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Papier Tigre
The Screw – LP
Murailles Music/Function records 2016

Savez-vous ce qu’est un freak amateur de musique et un peu – franchement – crétin sur les bords ? C’est un type qui un beau jour d’avril voit Papier Tigre en concert tout près de chez lui, se prend pour l’occasion une jolie petite déculottée mais se rend compte à la fin du set que le groupe n’a pas encore reçu la version vinyle de son nouvel album et ne propose donc que la version CD sur sa table de merchandising ; qu’à cela ne tienne : notre crétin obnubilé achète malgré tout The Screw en CD et, quelques semaines plus tard, alors qu’il traine dans un magasin de disques comme presque tous les samedis après-midi, tombe sur le LP et décide immédiatement d’acheter The Screw une seconde fois ; évidemment, toute ressemblance avec un chroniqueur officiant de temps à autre dans les colonnes de Perte & Fracas n’est absolument pas fortuite.

The Screw, donc, quatrième album des immenses Papier Tigre. Je ne me perdrai pas en conjonctures sur la signification profonde de ce titre – bien que Michael Gira que j’ai encore eu la semaine dernière au téléphone m’ait à nouveau martelé que « screw » désigne en argot un accouplement sexuel aussi brutal que sauvage, sacré Michael – tout comme je ne tenterai pas de déchiffrer cette pochette très arty et que j’aime beaucoup. Allons directement à l’essentiel c’est-à-dire aux neufs compositions d’un album une fois de plus réussi. Papier Tigre, tout le monde croit connaitre la musique du groupe, entre constructions noisy et acrobaties mathématiques, mélodies catchy et breaks aussi surprenants qu’inattendus, sans compter les fins en trompe l’œil (The Other Me). Et c’est vrai : The Screw présente à nouveau ce visage aussi familier que passionnant. Papier Tigre c’est un peu comme un ami véritable et au dévouement indéfectible, le groupe reste ce qu’il est mais ne déçoit pas et même fait bien plus que rassurer ; il nous conforte toujours dans l’idée que l’on a eu raison de tomber amoureux de ces trois garçons en short. Et que c’est bien parti pour durer encore.

Il y a bien ça et là quelques petites coquetteries et enluminures comme ce synthétiseur discret qui rehausse Mood Trials ou Each And Everyday mais pour l’essentiel Papier Tigre n’en démord pas, The Screw s’inscrit dans la continuité de ses trois prédécesseurs et enfonce le clou (la vis) un peu plus loin, pour notre plus grand bonheur. Mais on reconnait également un grand groupe lorsque qu’il sait comment et surtout arrive à se surpasser. La face B du disque s’ouvre sur A Matter Of Minutes, une composition à la structure aussi improbable que sa longueur qui elle dépasse les standards habituels de composition de Papier Tigre : neuf minutes et quelques de fureur acharnée flirtant avec le bruit mais délivrant également une tension violemment palpable. Les quelques mots murmurés vers la fin par Eric Pasquereau sont aussi sibyllins qu’inquiétants, avec cette pointe d’obscurité assumée et terrible qui ne donne pas du tout envie de plaisanter. Non, Papier Tigre n’a jamais été un groupe foncièrement rigolo mais il n’était encore jamais arrivé à exprimer le malaise voire la noirceur d’une manière aussi forte et radicale, passionnée. I’m Going To Make You Beg. Pour l’instant c’est moi qui suis à genoux.

Hazam (09/10/2016)