du monde sur le court One Thick Second, les rythmes tribaux chevauchant des torrents d'échardes vénéneuses, l'harmonica de Noah Landis sur Wonders Of Dust qui se faisait appeler Noah Pinion en 90 (avouez que ça avait plus de gueule), le saxophone de Paul Reller sur le surprenant et décalé instrumental Myrna Loy et la paire Misty Mountain Blowtorch et Pause, ultimes preuves fulgurantes du talent de compositeurs hors-pair de ces fous furieux.

Que ce soit la version 1990 ou la version 2015, vous savez ce qu'il vous reste à faire. Vous procurez au plus vite Tulip. Et pour ceux qui avaient déjà ce disque, remettez fissa une couche, Tulip est inestimable et ne s'est toujours pas fané.

SKX (13/02/2016)