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L'Ocelle
Mare
Serpentement - CD
Murailles Music/Souterrains-Refuges 2012
Eux-aussi
les objets sont monstrueux. Détenteurs d'un pouvoir hermétique.
Grilles, fers rouillés, portes sinistrement grinçantes,
angles rognés, plintes blessantes, les murs craquèlent la
nuit, accidentent le couloir, feinte placidité des formes. La musique
de L'Ocelle Mare est une musique mécanique, se mue de manière
autonome. Une musique d'objets en mouvement, une musique du quotidien,
une bande-son d'angoisses routinières, de relais en relais, répercussion
des vibrations, aggravée de secousses secondaires accrochées
en cascade.
Thomas Bonvalet, un ex - mais ça fait tellement longtemps - Cheval
de Frise qui ne se les frise plus, abandonnant le champ de la guitare
acoustique, continue de se fondre dans la nature, creuser son trou dans
le nid d'instruments qui n'en sont pas, détournant la réalité
pour donner vie à des plaques d'harmonica, des pavots secs, un
minuteur, un orgue à bouche, des amplificateurs. L'Ocelle Mare
frappe des pieds, des mains et nous, on se frappe la tête. Engourdissement
avait laissé tout raide. Serpentement fait onduler de la
raison. Sinuosité d'une musique concrète, qui ne s'apprivoise
pas, fait peur avant, cette fois-ci, de laisser filtrer des émotions,
toucher du doigt une réalité. Conseiller d'écouter
à fort volume pour impressionner le vieux punk peu expérimenter
dans ce genre d'exercice. Les sifflements prennent forme, les bruissements
hypnotisent, le dépouillement enveloppe. L'écoute de la
forêt profonde et le reflet d'un trou d'eau noir sans fond, à
peine brusquer par un banjo, un ukulele ou des grelots, quand la tension
lardée se fait plus pressante, que les mains sales et travailleuses
crochent dans le palpable.
De l'electro de campagne, uniquement du bruit naturel enregistré
principalement dans un temple protestant à Bergerac, économie
sur la facture d'électricité, Adrian Riffo toujours pour
la prise de son de la bête craintive loin des agitations de ce monde
et insoumise aux codes en vigueur. L'Ocelle Mare est là mais pas
vraiment, à la frontière de plusieurs mondes, tentant de
s'en créer un nouveau. Le dépaysement est rude, le chemin
pour y parvenir demande abnégation et ouverture d'esprit. Depuis
le temps que L'Ocelle Mare semble en quête d'une nouvelle voie,
Serpentement, après bien des méandres et déjà
trois enregistrements, dessine les contours de lignes apparentes, avec
une ligne rouge en filigrane, plus persuasive. A condition d'avoir pleinement
conscience des objets qui vous entourent, du monde invisible grouillant
autour de vous et de ne pas avoir peur du noir.
SKX (30/03/2012)
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