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katatak





Girls Pissing On Girls Pissing/Looks Like Miaou
Split LP
Katatak/Tendresse/L'Entorse 2015


Il existe des splits albums qui coulent de source, des groupes faits pour se rencontrer, parlant le même langage. Les Néo-Zélandais de Girls Pissing On Girls Pissing et les Belges de Looks Like Miaou, frères lointains géographiquement mais pas aux antipodes musicalement. Il va donc être question de musique qui cimente des dalles de béton au fond du port, de corps décharnés alimentés par un minimum de courants, de vie blêmissante pourrissant lentement sous une chaleur noire.
Girls Pissing On Girls Pissing sont cinq dont Casey Latimer des déconcertant Sharpie Crows. Ils ont déjà publié deux albums sous forme de livres avec un coupon de téléchargement à l'intérieur (Tangiwai en 2011 et Eeling en 2013), c'est à dire des objets ultra-limités que personne n'a jamais vu sauf si tu habites du coté d'Auckland. Heureusement, leur site met à disposition du monde entier tout ce qu'ils ont pu produire, nouveau single compris. Ainsi, leur funeste envoûtement ne date pas d'aujourd'hui. On n'en est que mieux armés pour aborder ces trois nouveaux titres. Écorchures noisy d'un vieux Sonic Youth poisseux et languissant, voix rageuse et torturée de Latimer contre chant plus mélodique d'une des deux filles (l'autre est à la batterie), piqûre d'un cuivre fatigué, bruits fantomatiques d'un vieux synthé, la musique de Girls Pissing On Girls Pissing pisse bien plus loin que cette description approximative et arrose d'un jaune blafard un territoire habité par le malaise. Un malaise sans l'apitoiement. Avec de la tension larvée, de la brutalité dépouillée, un air de death-rock tribal sur Where Their Worm Dieth Knot, des arpèges beaux mais cinglants capables de tisser les contours de mélodies étriquées comme autant de rayons lumineux, un onirisme alarmant et le chant de Latimer vous rappelant à l'ordre. Girls Pissing On Girls Pissing est là, comme s'ils attendait que ça se passe tout en sachant consciemment que ça allait mal finir. Ce groupe est captivant et ce nouvel enregistrement, la preuve de leur indéniable et ténébreux magnétisme.
Looks Like Miaou n'est que deux. Mais tu en sors tout aussi cafardeux. En pire. Ne pas se fier à leur nom enfantin. Fort d'un précédent album troublant, le duo embraye avec quatre nouvelles compositions minimalistes, où le silence est aussi important que le beat de la machine, les arpèges détachés de la guitare se fondent dans les nappes froides du synthé et inversement, tout comme le chant féminin et masculin créant une alchimie lugubrement enivrante. Même quand l'accent anglais à couper au couteau surgit au détour de Nagging Armed Crossed. Là où Girls Pissing On Girls Pissing met encore un peu de hargne, Looks Like Miaou insuffle une inquiétante atmosphère tragique et assumée, laisse planer une grande ombre désabusée sur le bal de la vie à l'instar des cinq minutes de Inspectionism, lente et belle procession noire qui file le vertige. Et au milieu de ce sombre tableau se dresse Swell Up, magnifique morceau à la profonde vibration rappelant 202 Morningside avec une ligne mélodique tellement triste qu'elle te bouffe de l'intérieur et une tension sourde par là-dessous qui t'achève. Blistering Day ouvrant la face est aussi pas mal dans le genre, en plus rythmé mais tout aussi sobrement poignant. Un split qui n'en fait qu'un, une tête à deux voix et se résumant en un seul mot : essentiel.

SKX (17/04/2015)