ironreagan
relapse
SSS
prosthetic


Iron Reagan
The Tyranny Of Will – LP
Relapse 2014
SSS
Limp. Gasp. Collapse. – LP
Prosthetic 2014

As-tu remarqué, fidèle lecteur, que le patron s’est récemment mis au thrash ? Oui, bon, OK, je relativise tout de suite. Oozing Wound est au thrash ce que les Beastie Boys étaient au hip-hop, c’est-à-dire une putain de perversion mais une perversion qui fonctionne à plein régime. Il ne faut pourtant pas s’étonner que les puristes du genre, ceux qui ont vu Metallica à l’époque de l’album Kill’Em All – c’était en 1984 et en première partie de Venom à Paris, espace Ballard –, crient au scandale face à un groupe dont le son de guitare n’a rien d’orthodoxe, où cette même guitare ne dégouline pas en solo (parce qu’on parle de metal, quand même) et qui publie ses disques sur Thrill Jockey, un label indie pour filles en t-shirts trop grands et pour intellos de merde (et un label qui n’en est pas à son coup d’essai puisque ayant déjà publié les abominables et prétentieux Liturgy et les déjà plus intéressants The Body). C’est bien simple. Oozing Wound c’est du metal pour informaticiens barbus et amateurs de physique quantique donc c’est forcément pour de faux.

Et bien je vais démontrer exactement le contraire grâce au deuxième album des américains d’Iron Reagan, intulé The Tyranny Of Will. Un disque qui lui est bien synonyme de profonde escroquerie, de pause et de course à la coolitude. On a donc un groupe qui pratique le thrash en version crossover (i.e. mâtiné de hardcore viril mais déconnant), dont le nom peut à la fois évoquer Reagan Youth et Iron Maiden et qui pond un album bourré de cavalcades, de riffs lourdingues et éculés, de chœurs de hooligans, de soli pompés sur Kerry King et de quelques mosh parts. Tout est bien en place, tout répond aux critères du genre et si dans ta jeunesse tu as écouté Adrenalin O.D., DRI ou S.O.D. ce disque est fait pour toi mais il y a fort à parier que tu finiras par t’ennuyer, même si tu l’écoutes complètement défoncé et tout nu au bord de la piscine des parents de ta copine. C’est que The Tyranny Of Will ressemble à un pur produit. Iron Reagan comprend dans ses rangs deux membres de Municipal Waste, groupe qui officie peu ou prou dans le même registre qu’Iron Reagan mais en beaucoup plus doué, donc c’est un euphémisme de dire qu’il y a redondance, surtout que sur ces deux membres on dénombre Tony Foresta, c’est-à-dire le chanteur frontman de Municipal Waste. Le gars n’a déjà pas une voix inoubliable mais l’entendre vociférer les mêmes conneries dans deux groupes différents est littéralement une perte de temps. Relapse, label bien connu pour son sens des affaires et qui a publié The Tyranny Of Will, a beaucoup misé sur Iron Reagan et a inondé le net de vidéos qui ne font frissonner que les geeks (Eyeball Gore avec que des extraits de films à base d’yeux crevés, arrachés ou découpés) ou qui n’épatent que les gamins (Miserable Failure avec démonstration de nerditude, exhibitions de t-shirts de groupes tendance « c’était mieux avant » et un featuring des stoner infantiles de Red Fang). Alors c’est très simple, avec Iron Reagan, on est en plein dans le trip ados MTV, on se croirait revenu à l’époque où les directeurs marketing des labels voulaient faire croire aux kids que Green Day et Offspring étaient des vrais punks, des rebelles et non pas des pantins gominés et des produits comme les autres.

Il en va bien différemment avec SSS. Abréviation de Short Sharp Shock, SSS est un groupe anglais (Liverpool), alors que ses influences sont elles typiquement américaines et profondément ancrées dans les 80’s, sûrement les mêmes que celles d’Iron Reagan, d’ailleurs. Seulement, là où les américains ne font que dans l’entertainment, les pitreries et ne se servent de la musique que comme un prétexte vulgairement festif, les anglais dévoilent eux une véritable passion et une implication sans failles. Le Thrashcrossover de SSS est réellement violent, ardu, austère et ne se donne pas de faux airs. Et si la production de Limp. Gasp. Collapse., le troisième album du groupe, est un peu sourde, elle ne triche pas non plus – en fait c’est surtout qu’elle est bien moins clinquante et bien moins démagogique que ce qui se fait à l’heure actuelle en matière de metal plus ou moins extrême. Limp. Gasp. Collapse. est ainsi une collection de brûlots entre thrash metal et hardcore, les soli sont toujours courts et diablement efficaces, les riffs fonctionnent même quand on pense déjà les connaitre, le chant se partage entre virulence et ascétisme (avec des paroles très politiques qui prennent – trop – souvent la tournure de slogans) et le jeu de batterie est réellement impressionnant parce que, finalement, il n’abuse d’aucune surenchère (malheureusement nous vivons à une époque où la double-pédale est devenue une véritable engeance). Limp. Gasp. Collapse. est donc typiquement un disque très marqué stylistiquement mais qui continue d’entretenir la flamme avec un acharnement sincère et éloquent. Et ça, c’est sans compter la dernière plage du disque. Crushed By Drudgery est un titre plus lent, plus lourd, plus sombre encore et qui laisse éclater tout le malaise que jusqu’ici on ne faisait que deviner à l’écoute de Limp. Gasp. Collapse. De la signification, donc.

Hazam (24/11/2014)