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Broughton's
Rules
Anechoic Horizon - LP
Relapse 2014
Je suis totalement
passé à coté de ce groupe. Honte sur moi. Parce que
dans Broughton's Rules, on retrouve l'intégralité des membres
de Blunderbuss
dont je vous narrais encore quatre jours plus tôt comment ces types
étaient des demi-dieux. Et je viens à l'instant d'apprendre
qu'ils ont formé un autre groupe, que deux albums sont déjà
publiés et on ne me dit rien. Ce monde part vraiment en couille.
Sur le premier album en 2010, Bounty Hunter 1853, on retrouve les
deux Blunderbuss Ben Matthews (guitare) et Jim Nemeth (basse) alors que
sur le deuxième Anechoic Horizon, si Matthews est toujours là,
c'est Bill Baxter, l'ex-batteur de Blunderbuss qui débarque pour
remplacer Dennis Kern, un ex-Creta Bourzia. Mais ce n'est pas le seul
beau linge chez Broughton's Rules. Le guitariste Jeff Ellsworth, ex-Shale,
Creta Bourzia aussi et Don Caballero (mais uniquement sur World
Class Listening Problem) et Gene Doyle, ex-Creta Bourzia toujours,
présent sur les deux derniers albums de Don Caballero et bassiste
chez Broughton's Rules à la place de Nemeth, figurent au générique.
En plus, c'est pas comme si c'était sorti sur un obscur label à
84 exemplaires mais sur Relapse records. Remarquez, ceci explique peut-être
cela. N'étant pas très client de ce gros label très
connoté metal, je suis loin de me jeter sur chaque nouvelle sortie
de leur catalogue.
Alors, Broughton's Rules, gros metal extrême ? Nan, pire. Ils font
du post-rock. Mais du post-rock façon L'Effondras.
C'est à dire que cela en a la couleur et l'odeur, ça met
des paysages sur la pochette, donne dans l'instrumental à rallonge
qui fait peur, raconte des histoires d'atmosphères à faire
plonger dans la torpeur alors que c'est tout le contraire. Anechoic
Horizon est une formidable démonstration de maîtrise
climatique et de tectonique des plaques. Ce n'est ni noir ni blanc mais
gris, naviguant entre les différentes humeurs sans jamais trancher
dans le vif, alternant le chaud et le froid sans tomber dans les extrêmes.
Les structures des morceaux sont mouvantes, fluides, excellant dans la
finesse tout en gardant une nervosité constante, dessinant de sublimes
courbes et marquant les reliefs par des angles acérés. Bref,
un post-rock qui ne se regarde par le nombril et s'amuse avec les clichés,
piochant dans les racines musicales (math-rock et noise-rock) de chaque
membre de quoi contourner les codes, les stimuler et offrir de nouveaux
paysages somptueux.
Et comme L'Effondras, on retrouve ces traces d'un blues revisité,
ce goût pour les cavalcades poignantes, cette profondeur hypnotisante
et ces accords sombres et dramatiquement beaux. Ben Matthews et Jeff Ellsworth
sont deux forts en doigts, sculptant des parties de guitares inventives
et prenantes, emberlificotant tout le monde dans un grand exercice de
prestidigitation durant lequel il font passer la complexité pour
de l'eau coulant de source. Avec au passage, un très bel interlude
d'acoustique hispanisante sur l'élégant New Weather.
Le seul regret, c'est qu'il manque sur la version vinyle un titre, celui
qui a donné son titre à l'album. Douze minutes uniquement
présentes sur le CD et qui vous donnerait presque envie d'opter
pour ce format d'un autre âge pour une composition très post-rock
dans sa structure avec montées et descentes, furie et accalmie
mais même dans ce cas là, Broughton's Rules vole au-dessus
de la mêlée laborieuse. Les vétérans ont encore
de la ressource et elle est énorme. Promis, juré, craché,
je surveille la suite intensément.
SKX (06/01/2016)
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