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Sightings
Stavanger 30.4.2013 – cassette
Drid Machine 2015

Le patron a déjà pleuré tout le ce qu’il pouvait sur la fin de Sightings : le trio new-yorkais s’en est allé après quinze années de bons et loyaux services et deux derniers albums studio de haute volée, Terribly Well en 2013 puis Amusers And Puzzlers en 2015. Pour se consoler (un peu) et faire regretter à toutes celles et tous ceux qui n’ont pas eu la chance de voir un jour Sightings en concert, jetons une oreille sur cette cassette publié par Drid Machine records, le propre label de Kjetil D. Brandsdal, également connu pour être le bassiste des terribles Noxagt. Comme son nom l’indique, Stavanger 30.4.2013 est un enregistrement live mis en boite dans cette charmante petite ville portuaire du sud ouest de la Norvège dont sont précisément originaires Noxagt, Ultralyd, Staer ou Golden Oriole. Que du beau linge représentant, on l’imagine, au moins la moitié du public ayant assisté ce jour là à ce concert de Sightings. On devine aisément entre les titres de maigres applaudissements qui laissent augurer d’une faible audience – c’est que Sightings, non content de ne pas rameuter les foules en live, faisait également fuir les moins courageux. Souvenirs, souvenirs.

Le concert commence par cette injonction de Mark Morgan (guitare et voix) invitant le public à se rapprocher un peu. Sightings joue fort et joue surtout une musique torturée à l’extrême et il est tout naturel d’être un petit peu méfiant. Surtout que les deux tiers des titres enregistrés ce soir là sont tirés de l’incroyable Terribly Well, album qui à l’époque vient tout juste de paraitre – au moins un autre est issu du futur Amusers And Puzzlers. L’ambiance est posée. La guitare ressemble plus que jamais à une scie circulaire découpant des plaques de tôle ondulée rouillées, la basse est jouée comme un marteau-piqueur et la batterie (et les machines) semble avoir autre chose à faire que de donner le bon rythme et surtout de ressembler à une vraie batterie. Certaines musiques (disons) magmatiques ont cet aspect gluant et malsain d’un effroi irrépressible mais celle de Sightings va encore plus loin, bande sonore d’un cauchemar qui semble ne jamais vouloir en finir. Tout ce bouscule, et il semble difficile de se repérer à quoi que ce soit, Sightings ayant toujours eu cette capacité – ce talent – à faire sonner ses instruments différemment de tout ce que l’on peut entendre d’habitude. Une démarche proche de celle d’un Einsturzende Neubauten des débuts, par exemple.

Pourtant, au delà du cauchemar et du massacre, Stavanger 30.4.2013 dévoile également une certaine efficacité. L’étouffement claustrophobe, la mutilation sonique, le démembrement de cette musique ne sont jamais aussi évidents que lorsque les trois musiciens de Sightings savent ce qu’ils font, savent où ils vont et jouent avec une certaine perversité avec nos nerfs en boule. C’est précisément le cas ici, et on l’on se rend compte que le chaos bruitiste de la musique de Sightings est finalement d’une cohérence terrifiante. La prise de son est en outre d’une qualité appréciable – parfois un peu plate mais rien de bien gênant non plus –, ce qui permet de gouter pleinement à ce qu’il convient d’appeler une destruction programmée de toute forme de bienveillance et d’espoir. Sightings demeurera à jamais un groupe beaucoup trop méconnu et cependant d’une importance capitale.

Hazam (06/03/2016)