sheikanorak
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Sheik Anorak
Or – 12''
Poutrage records 2015

Alors qu’il prévoit de publier pour le mois de février 2016 un nouvel album solo – album qui s’annonce encore plus pop et éclairé que son prédécesseur et déjà fort réussi Keep Your Hands Low – le lyonnais Sheik Anorak s’est offert en octobre dernier une sorte de petite récréation avec un 12'' intitulé Or. Et encore, lorsque j’écris « récréation », il convient de relativiser tout de suite : gravé sur une seule face et pressé en vinyle transparent (en clair ou en rouge selon les versions), Or est assurément un fort bel objet mais il s’agit surtout de l’enregistrement le plus difficile et le plus troublant du bonhomme. Et de loin. Or est en fait ce titre extrêmement long, répétitif et strident que Franck/Sheik Anorak joue de temps à autres mais rarement il est vrai en concert depuis quelques années déjà et qu’il n’a cessé de perfectionner. Une sorte d’hommage patent à la musique du guitariste Mick Barr (Crom-Tech, The Flying Luttenbachers, Krallice, etc.) et en particulier à l’album Ov d’Orthrelm (un disque dont je connais peu de gens capables de se l’enfiler direct d’une seule traite et à fort volume sans être pris de violents maux de tête et de vomissement).

Ceci étant posé, on peut aussi et surtout écouter Or sans connaitre ou même se douter de cette filiation tant Sheik Anorak tourne l’exercice à son avantage – comprendre : ici pas de branlette de manche ni de risques de tunnel carpien – et nous livre avec cette longue pièce un travail malgré tout personnel et, disons-le, d’une grande intelligence. En allant de plus en plus loin dans la répétition de motifs de guitare épileptiques et surtout en rajoutant à de rares moments clefs – moments déterminés par l’usure de l’expectative – de nouvelles couches de guitares, Sheik Anorak développe une sorte de tourbillon sonique ascensionnel qui monte lentement mais inexorablement en virulence, à la recherche d’un paroxysme semble t-il inatteignable. Difficile de ne pas se sentir emporté par ces flots de guitares qui finissent par ne former qu’un grand tout, laminage en règle de nos nerfs (et pas que nos nerfs auditifs) et débouchant sur une hypnose compacte et sans faille. Derrière la batterie martèle des rythmes incessants là aussi et évoluant de même par petites touches (rajout d’une cymbale, etc.). Les effets sont tout bonnement incroyables, provoquant pendant de longues minutes un manque et une attente qui montent en flèche.

C’est lorsqu’on s’y attend le moins que la musique change avec une cassure cette fois-ci très nette et intervenant dans les toutes dernières minutes de Or. Une cassure d’abord en forme d’accalmie presque étrange, le calme avant la tempête où l’œil du cyclone (que sais-je) et puis qui cède rapidement la place à de nouveaux motifs de guitare et à d’autres rythmes, toujours plus circulaires, comme une sorte d’explosion tout d’abord perturbante mais libératrice, tel un chaos éblouissant et grandiose d’où émerge finalement ce qui, même ici, fait toute la force et toute la beauté de la musique de Sheik Anorak, la force d’une guitare alliant le bruit et la lumière dans un ensemble aussi libre que cohérent. J’ai longtemps cru que Or ne serait à tout jamais qu’un moment live inédit et exceptionnel et que l’enregistrer n’aurait finalement qu’un d’intérêt limité. Je me trompais lourdement.

Hazam (26/12/2015)