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L'Effondras
L'Effondras - CD
Dur et Doux 2014

Tout d'abord, éclaircissons un point biographique. Le vrai nom du groupe, c'est . Oui ce symbole, un cercle avec un point au milieu. Avouez que c'est pas pratique. Bonjour, nous sommes un cercle avec un point au milieu. Alors en consultation avec les plus grandes arcanes de la Communication, tout le monde les appelle L'Effondras. Qui est en fait le nom de leur premier album. Espérons qu'ils ne changeront plus de nom d'album, sinon ça va être le bordel.
Bref, après ce suicide commercial, passons au point musical qui lui non plus n'était pas gagné d'avance. Sept morceaux, soixante-quinze minutes, tout instrumental, avec que des titres allant de neuf à dix-sept minutes sauf le court morceau introductif. Ça ressemblerait à du bon vieux post-rock des familles s'étirant dans les limbes de la platitude que ça n'étonnerait personne. Profond bâillement.
Que L'Effondras va rapidement se charger de refermer. Enfin, rapidement, non. Il faut le temps pour digérer un tel disque, pour en faire le tour, en saisir tous les recoins et surtout, se laisser envahir par cette puissante charge émotionnelle qui vous agrippe et ne vous lâche plus, qui se vit plus qu'elle ne se comprend. Post-rock, mon cul. Cette musique, ce sont toutes les musiques. Une musique qui devrait si tout se passe bien plaire à l'infini, à la manière d'un Slint qui court-circuitait les courants musicaux et fédérait les tendances car cette musique plane au-dessus des étiquettes, florilège de sentiments contradictoires et tumultueux, s'impose d'elle-même de par sa saisissante simplicité, sa force et sa beauté sans fard parlant au plus grand nombre.
L'Effondras, un trio originaire de la région de la Bresse. C'est comme dans un désert mais sans les dunes. Une batterie et deux guitares s'inspirant de son environnement, les grandes étendues et la solitude de l'homme moderne mais qui heureusement ne se sont pas arrêtées à ces clichés avec son corollaire – le syndrome de la musique cinématographique – pour transcender, voir exploser tout ça dans les grandes largeurs. Les morceaux sont très longs mais ça ne traîne jamais en longueur, propulsés qu'ils sont par une dynamique constante, nerveusement animés par un rythme souvent tribal comme sur Amrha. L'Effondras ne perd pas de temps à planter le décor et d'une musique basée sur la répétition, ils font monter la sauce, insufflent l'intensité par strates sans spécialement chercher à redescendre de leur nuage électrique, l'extase en plein vol. Pas de contrastes accalmies/explosions, pas de choses aussi bêtement classiques que ça mais une perpétuelle mise sous tension, même dans les moments plus calmes et intimes, tout se mélange, se magnétise, tisse des liens invisibles comme sur L'Âne Rouge et finir par envoûter.
Les deux guitares dessinent des arabesques chamaniques, un blues d'abandon rappelant parfois les ambiances rencontrées chez One Lick Less, slide de sortie glissant sur des mélodies hantées et lumineuses (les deux morceaux qui font corps, Caput Corvi I et II, magnifiques) ou notes alertes de piano par un invité de luxe, Niko Wenner, guitariste habituellement d'Oxbow, sur La Fille aux Yeux Orange. Sur le dernier titre L'Aure Des Comètes, L'Effondras nous fait le coup du morceau caché intervenant après quatre minutes de silence total et qui commence comme s'il nous faisait croire à du remplissage. Mais après plusieurs minutes d'un rythme ennuyeux à la sonorité étrange, le morceau se met en place peu à peu et on s'en prend encore pour plusieurs minutes de virulence majestueuse. En fait, on en viendrait à souhaiter que ça ne s'arrête jamais.
Un cercle, un point au milieu. A défaut de dire son nom, retenez bien ce signe car il n'a pas fini de vous obséder. Grandiose.

SKX (14/02/2015)