northernspy

craw
1993-1997 – 6xLPs
Northern Spy 2015

J'ai craqué. Ou comment se procurer les disques d'un groupe dont on a déjà tout. Craw a encore frappé. Impossible de lutter. Northern Spy records, sous l'initiative de Hank Shteamer, a réédité en vinyle (mais aussi en CDs) les trois premiers albums de Craw, groupe fondamental. Deux albums n'existaient que dans la version CD : le premier self-titled en 1993 et le troisième Map, Monitor, Surge en 1997 alors que le second Lost Nation Road en 1994 avait eu le droit à sa sortie vinyle. Pas de titres bonus, pas d'inédits, pas de live, pas de remixes, rien, nada, tout juste une remastérisation qui ne bouleversera pas l'écoute par rapport aux originaux. Quand l'enregistrement à la base est bon et qu'on a derrière les manettes un type qui connaît son boulot pour mettre en boite des groupes noise-rock, le son passe allègrement les années, la remastérisation rimant alors souvent avec esbroufe. Louons donc le travail du sieur Albini (avec l'aide de Bill Korecky pour le troisième album). Cette réédition ne sert donc à rien pour les personnes connaissant déjà par cœur leur œuvre. Sauf les soulager de quelques biffetons. Mais voilà, c'est Craw, un des meilleurs groupes de tous les temps et ce n'était pas pensable de passer à coté de ce magnifique mausolée sans allumer un cierge.

Très beau et sobre coffret désigné par Aqualamb (on peut regretter que les artworks originaux n'aient pas été repris car les pochettes de Derek Hess notamment avaient de la gueule). Six disques (deux par album car chaque album de Craw est un péplum) et un livre de 200 pages qui lui, par contre, contentera tous les fans car une multitude de détails sur Craw sont narrés. Chaque protagoniste du groupe de Cleveland a été interviewé entre 2010 et 2015 formant ainsi une histoire orale et croisée de la genèse du groupe jusqu’à la fin, de la rencontre initiale de chacun des membres à la prise de tête finale en passant par le pourquoi des changements de personnel. La conception de chaque album, les influences de Craw, les tournées, leur façon de composer, plein de photos inédites, les paroles de chaque morceau pour un karaoké de l'impossible, la reproduction de flyers ou d'affiches de concerts (vous pouvez baver sur celles de la page 81 avec Tar, Unsane et Craw le même soir ou encore mieux, Craw et Dazzling Killmen un certain mercredi 28 juillet 1993), sans oublier une tournée dantesque avec Glazed Baby ou Season To Risk, rien ne vous sera épargné. Même la discographie complète et détaillée avec tout l'historique des concerts est relaté en toute fin de cet épais bottin à la gloire de Craw.

Par contre, ne comptez pas sur moi pour vous décrire en détail la musique de Craw sur chacun de ces trois albums totalement indispensables. Si vous avez déjà parcouru cette page, Craw n'avait déjà plus de secret pour vous (cherchez bien). Même les titres ne figurant pas sur un de ces trois albums ont eu le droit de citer. De toute façon, il n'y a pas de questions à se poser. Il faut foncer et tout écouter. Je pourrais aussi laisser la parole à quelques intervenants qui ont dressé des louanges à Craw dans le livre comme Aaron Turner (le boss d'Hydrahead et d'Isis), Derek Hess, Darin Gray (guitariste de Dazzling Killmen) ou bien sûr Steve Albini qui ne dit pas toujours que des conneries : what Craw will use as a moment in one song, another band might use as a theme for a whole album. Car parler de Craw, c'est effectivement se confronter à un labyrinthe dont on ne peut se dépêtrer. C'est une masse d'informations incroyables dont chaque écoute regorge de découvertes, même plus de vingt ans après. C'est un problème insoluble, un mystère de la nature né de la rencontre d'éléments qui n'étaient pas fait pour se trouver, une expérience très personnelle et unique en son genre. A chacun son Craw.

On notera juste que le premier batteur était une batteuse (Lori Davis). Que le nom de Craw au tout début était Corpse Retrieval Appliance Warehouse qui est devenu C.R.A.W. puis craw (avec normalement toujours un c minuscule). Que la batterie de Neil Chastain était monstrueuse. Le guitariste David McClelland était quant à lui totalement obsédé par Sonic Youth ou Robert Fripp (King Crimson) pendant que l'autre gratteux, Rockie Brockway, était le métalleux de service qui pouvait vous rejouer tous les albums d'Iron Maiden, Led Zeppelin ou Black Sabbath et Chris Apanius (bassiste sur le 1er album) était aussi fan de Cure que de Slayer. Par contre, l'unanimité au sein de Craw a été faite lors de la découverte de Jesus Lizard et des Melvins. Quant au chanteur Joe McTighe, c'était le lettré du groupe, le prêcheur fou qui hululait ses bizarres paroles au-dessus d'un volcan sans cesse en ébullition. On apprend également que le groupe répétait et bossait comme des dingues, plusieurs heures par jour, quasi sept jour sur sept avant le premier album pour mettre en place leurs morceaux épiques et que chaque membre composait, batteur et bassiste compris. Bref, tout un tas d'informations aidant à appréhender un peu mieux l'univers dantesque de Craw. Voilà, je crois que désormais, le tour de la question a été fait avec Craw. Maintenant, si vous ne connaissez toujours pas Craw ou que vous ne voulez pas écoutez Craw, je ne peux plus rien faire pour vous. Et c'est plus la peine de revenir sur ce site.

SKX (01/02/2016)