poino
horsearm
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Poino
Bon Ick Voyeur LP
Horse Arm records 2014
Poino ou
lart du défaussage subtil. On avait découvert ces
anglais avec Moan
Loose, un premier album qui avait à juste titre déchainé
les passions. Certains voyaient et voient encore dans le trio le digne
successeur dun Shorty (pour les incultes ou pour celles et ceux
qui passent par là vraiment par hasard : Shorty est le groupe de
Mark Shippy et Al Johnson avant US Maple) mais un Shorty dynamitant toujours
plus ses chansons à laide descarmouches et autres coups
de vice. Au final, avec Moan Loose, Poino saffirmait bien
plus que comme un simple copier/coller et simposait de lui-même
comme une valeur sûre du noise-rock foutraque et perturbé.
Bon
mais alors, quen est-il maintenant, en 2014 ? La réponse
est dans Bon Ick Voyeur, le très attendu deuxième
album de Poino et nouveau coup déclat du groupe, plus de
trois ans après le premier.
Gaverick de Vis (guitare et chant toujours plus Al-Johnsonnien que nature),
Ross Blake (basse) et John Greenhorn (batterie) ne sont pas des traitres.
Mais on la sentait bien venir, la mutation dans la continuité,
la sournoise accentuation de tics de langages dont Poino est bourré
jusquà los : cette façon de prendre son temps
alors quon en a pas, cette façon de louvoyer (toujours louvoyer),
de tourner autour du pot, de constamment apaiser le truc, de faire patienter
avant que ça explose et de faire en sorte, justement, que ça
nexplose pas toujours ou alors si peu ou alors en
retard. Les huit compositions de Bon Ick Voyeur semblent avoir
été tissées par une araignée de cuisine particulièrement
patiente et définitivement esthète. Le côté
systématiquement explosif voire punk a été
mis relativement de côté au profit dune accentuation
mélodique dune riche épaisseur alors que les structures
même des compositions réfutent toujours plus le schéma
couplet/refrain. Poino savait déjà foutrement bien composer,
là nest pas la question, or désormais cest comme
si le groupe avait des velléités (euh
) rayonnantes.
« Velléités » est bien le terme approprié
parce que comme dhabitude avec Poino, le groupe semble faire les
choses à moitié ; seulement tout ça, ce nest
que du chiqué, le résultat nous attend toujours au tournant
et il prend immanquablement la forme dun accomplissement certain
mais toujours différent de ce que lon attendait.
Alors ne me faites pas dire non plus ce que je nai pas dit : il
est toujours question de noise rock avec Poino et les trois anglais sont
restés ce groupe qui virevolte dans un bain dacide mais qui
le fait avec plus de nonchalance, un peu comme une méduse urticante
dont on ne se méfierait pas assez. La musique du groupe a pris
une nouvelle dimension, transcendée ; sa violence initiale et désaxée
se dirige dorénavant vers une sorte de beauté théâtralisée
et lalgorithme est forcément dramatique (moi jai presque
envie de chialer à chaque fois que jécoute Pinking,
instrumental faussement doté dun air de rien et clôturant
la première face de Bon Ick Voyeur). Le côté
instable et chien fou du groupe na cependant pas disparu et on expliquera
ce tour de force par le fait que Poino ne se laisse pas non plus aller,
ne permet pas aux ambitions cérébrales de prendre le dessus.
Avec les brûlots Burnt Birthday et Doom Fist (le meilleur
titre de lalbum, à égalité avec Ienod),
la deuxième face du disque est dailleurs légèrement
plus rentre dedans que la première, si on excepte toutefois ce
Terpsichordia final et agrémenté de vibraphone, de
piano et de violons et cest assez symptomatique : sur Moan
Loose, Bad Bag comprenait également un instrument additionnel
mais il sagissait dune clarinette au contraire en mode totale
freeture.
Enfin et encore une fois, Poino ne serait pas ce quil est sans sa
formidable section rythmique. Et on ne rendra sans doute jamais assez
hommage à Ross Blake et John Greenhorn, deux types qui la plupart
du temps ne semblent faire quun mais à la façon de
deux frères siamois, cest à dire collés ensemble
par la moelle épinière et se partageant les mêmes
jambes traviolées : chacun veut aller dans une direction et cest
donc forcément une troisième qui est choisie. Quant à
Gaverick de Vis, lui il compterait plutôt pour deux tellement, sur
disque comme en concert, jai pu le revérifier encore
tout récemment il sait se montrer impressionnant, et pas
seulement pour épater la galerie. Les araignées dans la
cuisine ont encore de beaux jours devant elles.
Hazam (25/06/2014)
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