polymorphie
grolektif





Polymorphie
Voix - CD
Grolektif 2012

Polymorphie. Propriété d'avoir une forme différente sans changer de nature. Patronyme desservant à merveille les desseins de ce collectif lyonnais. Et polymorphe à plus d'un titre. Des musiciens qui viennent, passent, repartent, reviennent, l'équipe du Grolektif en mouvance perpétuelle, qu'importe les têtes, l'esprit reste. Et ce jazz bouge également sans cesse. Un jazz transversal, un jazz mouvementé, frappé d'une multitude de courants qui n'ont rien de jazz mais ne changeant jamais sa nature pleinement vivante, enlevée et poignante. Des caméléons nouvelle vague.
Avec Romain Dugelay (saxophone alto et baryton) en compositeur en chef qui a réunit son Kouma pour la force de frappe (Damien Cluzel, guitare baryton et Léo Dumont, batterie). Un autre saxophoniste bien connu de nos services (Irène, Lunatic Toys, Loup) en la personne de Clément Edouard et son attirail de triturations electro/sonores, deux autres cuivres pour bien nous souffler dans les bronches, Félicien Bouchot et Lucas Garnier (trompettes, cornet, bugle), et une chanteuse, ou, il s'agit d'être précis, une chanteuse-récitante avec Marine Pellegrini.
Car si en-dessous de Polymorphie, c'est écrit Voix, ce n'est pas pour les chiens. La voix (de son maitre) et les mots derrière, transformant cette musique en un jazz narratif, évocateur, élevant Polymorphie vers une dimension différente et supérieure, créant des brèches vers un nouvel univers. Le jazz de Polymorphie est déjà tout un programme à lui tout seul. A l'instar de Irène, le jazz n'est qu'un prétexte, une inspiration d'école que ses apprenants ont depuis longtemps transcendé pour le soumettre à une énergie hardcore, à des coups de boutoirs mordants, des assemblages et des recherches sonores divertissants, une effervescence continue à feu doux, mélancolique ou à tir tendu.
Mais avec cette voix - et sans qu'elle soit omniprésente - récitante, parlée, chantée, vocalisée, intense ou caressante, Polymorphie prend la tangente. Ou appelez ça de la profondeur, de la cuisse, du cœur, de la trempe ou de l'originalité mais l'important, c'est que c'est bon. Grandiosement bon. A tous les étages. Le texte introductif de Le Berger, troublant et sombre avec sa montée solennelle de cuivres. Les effets de voix/chants se chevauchant sur Where The Wild Roses Grow, reprise méconnaissable du morceau de Nick Cave avec Kylie Minogue et comment dire…. tellement mieux que l'original ! Remarque qu'on serait presque tenter de répéter sur deux autres reprises de l'Australien tant elles sont osées et puissamment singulières. Happy Birthday (un morceau de Birthday Party quand ils s'appelaient encore The Boys Next Door) et surtout l'énorme The Mercy Seat du répertoire de Nick Cave et ses Bad Seeds. Pas sur que sans les paroles et son fameux An Eye for an eye, and a tooth for a tooth, and anyway i told the truth, and i'm not afraid to die, on aurait été capable de reconnaître ce classique. Mais Polymorphie, par tout autre moyen, retranscrit étonnement bien la longue et inexorable montée d'adrénaline, la répétition d'où naît la tension et c'est totalement bluffant.
Un Pachinko final sans voix mais racontant pourtant beaucoup de choses et les musiciens du Grolektif font une nouvelle fois la démonstration de leur grand talent et inventivité. De quoi rester sans voix !

SKX (30/01/2013)