wand
dragcity




Wand
1000 Days – LP
Drag City 2015

Golem, deuxième album de Wand précédemment évoqué par ici, a été publié très exactement le 17 mars 2015. Vous n’imaginez même pas ma surprise (non feinte, pour une fois) et ma petite gueule de canard déconfit lorsque j’ai appris que le groupe de Cory Hanson avait prévu de publier son troisième LP le 15 septembre, sur Drag City cette fois, soit six mois presque jour pour jour après son prédécesseur. Quoi ? Wand serait donc également atteint de cette maladie typiquement californienne consistant à chier un nouvel enregistrement à chaque changement de saison ? J’avoue que j’ai eu bien peur et, surtout, en bon enculeur de mouches, je me suis longtemps demandé, avant de pouvoir écouter ce nouvel album, quelle allait bien pouvoir être sa teneur exacte : un retour honteux au fadasse et très scolaire Ganglion Reef ? Une accentuation de la lourdeur faussement angélique parfumant si parfaitement les compositions parfois telluriques de Golem ? Je vous le donne en mille, ce fut ni l’un ni l’autre.

Parlons plutôt un peu du chanteur Cory Hanson. Les fins connaisseurs ont déjà eu vent de son projet solo, un groupe d’electro-bidouille expérimental et plutôt poétique du nom de W-H-I-T-E (aka White Horses In Technicolor Everywhere, avec plusieurs enregistrements à son actif dont deux albums chez Aagoo records). Et c’est peu dire que de prime abord Wand et W-H-I-T-E ne possèdent pas vraiment de points en commun. Chez W-H-I-T-E, Cory Hanson flirte parfois allégrement avec les ambiances technoïdes et surtout avec une mélancolie éthérée mais bien réelle quoique très maniérée, une mélancolie renforcée par un chant très caractéristique, entre complaintes de dauphins chagrinés et odes isolationnistes de sirènes dépressives. Sunna, le tout premier album de W-H-I-T-E, distille des chansons un brin cafardeuses particulièrement réussies, c’est-à-dire qu’elles ont le don et le pouvoir de lutter, précisément, contre le cafard. Une sorte d’expiation. Cory Hanson est-il pour autant un homme providentiel ? Comme je suis du genre garçon fragile, je ne suis pas loin de le penser.

Mais revenons-en à Wand. La première écoute de 1000 Days n’a pas été très loin du désastre. La deuxième, également. Quant aux suivantes… Il faut déjà se faire à l’idée qu’avec 1000 Days Wand n’a pas essayé de renouveler le coup de maître de Golem. Et que le groupe n’a pas essayé d’aller encore plus loin dans le fuzz alourdi. Pas de délires progs ou hawkwindiens non plus (ouf !). Non, et c’est là que l’on se rend définitivement compte que le premier LP Ganglion Reef restera à tout jamais un brouillon nécessaire mais anecdotique, 1000 Days, sans jamais trahir ou renier loin de là les aspirations de Golem, tire une petite partie de son pouvoir magique renouvelé des élucubrations electro de W-H-I-T-E. Il y a beaucoup plus de sons synthétiques sur 1000 Days (il y a même un peu de boite-à-rythmes) et, surtout, Wand réussit souvent à concilier ici les poils pubiens de Golem et la délicatesse du projet solo de Cory Hanson. Et puis il y a ces touches quasi 80’s, toutes en finesse, qui donnent à certaines compositions de 1000 Days des airs de Gary Numan / Tubeway Army (Stolen Footsteps, un petit bijou du genre). A l’heure où, musicalement, tout se mélange allègrement pour un résultat plus ou moins réussi – voir par exemple le premier album solo de Guillaume Marietta, guitariste et chanteur de The Feeling Of Love –, à une époque où le garage réducteur fornique avec la cold-wave synthétique, où le lo-fi prolétarien se met au service de ce spleen si cher aux poètes romantiques, Wand est peut-être, dans une certaine mesure, le seul groupe existant à faire quelque chose d’un tant soit peu intéressant de tout ce bordel recyclé.

Le lyrisme et l’électricité ont bien sûr toujours une part importante dans la musique de Wand mais ces fameuses balades au sirop codéiné et mélancolique, ces tire-larmes indéboulonnables apparaissant déjà sur les deux albums précédents et qui attendriraient même un cœur de noiseux acariâtre, ces petits bijoux de sensibilité sont plus importants que jamais, sont surtout d’un niveau émotionnel encore jamais atteint par le groupe et teintent 1000 Days, malgré leur place minoritaire au sein du disque, d’une couleur appréciablement envoutante (Broken Sun). La dernière chanson de l’album s’intitule Morning Rainbow, n’aurait pas dénoté sur le double album blanc des Beatles et restera sans aucun doute comme l’une des plus belles chansons jamais composées ces dernières années. Une sorte de lamentation luciférienne qui s’achève à jamais sur ces quelques mots, au vécu universel : come back to me. Moi aussi je t’aime.

Hazam (01/11/2015)