threesecondkiss
africantape


Three Second Kiss
Tastyville - CD
Africantape 2012

J'avoue être resté sur une très mauvaise impression de Three Second Kiss. C'était lors du festival Africantape à Lyon au printemps 2011. Une prestation sur laquelle j'avais décroché au bout de quatre, cinq morceaux, ne tenant plus devant l'arithmétique nébuleuse du trio italien. Je suis pourtant du genre à bouffer de la complication et de la furie par vent contraire au petit déjeuner, leur précédent album Long Distance était un mets très apprécié mais là, c'était le coup de coude de trop qui fait déborder la bière, l'overdose renvoyant l'auditeur au comptoir. Une incompréhension totale. Et surtout le sale pressentiment que le futur album allait grave prendre la tête.
Tastyville débarque un an plus tard et c'est tout le contraire. Va comprendre !
Three Second Kiss semble plus apaisé. Il n'a rien perdu de sa capacité à échafauder des morceaux sinueux et de sa verve technique. Si DSK était plutôt pour la pipe, TSK a lui le poignet souple et asticote des parties fines de guitare élastique, entortillé, le manche à l'envers et la section rythmique est à elle toute seule un roman à multiples rebondissements. N'empêche, il émane une atmosphère générale plus détendue. Le chant n'y pas étranger, plus mélodique et parlé que sur les cinq albums précédents. Les imbrications entre la guitare et le basse/batterie se font moins heurtées, la confrontation passe au second plan au profit d'une plus grande fluidité dans des titres ayant gagnés en longueur mais pas en complication. C'est tout le paradoxe d'un album qui a le goût d'avant mais qui est pourtant différent. Tranquillement, intelligemment. La force de frappe d'un Shellac et d'un noise-rock marqué par le son de Chicago a glissé vers le terrain mouvant de US Maple. Le sens de la glissade, des cassures dans le pourpre, en toute décontraction mais ferme dans le velours, de la chaleur diffuse, de l'élégance tout en gardant de l'angularité, un peu d'orgue sur Caterpillar Tracks Haircut (un titre capillotracté ?), la voix du boss en introduction sur Vampirized, un enregistrement qui ne subit plus la dure loi d'Albini mais est fait maison par le batteur Sacha Tilotta, conférant à Tastyville une souplesse, une légèreté, une personnalité accrue et des tonnes d'accroches partant en volutes dans un ciel zébré d'éclairs.
Il n'est certes pas toujours aisé de se laisser envahir par les variations du trio, il faut du temps avant de pleinement intégrer les compos et quand bien même, on peut certaines fois resté au seuil de la porte, pour mieux y pénétrer la fois suivante et découvrir qu'il existe encore de nouvelles entrées dans des morceaux ne donnant jamais toutes les clefs. Toute la force d'un album qui n'a pas fini de livrer tous ses secrets, de libérer son charme et ne pourra jamais se consumer entièrement.

SKX (11/10/2012)