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KEN Mode
Entrench - 2xLPs
Season of Mist 2013

Cinquième album des canadiens de Ken Mode et le trio ne faiblit toujours pas. Dire qu'il progresse n'est pas non plus exacte. Du mieux certes sur Reprisal par rapport à Mongrel, le premier album. La même chose pourrait être dite de Mennonite par rapport à Reprisal mais l'impression persistante, c'est que les cinq albums de Ken Mode font corps, cultivant chacun leurs détails et tous égaux au final devant l'échelle de la qualité.
Sur Entrench, Ken Mode est tout de suite reconnaissable. Leur credo, c'est le hardcore/noise. Les frangins Matthewson (guitare/chant et batterie) n'en démordent pas. Leur nouveau énième bassiste, Andrew LaCour, ne change rien à la donne. Un seul son obsédant dans la caboche et ils n'ont pas fini de creuser. Tout leur talent est de réussir à maintenir la flamme grâce à un song-writing largement au-dessus de la bande de besogneux creusant le même trou qu'eux, dans un style ne manquant pas de mineurs.
Dès le titre d'ouverture, Counter Culture Complex, on sent le trio très en verve. Une stridence de violons et le déluge s'abat inexorablement, suivi d'un refrain catchy pour cœur endurci. Le charme opère et il ne va plus nous quitter. Ken Mode est passé maitre pour brouiller les pistes. Allonger des droites hardcore violemment rentre-dedans et abrasives (le furieux Your Heartwarming Story Makes Me Sick), surfer sur son background noise-rock pour se détourner d'un chemin trop balisé, tordre le cou de structures punitives, ralentir le tempo, devenir vicieux, sortir la basse de ses gonds pour se la jouer Unsane et, le reste du temps, naviguer les yeux dans les yeux entre des groupes comme Botch et Playing Enemy.
Mais Ken Mode peut aller encore plus loin dans l'art du contre-pied. Ken Mode a toujours aimé casser l'ambiance avec des compos plus introspectives. Pour mieux mettre en valeur la violence générale et faire chier le metalleux/hardcoreux de base et bas du front. Celles de Entrench s'appellent Romeo Must Never Know et Monomyth. La première nommée dure sept minutes et c'est une ballade soutenue pour tueurs de sang froid. Piano léger dans le fond, mélodie du bonheur, pression qui monte et mid-tempo ravageur. La deuxième clôt le disque, est entièrement instrumentale, encore plus pastorale et le fait qu'elle soit dédiée à un pote décédé explique sa profonde mélancolie. Vous rajoutez un peu de violon, violoncelle, un brin de synthé/korg saupoudré discrètement à gauche à droite sans édulcorer le propos plein de rage et Ken Mode marque encore plus son territoire à l'image de cette étrange sculpture signée Ben Bonner pour une pochette gatefold de toute beauté.
Histoire de faire encore plus les gros titres, Tim Singer (Kiss It Goodbye) et Dave Verellen (Botch, Narrows) viennent pousser la chansonnette qu'ils ont virils sur deux titres, mais Ken Mode n'a pas besoin de crédibilité supplémentaire. Ces cinq albums parlent pour eux et si Entrench a bénéficié de plus gros moyens de la part d'un groupe ayant le vent en poupe, il ne perd rien de son bouillonnement initial mis en branle en 1999 et place Ken Mode tout en haut de sa catégorie.

SKX (29/03/2013)