sharpiecrows
flyingnun
|
Sharpie
Crows
Nostalgia Kills LP
Flying Nun 2012
La nostalgie
tue. Ce qui ne va pas nous empêcher de revenir sur ce disque publié
en 2012. Parce que dans Sharpie Crows, on retrouve Casey Latimer de Girls
Pissing On Girls Pissing et que c'est au moins aussi bien. Parce que
les disques de Sharpie Crows sont très difficiles à trouver
alors quand on met la main dessus, on est content d'en parler. Parce qu'on
fait bien ce qu'on veut.
Sharpie Crows a pourtant réalisé deux autres albums : 12
Omeros sorti très confidentiellement en 2013 par Flying Nun
et uniquement en CD à tirage limité (et on se demande bien
pourquoi de la part de ce légendaire label néo-zélandais
dont ce n'est pas l'habitude) et Greed enregistré en 2008
par le groupe lui-même sous forme de misérable Cdr. Totalement
introuvables mais heureusement disponibles sur le net, ici
pour 12 Omeros et là
pour Greed.
Quant à Nostalgia Kills, c'est une compilation galère
à dégoter, ou plus exactement une sélection de morceaux
parus sur Greed et sur les deux EPs Golf Course et Mass
Grave parus seulement en version digitale en 2010. Alors, c'est quoi
le problème de Sharpie Crows, pourquoi autant de cachotterie et
de discrétion autour de ce groupe qui pratique pourtant une musique
loin d'être inaccessible. Mystère. Flying Nun serait pourtant
bien inspiré de faire la promotion de Sharpie Crows. C'est sûrement
la meilleure chose qu'ils ont déniché depuis leur âge
dorée dans les années 80 et le début des 90's.
Le groupe de Casey Latimer (qui ne fait que jouer de la guitare, le chant
étant assuré par Samuel Bradford), est un mélange
de tout ce que les groupes de Flying Nun ont pu proposer en le recrachant
avec pertinence, sans oublier un détour par Birthday Party qui
n'a jamais été sur Flying Nun mais dont l'aura sur les groupes
des Antipodes (mais pas que) ne se dément pas. La mélodie
pernicieuse, l'harmonie décalée, la dissonance pointue,
cet arrière-goût acide et sec derrière une dimension
pop qu'ils pervertissent toujours par une approche éclatée
et une ambiance vénéneuse, Sharpie Crows a tout ça
et plus encore. Sharpie Crows possède surtout un grand sens de
la composition. Une façon unique de faire traîner ces morceaux
dans une mélancolie poisseuse, de les parer de jolis atours avec
un chant pouvant se révéler très mélodieux,
les pétrir de classe et de retenue mais aussi les rouler dans une
folie latente qui fait froid dans le dos (Hunterville Tyrespikes
ou les rires démoniaques de Sheepskin), manier la douceur
et la violence dans un bain d'acide et de velours. Des morceaux qui semblent
perpétuellement glisser sur le bord du chaos, le malaise inscrit
au burin au fond de la chair, le silence comme un cri restant au fond
de la gorge. Les échardes de guitare dont Latimer continue de nous
gratifier dans Girls Pissing sont tour à tour cisaillantes, ensorcelantes,
cassantes et belles. C'est décharné, inquiétant,
hypnotisant, un post-punk qui n'essaye pas comme tant d'autres de copier
les glorieux aînés mais va de l'avant, triture, fait mal,
enchante avec plein de talent à revendre pour une alchimie personnelle
(à l'instar de Girls Pissing) dont vous feriez bien de vous dépêcher
de découvrir puisque apparemment, personne ne vous l'apportera
sur un plateau.
SKX (16/11/2015)
|
|